Chisinau, le 8 avril 2009. Les manifestations qui ont conduit au départ des communistes du pouvoir.

Révolution réelle, promesses virtuelles

Deux ans après le soulèvement populaire baptisé “révolution Twitter”, qui avait chassé les communistes du pouvoir, l’heure est à la désillusion.

Publié le 29 mars 2011 à 13:46
Chisinau, le 8 avril 2009. Les manifestations qui ont conduit au départ des communistes du pouvoir.

Les événements du 7 avril 2009 à Chisinau ont reçu le surnom impropre de “révolution Twitter”. On ne sait pas comment s’est forgée cette étiquette, ni d’où elle est vraiment venue, car Twitter est un site où l’on échange des répliques de quelques mots, tout au plus. Les événements de Chisinau ne se sont pas déroulés dans le cyberespace, mais dans un monde on ne peut plus réel.

Les jeunes matraqués, les gens raflés dans la rue et enfermés sans motif valable, les passages à tabac pendant la garde à vue, tout était malheureusement réel, y compris les décès. Rien de tout cela n’a de rapport avec Twitter. Tapez dans un navigateur www.twitter.com et voyez ce qui apparaît, voyez si une révolution quelconque montre son nez !

La répression n'était pas virtuelle

Twitter a été utilisé comme moyen de communication lors des événements du 7 avril 2009, au même titre que les SMS et les téléphones mobiles et il y a probablement plus de téléphones mobiles que de connexions Internet à Chisinau… Mais on n’a pas baptisé les événements du 7 avril 2009 “révolution SMS”. L’appellation “révolution Twitter” est pour le moins dégradante pour ceux qui ont subi les abus des forces de l’ordre. La révolution a été faite par des individus, pas par des moyens de communication.

Et la répression arbitraire qui a suivi le 7 avril 2009 n’était pas non plus virtuelle. Les manifestations de rue, avec leurs violences et leurs incendies criminels, ont été organisées par des individus en chair et en os, de même que la répression a été planifiée, ordonnée et exécutée par d’autres individus en chair et en os. Curieusement, ceux qui ont souffert sont connus, mais l’identité des responsables de ces répressions illégales n’est toujours pas claire.

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Des inconnus, descendus dans la rue et arrêtés, dans la plupart des cas de manière illégale, sont soudainement devenus connus. On sait qui a été frappé, battu, malmené – nous avons des listes exhaustives. On ne sait pas qui l’a fait : on parle de fonctionnaires, de policiers, de juges, de procureurs, d’hommes politiques en fonction le 7 avril 2009, mais leurs identités – théoriquement notoires – sont restées dans l’ombre. On soupçonne, on suppose – il y a même eu une commission parlementaire ! Mais rien n’est écrit noir sur blanc.

Les responsables restent impunis

Tout au long de l’année 2009, puis de moins en moins en 2010, on a entendu des hommes politiques dénoncer les abus et les tortures qui s’étaient multipliés après le 7 avril 2009. L’une des promesses électorales les plus répandues était justement l’identification des responsables et leur traduction en justice.

On montrait des images de corps déformés par les coups, les journaux rivalisaient pour recueillir les témoignages des victimes. Les chefs de parti promettaient la justice. La “révolution Twitter” allait sortir de la phase virtuelle et entrer dans celle des poursuites pénales. Les gens sont allés voter en toute confiance, attendant que ces promesses soient tenues.

Malheureusement, il n’en a rien été. Un vieux dicton dit que c’est par la tête que le poisson commence à pourrir, mais que c’est par la queue qu’il faut commencer à le nettoyer. L’enquête aurait dû être simple : en partant des images des policiers surpris en train de tabasser les manifestants, on aurait pu remonter la hiérarchie jusqu’à celui qui avait donné les ordres. Mais l’enquête est restée suspendue indéfiniment. La révolution fut réelle, c’est la vérité sur la répression qui demeure virtuelle.

Cet article est paru également dans Courrier international, n. 1065.

Contexte

Situation bloquée

Depuis la révolution de 2009, le Parlement moldave n’est pas parvenu à élire un président, car l’Alliance pour l’intégration européenne (AIE), au pouvoir depuis cette date, ne dispose pas d’un nombre suffisant de voix — il en faut 61 sur 101, or, et elle ne dispose que de 58 députés — et les communistes (qui comptent 44 sièges) refusent tout compromis. Le référendum sur l’élection présidentielle au suffrage universel de septembre 2010 a échoué faute de participants. Cette situation bloquée gèle de fait le rapprochement entre Chisinau et l’Union européenne.

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