Une trentaine de morts à Bruxelles. 70 au France, en novembre. Des centaines des blessés, des familles en deuil. Dans les journaux, on lit des sondages pour savoir si on doit annuler ou pas le championnat européen de football, à cause des menaces terroristes.
Dans les métros de plusieurs villes, on se toise avec méfiance et tout sac à main devient une bombe potentielle. On pense à nos vacances et aux billets d’avion que l’on a déjà achetés. Doit-on les garder ou pas ? On renonce à nos projets et une pensée s’empare de beaucoup d’entre nous: est-ce qu’on ne peut qu’allumer des bougies et apporter des fleurs, là où des innocents ont péri ?
En Roumanie, mon pays, les gens sont pour une fois heureux de vivre ici. Pour une fois, les problèmes économiques restent de côté. On se sent plus tranquilles, car le danger est ressenti comme encore éloigné. Les nouvelles arrivent, tout le monde pense aux amis et aux parents qui vivent à l’étranger, mais du coup la Roumanie a l’air plus radieuse que d’habitude, à force de comparer avec ce qui se passe dans d’autres pays dernièrement… Malgré tout, ceux qui disent vouloir rentrer sont peu nombreux. Ils se sont crées une vie ailleurs et ne veulent pas y renoncer malgré les insistances de leur famille restée en Roumanie.
Des voix s’élèvent contre le multiculturalisme, d’autres disent que le seul chemin est la tolérance. Il y en a qui demandent en référendum pour savoir s’il faut accueillir ou pas des migrants. D’autres n’ont rien en contre la construction d’une grande mosquée à Bucarest. C’est difficile de trouver une voix majoritaire, avec une seule exception : en 2007, quand on a adhéré à l’Union européenne, on n’imaginait pas qu’une fois à l’intérieur, on aurait eu peur, moins de dix ans plus tard.
D’ailleurs, le débat sur la différence entre les migrants et les fous qui se font exploser continue en Roumanie. Est-ce que ce débat est dépourvu de tout sens ? Est-ce qu’il va de soi qu’il n’y aucun rapport entre migration et terrorisme ? Le Centre Culturel l’Islam Aujourd’hui vient de condamner l’attaque de deux adolescentes musulmanes à Bucarest, qui auraient été agressées justement parce qu’elles portaient le voile. Selon un communiqué, la faute appartiendrait aussi aux médias qui font des portraits erronés, sans marquer la différence entre les terroristes et les musulmans.
Répondre à la violence avec de la violence n’est pas le chemin à suivre. Mais on ne peut pas non plus seulement pleurer et regarder comment tous nos droits finissent à la poubelle. Même si en théorie, ils existent encore, en pratique on perd le droit de sortir en terrasse, d’aller dans un stade, d’assister à un concert. On voit sauter en air toutes nos valeurs : la liberté de mouvement, le respect pour la vie humaine, l’égalité entre hommes et femmes, le droit de s’exprimer (voir Charlie Hebdo).
Et si les autorités continuent de tarder à réagir, les incidents de rue vont se multiplier. Parce qu’on est loin d’une pleine acceptation de l’Autre, quelle que soit sa culture ou religion.
Photo : Une sortie du métro Maelbeek, à Bruxelles, après l'attentat du 22 mars.
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