Quels sont les endroits les plus torrides d’Europe ?

Dans plus de 35 000 municipalités européennes, les températures moyennes ont augmenté de plus de 2 °C ces cinquante dernières années. Des grandes villes aux petits villages, la crise climatique touche les quatre coins de l’Europe, mais les citoyens se révoltent et les gouvernements passent enfin à l’action.

Publié le 11 août 2020 à 11:51

Cinquante ans de données sur plus de 100 000 municipalités européennes confirment que le continent se réchauffe sous toutes les latitudes. Dans un tiers de ces villes, la température moyenne a grimpé de plus de 2 °C entre les années 1960 et la dernière décennie, avec un écart allant jusqu’à 5 °C dans certaines régions. 73 des 102 445 régions ont vu leurs températures moyennes chuter, bien que ce ne soit que de quelques dixièmes de degré. 

Deux tiers des provinces européennes ont enregistré une hausse des températures comprise entre 1,5 et 2,5 °C (le terme “provinces”, ici, correspond aux régions NUTS 3). Ce sont des valeurs moyennes sur des décennies entières : de petits chiffres peuvent donc cacher de plus grandes variations annuelles ou saisonnières. Les estimations proviennent du programme Copernicus de l’Union européenne, qui tente d’harmoniser les données sur le temps et à travers les frontières, et d’avancer des estimations pour combler les absences de données. 

Alors que le réchauffement climatique ne touche évidemment pas toutes les communes de la même façon, dans chacun des 35 pays étudiés (à l’exception de Malte), au moins une municipalité a vu sa température moyenne augmenter de plus de 2 °C pendant les cinquante dernières années. Dans 23 pays, la température moyenne d’au moins une municipalité a grimpé de plus de 3 °C. 

Les capitales du réchauffement climatique 

Les facteurs entraînant une hausse de la température sont variés, ils interviennent à des niveaux différents et interagissent de manière complexe – il n’y a pas une unique explication qui justifie les augmentations dans chacune des 100 000 municipalités. Toutefois, on a pu observer des éléments récurrents : dans chaque pays, parmi les communes dans lesquelles les températures ont le plus augmenté, on trouve souvent des capitales ou leur périphérie, surtout dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. C’est le cas pour Tallinn et Belgrade, mais aussi pour Riga et Budapest, les deux capitales européennes qui, selon les données sur lesquelles nous nous appuyons, se sont le plus réchauffées. 

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Distribution des variations de la température moyenne dans les municipalités européennes.
Médian : 1,68 °C
Dans 60 % des municipalités la température moyenne a augmenté d'une valeur entre 1 °C et 2 °C

Les régions situées près de grands aéroports se placent également en haut du classement : c’est le cas pour les municipalités dont les températures ont le plus augmenté, comme Reykjanesbær, qui se trouve à côté du principal aéroport international d’Islande. Là-bas, on estime que les températures ont grimpé de 5,8 °C en seulement quelques décennies. 

À Budapest, les températures ont augmenté de 4 °C, selon les données du Copernicus. Les météorologues hongrois considèrent que les variations sont en fait légèrement plus faibles. Il n’en reste pas moins que le bassin carpatique s’est réchauffé plus rapidement que la moyenne européenne, et qu’il est de plus en plus sujet aux sécheresses et aux vagues de chaleur. La capitale hongroise fait aussi face à de sérieux problèmes liés aux îlots de chaleur et aux émissions, causés par la circulation routière, le chauffage domestique et les systèmes de climatisation. “Le bitume et les voitures sont partout. Dans certains quartiers, il y a moins d’un mètre carré d’espace vert par habitant. À cause de la spéculation immobilière, de nombreux espaces verts ont été remplacés, au fil des décennies, par des places de parking, des centres commerciaux ou des routes plus larges”, nous confie András Lukács, président de l’ONG en faveur de l’environnement Levegő Munkacsoport. “En-dehors du centre-ville, beaucoup de gens se chauffent toujours au bois ou au charbon pendant l’hiver, et de nombreux foyers continuent de brûler leurs déchets.” 

Un vent de renouveau 

En Hongrie, les campagnes environnementales dépendent fortement du contexte politique. Depuis la victoire surprise, en Octobre 2019, de Gergely Karácsony, membre du parti écologiste hongrois, Budapest s’est dotée d’un maire qui se sent concerné par l’environnement. La ville a déclaré l’état d’urgence environnemental et développe actuellement une stratégie afin de mettre fin aux émissions nocives : plus d’efficacité énergétique, plus d’espaces verts, moins de circulation routière. 

Péter Vigh, directeur de Másfél fok, un projet de sensibilisation et une agence d’information consacrée aux questions climatiques, soutient que la population hongroise est de plus en plus sensible au dérèglement du climat, à tel point que les responsables politiques comprennent qu’il est temps de réagir. “En septembre 2019, environ 8 000 personnes ont participé à la grève mondiale du climat à Budapest, c’était fantastique. En novembre, nous sommes parvenus à clarifier la consultation nationale sur la stratégie à long terme pour la réduction des émissions exigée par les normes européennes. La consultation est devenue virale et elle s’est traduite par une déclaration forte : même la Banque centrale encourage une relance verte après la pandémie. En ce qui concerne l’action pour le climat, le gouvernement de M. Orbán implémente toujours un minimum de mesures, mais il pourrait répondre à la pression grandissante venant d’en bas, ainsi qu’aux aides financières que l’Union européenne a mises en place.” 

À Liverpool, une autre grande ville européenne où les températures ont le plus augmenté ces dernières décennies, les environnementalistes constatent également un changement dans l’atmosphère politique. Selon Frank Kennedy, activiste à Friends of the Earth, “pour les politiques et le monde des affaires, il est devenu plus compliqué de nous ignorer. À présent, ils reconnaissent les preuves scientifiques, du moins en paroles. Ces dernières décennies, le discours s’est principalement concentré sur la croissance économique, et nous avons accepté de réaliser des investissements, quel qu’en soit le coût.” 

Augmentation moyenne annuelle de la température à Budapest, Riga et Varsovie
Différence entre la moyenne annuelle et celle dans la décennie 1961-1970.

Des vallées plus verdoyantes 

Dans certains pays européens, les municipalités qui se réchauffent le plus vite sont en fait des petits villages, souvent assez isolés. C’est le cas de Llívia, en Espagne, et de Monor, en Roumanie : là-bas, le problème ne vient pas de l’activité humaine, ni des îlots de chaleur, ni de la circulation ou de l’industrie. Dans ces zones, c’est plutôt à cause de la géographie, par exemple la conformation du terrain ou l’altitude, que le réchauffement climatique se ressent davantage. Des raisons similaires semblent jouer un rôle dans les municipalités et provinces européennes moins touchées par le réchauffement climatique, notamment le long de la côte andalouse, de la mer Égée et des Alpes françaises. 

Les 500 municipalités où la variation a été la plus et la moins importante.
Plus importante
Moins importante

Mis à part le cas extrême de l’Islande, huit des dix municipalités européennes dans lesquelles les températures ont augmenté le plus se trouvent en Norvège centrale. Ce sont des régions situées dans des vallées vertes et paisibles, dans lesquelles ne vivent que quelques milliers d’habitants. En réalité, ces vallées sont de plus en plus vertes : dans toutes les communes, les températures moyennes annuelles étaient bien en-dessous de zéro dans les années 1960 ; aujourd’hui, elles sont positives. 

Ces données sont confirmées par Markus Refsdal, représentant du comté de l’Innlandet pour l’organisation écologiste de jeunesse Natur og Ungdom (la nature et les jeunes) : “le climat est de plus en plus imprévisible. En été, nous avons commencé à être frappés par de longues périodes de sécheresse, suivies par des pluies torrentielles. Pendant son enfance, ma grand-mère pouvait faire du patin à glace sur le plus grand lac de Norvège. Je n’ai jamais eu cette chance.” Les études météorologiques montrent que les hivers raccourcissent et que les chutes de neige se raréfient : on s’attend à ce que les réserves d’eau et la production hydroélectrique, les principales sources d’énergie de la Norvège, soient particulièrement touchées. 

De la Norvège à la Bulgarie, de la Hongrie à l’Angleterre : les données montrent que le dérèglement climatique se concrétise dans de nombreuses zones d’Europe. Le réchauffement climatique n’est plus seulement considéré au niveau mondial, mais aussi à l’échelle locale. Le journalisme, l’engagement civique et les réactions politiques ne seront efficaces que s’ils réussissent à connecter ces deux niveaux : l’un concernant la vie quotidienne d’une population, et l’autre qui touche l’Europe et le monde entier, pour lequel la prise d’initiatives politiques adéquates est nécessaire.


Méthodologie 

Nous avons utilisé la source de données de l’UERRA regional reanalysis for Europe on single levels entre 1961 et 2018 (réanalyse régionale pour l’Europe à échelle fine), créée par le programme Copernicus et le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF). Les données fournissent des estimations des températures sur deux mètres au-dessus du sol et couvrent une grille de cellules de 5,5x5,5 km² de surface. 

Pour chaque cellule, nous avons travaillé sur des données brutes afin d’obtenir les températures moyennes pour les deux décennies prises en compte (1961-1970 et 2009-2018), et ainsi calculer les variations des températures enregistrées. Chaque municipalité européenne était associée à une cellule, tout en prenant en compte la densité de population urbaine et la forme de la côte. Pour plus d’informations, rendez-vous sur ce guide méthodologique

Article original sur Osservatorio Balcani Caucaso

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