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A la COP 27, il n’y aura pas de justice climatique sans justice économique

Alors que la COP 27 se rapproche lentement, l'ONG Fairtrade exhorte une fois de plus les gouvernements à prendre des mesures concrètes. Mais le temps presse, et ceux qui produisent le moins de CO2 sont les plus impactés par le changement climatique.

Publié le 3 octobre 2022 à 16:07

Dans la comédie Un jour sans fin, Bill Murray joue le rôle de Phil Connors, un météorologue de Pennsylvanie misanthrope et cynique condamné à revivre le 2 février à l’infini. Comédie absurde et avertissement sur les dangers de l'immobilisme, le film explore la façon dont l'inaction peut réduire les actes qui jalonnent la vie quotidienne à la paralysie totale. 

C’est dans le même état d’esprit que le monde aborde la prochaine Conférence des Nations Unies sur le changement climatique de 2022 (ou COP 27) : avec un sentiment de déjà-vu. Si le cadre a une fois de plus changé – cette année, les Etats participants, les militants pour le climat et les acteurs de la société civile descendront dans la station balnéaire égyptienne de Sharm El Sheikh – l'objectif du rassemblement n'a pas changé : avancer vers une résolution sur le climat qui maintient les températures mondiales sous le seuil de 1,5C°. Chaque année, la mission reste la même ; chaque année, l'urgence augmente.   


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Pour Fairtrade et le mouvement pour le commerce équitable, la COP 27 sera également un autre jour sans fin. Dans la foulée de notre engagement lors de la COP 26 tenue l'année dernière à Glasgow, le mouvement pour le commerce équitable se retrouve une fois de plus à devoir souligner le besoin urgent de réformer le système commercial mondial tout en facilitant l'apport d'un soutien financier essentiel aux petits exploitants et aux travailleurs agricoles du monde entier qui souffrent de la crise climatique mondiale.   

Stopper le commerce déloyal

Et cela car, de la production à la consommation, le commerce international demeure aujourd'hui l'un des principaux responsables du réchauffement climatique. Et surtout, il fonctionne de manière injuste, rejetant l’impact du changement climatique sur les personnes les plus vulnérables et les moins responsables de l’état actuel des choses. 

C'est un fait : les petits exploitants agricoles, les petites et moyennes entreprises (PME) et les travailleurs des pays à faible revenu où sont produits les biens issus du commerce équitable contribuent le moins aux émissions de gaz à effet de serre et pourtant, ce sont eux qui souffrent le plus des conséquences souvent catastrophiques du changement climatique. 

Mais ce n'est pas l'avenir que nous voulons, et ce n'est pas l'avenir pour lequel nous travaillons. C'est pourquoi, à la COP 27, nous lançons une fois de plus un appel au nom de plus de 2 millions d'agriculteurs dans plus de 70 pays, exhortant les Etats et leurs dirigeants à enfin agir.

Nous demandons aux pays riches de respecter leur promesse d'affecter les 100 milliards de dollars à l'aide climatique d'ici fin 2022 et de développer des stratégies essentielles pour aider les communautés les plus vulnérables à surmonter les pertes et les dommages causés par le changement climatique. Sur ces 100 milliards de dollars de financement climatique, moins de 2 % parviennent actuellement aux petits agriculteurs. C'est inacceptable. 

Nous demandons également à tous les Etats de permettre, d'encourager et de soutenir les partenariats durables. D'après notre expérience, les partenariats sont plus efficaces lorsque les agriculteurs et les PME sont au centre de la prise de décision. 

Adaptation et réduction de l’impact environnemental

Notre travail sur le climat dans le cadre du projet Sankofa, un partenariat avec Coop, le Secrétariat d'Etat suisse à l'économie (SECO), la Plateforme suisse pour un cacao durable (SWISSCO) et l'Agence danoise pour le développement international (DANIDA), a donné des résultats impressionnants en accord avec les Objectifs de développement durable (ODD) 13 et 17 établis par les Nations unies : une meilleure protection de la biodiversité par la plantation d'une variété d'arbres et de cultures vivrières dans le but d’améliorer la santé du sol et le taux d’émission de CO2.

La captation du carbone garantie par ces améliorations signifie qu’à l’avenir, les agriculteurs pourront gagner et échanger des crédits carbone grâce aux arbres. Et pour Fairtrade et nos partenaires, le développement de partenariats semblables signifie avoir un impact considérable et bénéfique sur les communautés agricoles. 

Mais nous ne nous arrêterons pas là. Nous savons que les impacts de la crise climatique sont déjà ressentis par les populations locales des pays à faible revenu suite à des vagues de chaleur sans précédent, des sécheresses calamiteuses, des ouragans de plus en plus violents et des averses ravageuses. 

C’est pourquoi le mouvement pour le commerce équitable rappellera aux dirigeants mondiaux que la politique commerciale doit permettre aux populations vulnérables d'investir dans des techniques essentielles d'adaptation et d'atténuation, tout en œuvrant pour le développement, l'intégration régionale et un meilleur accès aux marchés économiques. 

De plus, nous rappellerons que les politiques commerciales doivent jouer un rôle essentiel dans l'obtention par les agriculteurs, les PME et les travailleurs d’une plus grande des profits générés par leur travail, qui se traduira par des revenus et des salaires décents. 


Il est injuste de faire peser le coût de notre crise climatique sur les épaules des populations les plus vulnérables de la planète


En outre, tous les accords commerciaux doivent contenir un engagement ferme en faveur des droits de l'homme, des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), des Objectifs de développement durable et de l'Accord de Paris, par le biais de conditions contraignantes et applicables. Ce n'est que de cette manière que nous pourrons réunir le commerce, le développement et l'environnement en une solution pour lutter contre la crise climatique.

Enfin, nous demanderons instamment l'introduction de mesures rigoureuses pour pénaliser les entreprises qui ne respectent pas les réglementations climatiques et afin de veiller à ce que les petits exploitants agricoles, les PME et les travailleurs soient soutenus financièrement pour respecter les exigences de due diligence. Ils ne peuvent assumer seuls les coûts d'une crise climatique qu'ils n'ont pas provoquée. 

Des conditions juridiques contraignantes doivent être conçues et appliquées de manière à promouvoir une approche durable du commerce, à empêcher la concurrence déloyale, à mettre fin à l'exploitation des populations locales et de la nature, et à garantir que les personnes touchées voient leurs droits protégés et bénéficient d'un accès à un recours juridique.

Pas de justice climatique sans justice économique

Il est injuste de faire peser le coût de notre crise climatique sur les épaules des populations les plus vulnérables de la planète. C'est pourquoi le mouvement mondial pour le commerce équitable demande l'application des engagements publics en matière de climat et que les acteurs du commerce mondial soient tenus pour responsables de leurs promesses en matière de climat. 

Nous savons aussi que, concernant le climat, les petits producteurs, les travailleurs et les PME font partie de la solution. Et nous savons que l'avenir de notre planète dépend de l'adoption d'alternatives ayant fait leur preuves en lieu et place des modèles de production actuels, de la priorisation des investissements pour des transitions plus équitables et de l'augmentation des solutions d'adaptation et de réduction de l’impact du changement climatique au cours de la décennie actuelle.

Le 6 novembre, Fairtrade et le mouvement pour le commerce équitable se rendront à Sharm El Sheikh avec pour mission de briser le cycle de l'immobilisme et de langue de bois, afin d'obtenir des Etats prenant part à la COP27 et de leurs dirigeants des résultats décisifs en matière de climat pour les petits exploitants et les travailleurs agricoles du monde entier.

Ce n'est que par une action concertée des nations les plus riches de la planète que nous pourrons briser le cycle sans fin du changement climatique, et relever enfin les défis climatiques qui menacent l'existence des plus vulnérables d'entre nous.   

Nous devons agir ensemble, et nous devons agir maintenant – car il ne peut y avoir de justice climatique sans justice économique.


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