L’Europe a d’abord été bâtie autour du marché et de la concurrence. C’est pourquoi la Commission européenne a consacré beaucoup d’efforts depuis 1957 à démanteler les politiques industrielles nationales en faisant la chasse aux aides d’Etat susceptibles de fausser cette concurrence sur le marché commun puis unique.
Mais dans le même temps, du fait d’un budget très restreint et des difficultés politiques à se mettre d’accord à ce sujet, aucune politique industrielle européenne n’a émergé. Les seuls contre-exemples, Airbus dans l’aéronautique et Arianespace dans le spatial, sont nés en dehors du cadre proprement communautaire, par des coopérations entre Etats. Et dans l’état actuel du droit européen, il n’est pas sûr qu’on réussirait à refaire ce genre d’opérations sans se heurter à un veto de la Commission européenne.
Du fait de cette absence de politique industrielle, contrairement au Japon, aux Etats-Unis ou à la Chine, et aussi de la très grande ouverture de son marché intérieur, l’Europe a raté les dernières vagues d’innovations technologiques : microélectronique, ordinateurs, téléphonie mobile, Internet. Suite aux révélations d’Edward Snowden en 2013 sur les opérations de la NSA, l’agence des Etats-Unis en charge du cyber-renseignement, et à l’arrivée sur les marchés européens des multinationales chinoises, massivement soutenues par leur Etat et un système financier opaque, les Européens ont fini par se rendre compte de l’état de faiblesse et de dépendance où les conduisait ce manque de politique industrielle.
Avec notamment le règlement général sur la protection des données (RGPD) entré en vigueur en 2018, différentes actions sur le terrain de la concurrence et de la propriété intellectuelle et d’autres sur le terrain fiscal, l’Union européenne commence enfin à essayer de se faire respecter des Gafa, les géants américains du numérique. Parallèlement, l’Union s’est dotée en février dernier d’un premier cadre commun de contrôle des investissements étrangers.
La Commission a aussi quelque peu assoupli sa doctrine en matière de fusions pour permettre plus aisément la création de géants européens, même si elle vient de s’opposer à celle de Siemens et d’Alstom dans le ferroviaire. Mais en matière de politique industrielle à proprement parler, on en reste toujours aux balbutiements, même si la Commission voudrait réorienter le prochain budget européen (2021-2027) vers le soutien à la recherche et l’innovation, en rognant notamment sur la politique agricole commune et les fonds de cohésion.
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