Idées UE-Ukraine

Pourquoi le référendum aux Pays-Bas n’est pas démocratique

Publié le 7 avril 2016 à 12:10

Les électeurs néerlandais ont voté mercredi 6 avril contre l'accord UE-Ukraine. Certains crient victoire au nom de la démocratie. C'est pourtant tout le contraire qu'il vient de se passer. Car moins de 1% des Européens viennent de décider pour l'ensemble de l'Union européenne.

Le scrutin sur l'accord UE-Ukraine est le seul organisé pour le moment sur l'accord d'association entre UE et Ukraine. Mais il semble d'ores et déjà enterrer définitivement cet accord. Dans cette Union européenne, il faut l'unanimité de tous les Etats pour qu'un tel partenariat soit validé. Par conséquent, pas la peine d'attendre les ratifications des autres pays, elles ne sont plus nécessaires.

Même si seulement 32% du corps électoral néerlandais s'est exprimé, certains estiment qu'il s'agit d'une victoire de la démocratie, du « peuple contre les élites européennes ». Cette analyse est bien mauvaise. Moins de 1% des 500 millions d'Européens a décidé pour les autres : il s'agit en effet d'une grosse majorité d'un tiers du corps électoral d'un pays d'environ 17 millions d'habitants pour être précis. Admettons que les électeurs des Pays-Bas aient voté oui, il n'y aura aucune raison de se réjouir non plus, car nous aurions toujours 1% des citoyens européens qui aurait décidé pour les autres.

Le système de ratification pose ainsi question. Les Européens se sont déjà exprimés sur cet accord par le biais de leurs représentants avec le vote du Parlement européen et l'accord des chefs d'Etats et de gouvernements de chaque pays. Mais il faut en plus des ratifications nationales qui n'ont pas lieu en même temps. Par exemple pour le traité de Lisbonne, il a fallu deux ans entre l'adoption du traité et son entrée en vigueur du fait de toutes les ratifications nationales...

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Le plus simple serait donc d'organiser un référendum pan-européen. D'une part, cela permettrait de donner un contexte européen au vote et non d'adhésion ou de rejet des dirigeants en place. D'autre part, le résultat serait plus clair pour tout le monde.

Car aujourd'hui, qu'en est-il de cet accord ? Va-t-on faire revoter les Néerlandais ? Cela serait très négatif : soit on leur force la main en leur expliquant qu'ils ont mal voté, soit on renégocie pour les avantager afin qu'ils acceptent l'accord au détriment des citoyens des autres pays (comme avec les Irlandais en 2008). En attendant, c'est Poutine qui se frotte les mains devant tant d'indécisions européennes.

Avoir un référendum pan-européen ne voudrait pas dire pour autant que les citoyens vont voter dans le sens voulu par les dirigeants nationaux. Il faudra faire campagne. Aux Pays-Bas, l'indigente campagne en faveur de l'accord, alors que nous sommes en pleine présidence hollandaise du Conseil des ministres de l'UE, a abouti à un double échec : sur l'accord en tant que tel et sur la mobilisation des citoyens. 32% de participation est un résultat qui ne devrait pas avoir lieu dans une démocratie pour un sujet aussi important.

C'est la souveraineté des citoyens qui est en jeu ici. Faire croire que la souveraineté nationale des Néerlandais est plus importante que celle des autres est une grave erreur : le sujet concerne ici tous les Européens. Il n'y a pas de souveraineté nationale en la matière, mais une souveraineté européenne devant s'exprimer dans son ensemble. L'accord d'association avec l'Ukraine ne concerne pas seulement les Pays-Bas, mais le vote néerlandais a des conséquences pour l'ensemble des Européens. En quoi cela constitue-t-il dès lors un vote démocratique si les Néerlandais choisissent à la place de tous les autres ?

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