Lady Ashton était en fait censée être le visage de l’Europe et lui conférer du poids sur la scène internationale. Mais elle s’est volatilisée pendant la crise, tant les positions des Etats de l’UE divergeaient : les uns, gardant à l’esprit l’expérience de 1989 en Europe de l’Est, soutenaient le mouvement sur la place Tahrir, les autres préférant attendre de voir quelle personnalité de premier plan finirait par s’imposer. Au moins, Benita Ferrero-Waldner, qui l’avait précédée à la Commission européenne, était-elle capable de dire quelque chose rapidement et en plusieurs langues.
C'est la méfiance qui inspire la politique extérieure commune

Entre-temps, d’autres ennuis se profilent pour l’UE. L’afflux de réfugiés qui traversent la Méditerranée en provenance de Tunisie montre que leur désir de liberté ne se cantonne pas à leur propre pays, mais qu’il se tourne également vers l’Europe. Comme l’Espagne et la Grèce, Rome clame à juste titre, depuis des années, que les autres Etats de l’UE laissent les Italiens se débrouiller seuls avec ce problème. Il est plus urgent que jamais de répartir la charge dans toute l’Europe. Car jusqu’à présent, les Etats au sud de l’Europe, situation géographique à laquelle ils ne peuvent rien, ont été touchés de façon disproportionnée. C’est une affaire de solidarité européenne.
Bien plus qu'un test diplomatique

Il est manifeste que ces pays se trouvent dans le voisinage immédiat de l’Europe. L’argument selon lequel le statut de membre peut servir à stimuler un développement démocratique sera immanquablement évoqué, comme dans le cas de la Turquie.
L’UE n’est pas prête à répondre à ces questions. Injecter 17 millions d’euros en Tunisie ne suffira pas à interrompre le flot des réfugiés. L’UE doit s’interroger sur les perspectives qu’offrent ces pays, en particulier à la jeunesse. La solution du problème des réfugiés doit être considérée comme davantage qu'un simple test diplomatique. Sinon, l’UE sera en partie responsable d’une catastrophe humanitaire.
Vu d'Italie
Une politique commune, vite !
"Lampedusa est proche de l'effondrement", s'inquiète La Stampa après l'arrivée de plusieurs milliers de Tunisiens ces derniers jours. "Dans le centre de rétention, fermé depuis deux ans, les matelas s'entassent partout. Cette nuit, 1 200 personnes ont dormi dans un bâtiment prévu pour 850." Le quotidien déplore que l'Europe ait "laissé tomber" l'Italie. "Le processus de décision européen est lent. Et ce que nous appelons une politique commune n'est que principes généraux dont les Etats membres s'inspirerent : il n'y a pas de véritable politique européenne d'immigration. Chaque pays continue de décider combien d'immigrants il laisse entrer, comment et quand il leur octroie la nationalité et comment contrôler les flux irréguliers", constate le journal. Dans ce contexte, en appeler à l'Europe et à Frontex n'est pas utile, considère La Stampa. "Mieux vaudrait demander à l'Allemagne et à la France (et dans ce cas à l'Espagne et au Royaume-Uni aussi) de mettre en place une approche commune de stabilisation du Maghreb, qui comprendrait le contrôle des flux migratoires. Car, comme cela s'est déjà produit lors de crises précédentes, la vague venue de Tunisie touchera aussi les autres pays de l'UE."
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