Crise des réfugiés

Un plan Marshall européen pour accueillir les demandeurs d’asile

Au lieu de viser une répartition partielle et bancale des réfugiés entre des pays membres réticents, l’Union devrait lancer un programme semblable à celui mis en place par les Américains au lendemain de la Seconde guerre mondiale.

Publié le 7 mars 2016 à 07:22

Dans une tribune parue dans plusieurs médias français, le rédacteur en chef d’Alternatives économiques Guillaume Duval et les députés européens Pervenche Bérès et Yannick Jadot suggèrent des pistes pour que l’Union européenne puisse assurer aux dizaines de milliers de réfugiés qui frappent à ses portes un accueil digne.

Alors que la crise financière est en passe d’être surmontée, grâce à l’introduction du Mécanisme européen de stabilité (MES) et à l’éloignement du spectre du “Grexit”, “l’afflux massif de réfugiés, en provenance notamment de Syrie, fait rebondir la crise européenne””, écrivent-ils, un afflux qui “a en particulier fragilisé la Grèce et l’Italie, deux des pays qui ont été au centre de la crise de l’euro.*” Ainsi,
“cette nouvelle épreuve a renforcé l’antagonisme entre ces pays et les institutions européennes avec la menace d’exclure la Grèce de l’espace Schengen.”

Comme si cela ne suffisait pas,

le fossé avec les pays d’Europe centrale et orientale s’est creusé tout en apportant de l’eau au moulin des Britanniques tentés par le Brexit. Enfin, cette crise affaiblit considérablement la position d’Angela Merkel dans son propre pays. Elle se retrouve en effet isolée en Europe sur sa position d’ouverture vis-à-vis des réfugiés. […] De plus, à propos des réfugiés, c’est Angela Merkel qui a incarné l’honneur de l’Europe. Il faut donc à tout prix éviter que les autres dirigeants européens puissent tirer de ses mésaventures la conclusion que seuls le cynisme et la démagogie xénophobe paient.

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Dans ce contexte, comment “pourrait-on sortir par le haut”, se demandent les auteurs de la tribune, qui rappellent que “cette question n’est absolument pas en première instance une question économique” : il est en effet “insupportable” d’évoquer le “besoin de main d’œuvre d’une Europe vieillissante” de même que l’avantage pour l’Europe à accueillir des demandeurs d’asile appartenant à l’élite de leur pays – aux dépens de ce dernier.

Si nous devons impérativement abaisser le pont-levis de la ‘forteresse Europe’, estiment Bérès, Duval et Jadot, “c’est d’abord pour des raisons humanitaires*” :

parce que ces gens risquent leur vie s’ils restent dans leur pays et parce que nous ne pouvons plus laisser la charge de s’en occuper aux seuls pays voisins comme le Liban, la Turquie ou la Jordanie, qui risquent d’être déstabilisés à leur tour. Après la seconde guerre mondiale ou encore après la fin de la guerre d’Algérie, la France et l’Europe ont déjà surmonté des exodes de beaucoup plus grande ampleur. Pourquoi n’ont-ils pas été plus problématiques ? Essentiellement parce que l’accueil des réfugiés a été à l’époque financé à crédit.

Estimant que la solution de répartition des réfugiés proposée par la Commission ne fait que “programmer les conflits”, ils suggèrent plutôt de s’inspirer du plan Marshall, qui a “permis en particulier l’installation en Allemagne de millions de réfugiés venus de l’Est” :

si on finance l’installation des réfugiés à crédit, les revenus du reste de la population ne diminuent pas et le volume de l’activité globale augmente d’autant…
Et ces réfugiés posent paradoxalement d’autant moins problème qu’on se montre généreux avec eux : c’est en effet surtout si les revenus qu’on leur alloue sont trop faibles qu’ils risquent d’exercer un dumping social en s’adonnant au travail au noir… Par la suite, grâce à l’activité économique qu’ils engendrent une fois installés (un processus qui peut aller vite si l’opération est bien menée), le remboursement de l’endettement contracté ne devrait pas poser de difficultés.

Dans une Europe qui compte 510 millions d’habitants, “accueillir décemment 2 millions de réfugiés” coûterait “de l’ordre de 30 milliards d’euros par an, soit 0,2 % du PIB de l’Union” :

comment considérer qu’il serait impossible de s’endetter collectivement à ce niveau dans ce but au moment où la Banque centrale européenne fait marcher la planche à billet pour injecter chaque mois 60 milliards d’euros supplémentaires dans la machine européenne ?

Pour y parvenir les auteurs proposent d’“instaurer une taxe pour financer l’accueil des réfugiés*”

en contrepartie d’une répartition plus équitable des réfugiés en Europe, l’Allemagne accepte que l’Union s’endette pour aider ses voisins à les accueillir dignement.

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