Afghanistan 2008. Soldat français de l'ISAF sortant d'un blindé, dans la plaine de Shamali. (AFP)

Une alliance en bout de course ?

Le 1er août, l'ancien Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen est devenu le nouveau secrétaire-général de l'OTAN, annonçant que l'Afghanistan sera sa priorité numéro un. Mais quel est l'avenir de l'Alliance atlantique, divisée depuis la guerre en Iraq et en proie à des difficultés croissantes dans sa guerre contre les Talibans ? se demande la presse européenne.

Publié le 3 août 2009 à 17:11
Afghanistan 2008. Soldat français de l'ISAF sortant d'un blindé, dans la plaine de Shamali. (AFP)

La guerre en Afghanistan sera la “principale priorité” d'Anders Fogh Rasmussen, le nouveau secrétaire général de l'Alliance Atlantique. Dans un entretien accordé au quotidien de Copenhague Politiken à la veille de sa nomination aux commandes de l'OTAN, l'ancien Premier ministre danois reconnaît que la sécurité dans certaines régions d'Afghanistan n'est pas “tout à fait satisfaisante”, mais qu'il a l'intention “de diviser les groupes rebelles en négociant des accords de paix avec des éléments proches des talibans”.

Il se fait ainsi l'écho du sentiment exprimé il y a peu par le ministre britannique des Affaires Etrangères David Milliband. Il est probable que ses déclarations reçoivent un accueil favorable dans une partie de la presse d'outre-Manche, laquelle a réagi avec effarement au rapport, rendu public le week-end dernier, de la commission des Affaires Etrangères de la Chambre des Communes. Alors que les forces britanniques ont perdu 22 hommes en Afghanistan en juillet, le document, intitulé Sécurité globale : Afghanistan et Pakistan, souligne que l'armée de Sa Majesté est engagée “dans une mission mal définie, sapée par une planification irréaliste et une pénurie de personnel”. Des réflexions qui ont poussé le général Alan Mallinson à tonner, dans le Daily Telegraph, que l'Angleterre était “envahie par la paix”, qu'elle devait “s'armer de courage” face au fait que “nous sommes en guerre, une guerre que nous ne finançons pas de façon appropriée”.

Mais dans quelles conditions faut-il mener cette guerre ? Saluant la nomination de Rasmussen, le quotidien belge De Standaard remarque avec enthousiasme qu'il devrait bénéficier d'une “atmosphère bien supérieure à celle qui régnait quand son prédécesseur avait pris ses fonctions, tant l'élection de Barack Obama a illuminé le ciel transatlantique”. Le quotidien flamand se dit fort rassuré par la déclaration de Strasbourg-Kehl en avril dernier, par laquelle les membres de l'OTAN ont promis de rester solidaires dans la poursuite de leur objectif en ces temps de “guerre non conventionnelle”.

Si, pour De Standaard, l'Alliance est désormais sur la bonne voie, dans les pages du Guardian, Ilana Bet-El ne partage apparemment ce bel optimisme. Réservant à Rasmussen un “accueil mitigé”, elle revient sur le passé récent de l'Alliance, et rappelle que la plupart des Etats européens ont décidé que “l'OTAN était plus ou moins une enveloppe vide, contrôlée par les Etats-Unis et soutenue par le Royaume-Uni, et que peu leur importait qui la dirigeait”. Rasmussen, affirme-t-elle, hérite d'une Alliance qui a souffert du “rejet effectif de l'OTAN et de ses membres par les Etats-Unis après les attentats du 11-Septembre”. Les Etats de l'OTAN, qui se sont entredéchirés férocement à propos de l'invasion américaine de l'Irak en 2003, ne sont pas parvenus à serrer les rangs quand ils ont pris les rênes des opérations en Afghanistan. Si, “sur les deux rives de l'Atlantique, on cherche visiblement à oublier le passé, une méfiance fondamentale subsiste entre les alliés, aggravée par l'archaïsme du commandement militaire et industriel et de la structure de contrôle de l'OTAN, totalement inadaptés à la gestion d'une guerre moderne”.

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Ailleurs, le parcours de Rasmussen suscite quelques doutes. Même De Standaard fait allusion à l'euroscepticisme du Danemark, à sa tendance récurrente à se soustraire aux traités européens, allant jusqu'à se demander si cela est de bon augure pour les intérêts de l'UE. En Allemagne, la Frankfurter Rundschau, elle, s'interroge sur l'impact de sa nomination dans le monde musulman. Le quotidien de Francfort rappelle à ses lecteurs que Rasmussen, au paroxysme de la controverse soulevée par les caricatures du prophète Mahomet publiées dans un journal danois, avait refusé de rencontrer les ambassadeurs de onze pays musulmans, invoquant l'intangibilité de la liberté de la presse. Ce qui, souligne en passant la Frankfurter Rundschau, a causé le saccage des ambassades danoises à Téhéran et Damas. Tout en concluant que Rasmussen est “flexible, pragmatique et qu'il aime le pouvoir”, la Rundschau ne peut s'empêcher de signaler, non sans ironie, que les talibans sont parmi ceux qui lui ont réservé l'accueil le plus chaleureux. Un site Internet du mouvement islamiste annonce ainsi qu'un “grand ennemi du prophète” se trouve désormais à la tête de l'Alliance. “Cela va inéluctablement renforcer la foi des musulmans dans la lutte contre l'OTAN”. Et du même coup intensifier le conflit.

Force est de reconnaître que les perspectives paraissent de plus en plus sombres en Afghanistan. Si le général Mallinson se demande si “l'Occident a les tripes qu'il faut pour se battre”, d'après les résultats de l'enquête de la Chambre des Communes, repris par The Observer, sur le terrain, le soutien en faveur des troupes britanniques a pâti des pertes civiles . Et d'ajouter que “la police, faible et corrompue, oblige les Afghans à se tourner de nouveau vers les talibans en quête de justice”. Le plus important, toutefois, est que “la menace stratégique se situe dorénavant au Pakistan”, où Al Qaïda s'emploierait à mettre la main sur l'arsenal nucléaire d'Islamabad. Sachant cela, et face aux autres problèmes auxquels l'Alliance est confrontée, Ilana Bet-El ne peut que poser la question : Rasmussen ne restera-t-il pas dans l'histoire “comme le dernier secrétaire général de l'OTAN” ?

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