Revue de presse Cap Nord-Ouest

Mouchards suédois, extrême droite flamande et vin belge

De quoi parle-t-on dans le nord-ouest de l’Europe ce mois-ci ? Alors que la coalition au pouvoir en Suède s'apprête à introduire une loi obligeant les fonctionnaires à dénoncer les sans-papiers, le pape François plaide quant à lui pour plus d'humanité, tandis que des chercheurs belges cartographient la continuité géographique de l'extrême droite et de l'extrême gauche en Flandre. Une revue de presse signée Ciaran Lawless, réalisée dans le cadre du projet Display.

Publié le 5 octobre 2023 à 11:33

En lieu et place d’une vague de solidarité européenne, les récents événements de Lampedusa ont déclenché une discorde bien trop familière, notamment entre l'Italie, l'Allemagne et la France. À l'approche des élections européennes de 2024, on peut affirmer sans risque de se tromper que la migration sera une question clé pour de nombreux électeurs. Ci-dessous, voici cinq articles qui traitent des différentes réponses apportées à cette question en Suède, en France et en Belgique.  

Alors que la coalition tripartite suédoise a été élue de justesse sur la base d’un programme de réduction de l'immigration, une proposition de loi en particulier suscite une levée de boucliers de la part des syndicats suédois et des travailleurs du secteur public. Le texte , qui fait partie de l'accord Tidö qui a établi le triumvirat, obligerait les employés du secteur public à signaler tous les sans-papiers qu'ils rencontrent – patients, clients, étudiants, collègues – aux autorités de l'immigration. 

Arbetet, un journal suédois consacré aux droits des travailleurs et au marché du travail, s'est entretenu avec Tommy Iseskog, avocat et expert en droit du travail, sur les implications de la loi proposée (Un avocat parle de la loi sur les délateurs : "Nous finirions dans le même club que l'Allemagne de l'Est", par Anton Andersson, SE). En plus de violer les "principes démocratiques fondamentaux" et de placer la Suède dans le "même club que l'Allemagne de l'Est", Iseskog affirme que la loi est incohérente et incompatible avec l’actuel droit du travail suédois.

Rebecca Selberg dans The Conversation (En Suède, les professionnels s'opposent fermement à un projet de la droite visant à les obliger à dénoncer les sans-papiers, par Rebecca Selberg, EN) décrit les forces – y compris les enseignants, les infirmières et les travailleurs sociaux, ainsi que leurs syndicats – qui s'opposent à ce qu'on appelle déjà la "loi des mouchards". Selberg conclut que tout recul par rapport à cette politique pourrait amener les Démocrates de Suède (SD, extrême-droite), partisans d'une ligne dure, à mettre un terme à l'accord de Tidö, voire à la coalition elle-même. 


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En France, c'est un combat plus spirituel qui s'est déroulé sur le thème des migrations. Deux articles du Grand Continent rappellent le contexte historique et religieux de la messe présidée par le pape François à Marseille le 23 septembre. 

Provoquant la consternation prévisible des conservateurs français, le pape François a saisi l'occasion pour condamner la "propagande alarmiste" et plaider en faveur d'une assistance humaine aux exilés. Marseille, le deuxième plus grand port de la Méditerranée, était en cela un lieu approprié, comme l'explique Jean-Benoît Poulle. Autrefois "carrefour de civilisation", la Méditerranée est devenue ces dernières années, selon le pape, un véritable "cimetière sous-marin".

Gilles Gressani fait, lui, remonter les paroles du pape à celles prononcées par l'ancien archevêque de Milan Carlo Maria Martini en 1990. Lorsque le pape suggère que la Méditerranée "crie justice, avec ses rivages qui, d'un côté, respirent l'abondance, le consumérisme et le gaspillage, et de l'autre, la pauvreté et l'instabilité", il fait en vérité écho à la déclaration de Martini selon laquelle la migration est "une invitation à inverser le cours décadent vers le consumérisme et la satisfaction facile de nos possessions”.

Sans grande surprise, la migration s'avère être l'un des facteurs du succès électoral de l'extrême droite en Flandre, écrit le média néerlandophone belge Knack (payant). 

Il y a quatre ans, l'historien Davide Cantoni avait conclu que l'Alternativ für Deutschland (AfD, extrême droite) rencontrait plus de succès dans les régions d’Allemagne où les national-socialistes d'Adolf Hitler avaient eu le plus de succès en 1933. Inspirés par cette analyse, les politologues Marc Hooghe et Dieter Stiers, basés à Louvain (Belgique), ont voulu déterminer si des "continuités géographiques" similaires pouvaient être identifiées en Flandre. Au lieu de 1933, ils comparent les élections de 1936 et de 2019, deux périodes où l'extrême gauche – le Parti communiste de Belgique (PCB) et le Parti du travail de Belgique (PTB) – et l'extrême droite – l'Union nationale flamande (VNV) et le Vlaams Belang (VB) – ont obtenu des résultats particulièrement bons.

Il est intéressant de noter que Hooghe et Stiers constatent que cette continuité n'existe que pour l'extrême-gauche et non pour l'extrême-droite. Ils constatent toutefois une certaine continuité entre les régions où l'extrême droite a eu moins de succès, à savoir les grandes villes dont la population est plus diversifiée et plus instruite ("l'extrême droite et l'enseignement supérieur, en règle générale, ne font pas bon ménage", résument-ils). Les chercheurs soulignent que les partis anti-immigration réussissent mieux dans les régions où celle-ci est moins importante. Même en 1936, la population des villes était relativement diversifiée, ces dernières accueillant par exemple des travailleurs d'Europe de l'Est et des Juifs fuyant l'antisémitisme.   


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Display Europe, European Cultural Foundation, European Union

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