Actualité Les élections grecques vues d’Athènes (5/5)
Alexis Tsipras : "C’est mon tour !" Antonis Samaras : “Eh, bas les pattes de la barre !”

Un vote sous haute surveillance

Jamais les Grecs n’auront voté sous une telle pression internationale, qui tourne quasiment au chantage, accuse le quotidien de gauche To Ethnos. Car les partenaires d’Athènes ont choisi leur homme : le conservateur Antonis Samaras plutôt que le leader de gauche Alexis Tsipras.

Publié le 15 juin 2012 à 15:08
Alexis Tsipras : "C’est mon tour !" Antonis Samaras : “Eh, bas les pattes de la barre !”

C'est une première dans l'histoire de la Grèce moderne. Cela fait plus de 30 ans que je me penche sur les évolutions politiques de mon pays et je n'avais encore jamais vu une telle intervention de dirigeants étrangers dans des élections grecques. C’est un triste exemple d'humiliation internationale infligée au prestige de notre pays. Le moindre dirigeant du moindre pays d'Europe a désormais le droit de dicter aux Grecs pour quel parti ils doivent voter - ce qui était intolérable avant la mise sous tutelle du pays. C'est-à-dire avant la signature du mémorandum par Georges Papandréou et ses collaborateurs.

Il peut être difficile d'en croire ses yeux et ses oreilles quand on lit et qu'on entend la chancelière allemande Angela Merkel et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble exiger, presque chaque jour, du peuple grec qu’il vote pour... Samaras plutôt que pour Tsipras ! Un choix également soutenu, et fortement conseillé, par le président socialiste français François Hollande ou par le Premier ministre italien Mario Monti, le tout repris en coeur par la pyramide de la bureaucratie de Bruxelles et toutes les institutions de l'UE, Commission, BCE, Parlement, Eurogroupe ...

Inquiétude de Berlin

Ils ont tous basculé dans l'hystérie politique après le résultat des élections anticipées du 6 mai dernier, lorsque les partis pro-mémorandum ont été désavoués et sont passés de 80% à 30% des voix. Nouvelle Démocratie arrivé en tête n'a pas pu dépasser les 19%, et Syriza [la Coalition de la gauche radicale] est devenu le premier parti d'opposition avec 2 points de moins. L’objectif de Syriza, légitime au vu des résultats du 6 mai, d’obtenir la première place aux élections du 17 juin, fait trembler les Allemands. Leur principale préoccupation n’est pas ce que fera Tsipras s'il devient Premier ministre, non. Ce qui inquiète Berlin, c'est qu'avec la victoire de Syriza, ce serait la première fois depuis 1950 qu’un gouvernement de gauche radicale serait formé dans un pays d’Europe occidentale. Cela signifierait un retour de la gauche au premier plan - et en pleine crise économique ! - alors que les Allemands, et d'autres dirigeants européens avec eux, pensaient s'être définitivement débarrassés de la gauche avec la chute du bloc soviétique en 1991 et la fin du camp du "socialisme réel" en 1989.

Le pire résultat de Nouvelle Démocratie

Les Allemands veulent a tout prix éviter la formation d'un gouvernement de gauche en Grèce, indépendamment de la politique qu'il suivra. Ils menacent les Grecs de manière assez pressante pour qu'ils votent pour Samaras. Même dans ses rêves les plus doux et paranoïaques, Antonis Samaras n'aurait pu imaginer que la chancelière allemande ferait campagne en sa faveur, de même que le président francais, le Premier ministre italien ou le président américain. Si, malgré cette aide internationale, Antonis Samaras obtient le pire résultat de l'histoire de Nouvelle Démocratie, si l’on exclut la “réussite” de ses 19% le 6 mai, ils pourront être fiers de leurs talents politiques.

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Si ND arrive en tête avec un score aussi maigre que 30%, Samaras pourrait se voir imposer des conditions qui pourraient le priver du poste de Premier ministre. Mais cette hypothèse importe peu au peuple grec, du moins pour le moment. Plus sérieuse est la déclaration de Wolfgang Schäuble, pour qui "la situation réelle en Grèce, qui est une crise douloureuse causée par une mauvaise gestion financière, ne changera pas avec le résultat des élections".

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