L’état de l’Union
Le président de la Commission européenne lors de son discours sur l'état de l’UE, le 11 septembre 2013 à Strasbourg.

“Barroso n’a pas convaincu”

A huit mois d’élections européennes qui s’annoncent cruciales pour l’avenir de l’UE, le président de la Commission a raté une occasion de mobiliser les Européens, regrette la presse européenne au lendemain de son dernier discours sur l’état de l’Union.

Publié le 12 septembre 2013 à 14:00
Le président de la Commission européenne lors de son discours sur l'état de l’UE, le 11 septembre 2013 à Strasbourg.

Dans les colonnes du Soir, l’éditorialiste Maroun Labaki reconnaît que le discours sur l’état de l’Union "constitue un grand moment de l’année européenne. C’est l’occasion de prendre de la hauteur, de parler pour l’Histoire. Opération politique, opération de communication : José Manuel Barroso a montré dans le passé qu’il pouvait exceller dans l’exercice." Or, cette fois-ci, le quotidien belge n’a pas été convaincu :

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à Strasbourg, José Manuel Barroso a pourtant complètement raté son discours. On aurait dit n’importe lequel de ses discours – et il y en a… A huit mois des élections européennes, la routine ne peut pas représenter une réponse au désarroi de nombreux Européens, et à leur désamour croissant envers l’Europe. [...] Nous assistons peut-être au début de la fin du projet européen. Perspective qui donne le vertige… Mais nous avons assurément assisté hier au début de la fin de José Manuel Barroso.

Encore plus sévère, Cerstin Gammelin dans la Süddeutsche Zeitung de Munich s’en prend à la fois à la forme du discours du président de la Commission et à son "héritage désolant" :

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Il a défendu les succès de sa Commission comme s’il était en train de lire la liste des courses. Barroso, d’habitude orateur fougueux, est apparu à la fin de son mandat très semblable à la Commission qu’il préside : découragé et peu inspiré. […] Les faiblesses de la Commission Barroso ne dépendent pas que de lui, mais aussi des circonstances dans lesquelles son gouvernement s’est déroulé. L’Europe a traversé sa pire crise depuis sa fondation. […] Mais même là où Barroso était responsable, il n’a pas convaincu. Il a raté sa chance de faire de son institution un fort contre-poids face aux Etats membres. Et il a renoncé à faire de sa dernière allocution un discours de campagne électorale flamboyant. Au lieu de s’adresser aux citoyens européens, qui vont avoir un mot à dire sur la désignation du nouveau président de la Commission lors des élections européennes [de mai 2014], Barroso est resté coincé dans les détails techniques. Le chef de l’institution la plus importante de l’UE n’est pas parvenu à passer le message à l’électeur intéressé. Le président de la Commission n’ose même plus parler directement des problèmes de l’UE. Son diagnostic — les citoyens tournent le dos au projet européen — n’est pas suivi d’une thérapie. L’image de l’Europe qui est ressortie de la session pléniaire de ce [10 septembre] à Strasbourg était aussi morne que l’ambiance dans l’hémicycle. La Commission a été fondée pour s'assurer que, au sein du marché unique, tout se passe dans l’ordre. Aujourd’hui, après dix ans sous Barroso, elle est faible comme jamais. A l’époque, la Commission était une institution fiable pour les pays du Sud. Aujourd’hui, les citoyens font plutôt confiance aux institutions nationales.[...] C’est dangereux, car le marché unique est au-delà de tous les projets d’union politique, la garantie de confiance qui relie les 28 pays membres. La Commission détient le contrôle de ce marché et elle le fait trembler, elle secoue les fondements de l’UE. L’Europe ne peut pas se permettre un deuxième président comme Barroso.

Guère plus indulgent, à Varsovie, l’éditorialiste de Gazeta Wyborcza Tomasz Bielecki estime que

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même si Barroso a plutôt raison dans sa défense de Bruxelles, (et donc, dans sa propre défense), il se débrouille mal pour faire passer le message aux citoyens ordinaires. La crise qui — selon ses propres termes — n’est pas encore terminée, a contribué à la montée de l’eurosceptiscisme à la fois à la droite et à la gauche de l’échiquier politique. […] Les élections européennes de mai 2014 vont se révéler un grand test pour l’eurosceptiscisme que la crise nourrit. D’habitude, ce ne sont pas les questions européennes qui sont au centre de la campagne électorale, mais les questions nationales. Mais cette fois, elle peut se centrer sur les solutions pour l’Europe. A cause de la crise (et des recettes controversées sur le meilleur moyen d’en sortir), l’Europe est devenue un sujet de discussion — comme l’a dit Barroso — "dans les cafés et sur les plateaux de télé". D’où ses appels aux politiques pro-européens de faire preuve de courage dans la défense de l’intégration européenne. C’est pour cette raison que, malheureusement, il peut s’avérer que la vague eurosceptique de 2014 devra être affrontée par quelqu’un d’aussi peu charismatique, volontaire et fort que José Manuel Barroso.

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