Idées Après les élections européennes au Royaume-Uni

Piégés dans le purgatoire d’un Brexit perpétuel

L'élection du Parlement européen a été largement considérée comme un second référendum qui cachait son nom, près de trois ans après que les électeurs avaient voté pour quitter l'Union européenne. Mais combien de temps encore le pays va-t-il languir dans le purgatoire du Brexit ?

Publié le 3 septembre 2019 à 09:27
Pug Girl | Flickr CC BY 2.0  | Un graffiti à Londres.

À tort ou à raison, le Royaume-Uni a souvent été considéré par les élites politiques européennes comme un bastion de stabilité et de bonne gouvernance. Aujourd'hui, cependant, l'instabilité règne et cette "nouvelle normalité" marquée par une politique tumultueuse ne montre aucun signe d'apaisement. En cette ère de fluidité et de changement, les électeurs sont prêts à abandonner rapidement leurs choix précédents.

Lors des élections européennes, les deux principaux partis du pays ont connu un effondrement extraordinaire de leur soutien. Alors qu'à l'élection législative de 2017, les Conservateurs et les Travaillistes avaient obtenu ensemble 82,3 % des voix, aux élections européennes, ce chiffre n'était que de 23,19 %, les conservateurs ayant obtenu un résultat lamentable de 9,09 %. Le résultat des Conservateurs est le pire que le parti ait obtenu lors de n'importe quelle élection depuis que le suffrage universel a été introduit.

Largement considéré comme un second référendum sur le Brexit, la bataille pour l'interprétation des résultats a vu les "Leavers" et les "Remainers" affirmer avec force qu'ils ont maintenant le dessus dans le débat sans fin sur la sortie du pays de l'UE. La remarquable performance du Brexit Party a fait les manchettes. La nouvelle start-up de Nigel Farage s'est clairement imposée avec 31,6 % des suffrages. Ils ont envoyé" 29 députés européens au Parlement, faisant du Brexit Party l'un des plus grands partis nationaux de l'hémicycle.

"Leavers" vs "Remainers"

Les autres participants ont tenu à souligner que la force combinée des partis du "hard Remain" l'emportait de loin sur celle de leurs homologues Brexiteers. Si l'on additionne le nombre de voix des Libéraux Démocrates, du Parti Vert, du Parti National Ecossais, de Plaid Cymru (nationalistes gallois) et de Change UK, on obtient un total de 40,39 %, soit bien plus que le vote combiné du UKIP et du Brexit Party (34,9 %).

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Que l'on l'interprête comme un indicateur fiable ou pas, ce qui ressort clairement des résultats, c'est l'effondrement spectaculaire du soutien en faveur d'une sorte de point d'équilibre entre la division Brexit/Remain ; soit sous la forme de l'accord négocié par Theresa May (le seul accord actuellement sur la table), soit sous une forme plus douce de sortie, semblable aux modèles norvégien ou suisse.

La forte présence des Libéraux Démocrates et du Brexit Party souligne l'ampleur de la polarisation entre "leavers" et "Remainers" au Royaume-Uni. Cela aura également un impact sur la politique nationale britannique et ne peut être considéré comme un vote de protestation ponctuel lors d'une élection européenne. Depuis les élections européennes, les sondages d'opinion nationaux ont enregistré une forte baisse du soutien aux deux principaux partis. Un sondage YouGov a même pointé les Libéraux Démocrates en première position et le Brexit Party en seconde.

Une sorte de purgatoire

Les deux principaux partis sont maintenant contraints de pivoter à gauche et à droite sur la question de l'Europe. En principe, cela devrait être simple pour le Parti travailliste, car l'option de rester dans l'UE est la position par défaut et la plus facile à mettre en place politiquement, étant donné que ses membres et ses électeurs la soutiennent massivement. Cependant, le chef du parti Jeremy Corbyn et ses proches conseillers demeurent très réticents à une telle démarche.

Pour les conservateurs, une série de choix plus difficiles sur le plan politique se présentent maintenant. Les membres et les électeurs du parti réclament la rupture la plus dure possible avec l'UE, y compris l'acceptation d'un "no deal" chaotique – une sortie de l'UE sans accord. Cette dernière option n'est pas juridiquement ou économiquement viable pour un gouvernement sérieux. Compte tenu des difficultés pratiques que présente la frontière irlandaise, l'accord sur la table est la rupture la plus radicale possible.

Quant au résultat de toutes ces turbulences pour le reste de l'Europe ? Ne vous attendez pas à ce que la Grande-Bretagne quitte l'Union européenne de sitôt. Le seul moyen pratique et tangible d'y parvenir - un Brexit mou sous une forme ou une autre - n'a que très peu de soutien dans le pays. Le Royaume-Uni restera donc dans l'UE, mais peut-être sous la forme d'un État "sortant" qui ne quittera jamais définitivement – une sorte de purgatoire qui pourrait convenir à l'attitude historique du pays vis-à-vis de l'intégration européenne.

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Cet article est publié en partenariat avec Eurozine

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