Actualité Crise climatique et information

Un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique : une charte pour la presse

Face à l’urgence climatique, les journalistes doivent repenser leur traitement de l’information et y incorporer pleinement et de manière pertinente les thématiques environnementales d’aujourd’hui. A l’initiative du jeune média Vert.eco, une charte adressée aux professionnels du milieu nous invite à repenser le traitement que nous faisons de l’information. La crise climatique figure en tête des thématiques affrontées par Voxeurop ; c’est pourquoi nous avons souscrit à cette charte, et invitons nos confrères à faire de même.

Publié le 21 septembre 2022 à 10:19

Nous en sommes convaincus depuis la création de Voxeurop : le traitement médiatique de la crise climatique et de ses conséquences joue un rôle crucial dans la compréhension des enjeux écologiques et humains, et il doit être amélioré, comme le souligne le Groupe d’Experts Internationaux sur la Résolution du Climat (GIEC) dans son sixième et dernier rapport d’évaluation. C’est dans cet esprit que nous consacrons une place à la hauteur de l’enjeu dans nos pages, en couvrant l’impact de la crise climatique sur la vie des Européens et les solutions pour y faire face.

C’est donc tout naturellement que nous avons signé la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique (à lire ci-dessous), rédigée par un collectif de journalistes issus d’horizons divers, et que nous souhaitons contribuer à diffuser en Europe en la traduisant.

Elle nous engage à réfléchir toujours plus avant sur nos propres pratiques journalistiques, sur notre traitement de ce sujet central notamment en veillant à lui accorder toute sa dimension transversale, et à en rendre accessible au plus grand nombre les enjeux malgré la complexité du sujet. 


Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique

Le consensus scientifique est clair : la crise climatique et le déclin rapide de la biodiversité sont en cours, et les activités humaines en sont à l’origine. Les impacts sur les écosystèmes et les sociétés humaines sont généralisés et, pour certains, irréversibles. Les limites planétaires sont dépassées l’une après l’autre, et près de la moitié de l’humanité vit déjà en situation de forte vulnérabilité.

Dans son sixième rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) insiste sur le rôle crucial des médias pour "cadrer et transmettre les informations sur le changement climatique".


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Il appartient à l’ensemble des journalistes d’être à la hauteur du défi que représente l’emballement du climat pour les générations actuelles et à venir. Face à l’urgence absolue de la situation, nous, journalistes, devons modifier notre façon de travailler pour intégrer pleinement cet enjeu dans le traitement de l’information.

Tel est l’objet de la présente charte. Nous invitons donc la profession à :

  1. Traiter le climat, le vivant et la justice sociale de manière transversale. Ces sujets sont indissociables. L’écologie ne doit plus être cantonnée à une simple rubrique ; elle doit devenir un prisme au travers duquel considérer l’ensemble des sujets.
  2. Faire œuvre de pédagogie. Les données scientifiques relatives aux questions écologiques sont souvent complexes. Il est nécessaire d’expliquer les ordres de grandeur et les échelles de temps, d’identifier les liens de cause à effet, et de donner des éléments de comparaison.
  3. S’interroger sur le lexique et les images utilisées. Il est crucial de bien choisir les mots afin de décrire les faits avec précision et rendre compte de l’urgence. Éviter les images éculées et les expressions faciles qui déforment et minimisent la gravité de la situation
  4. Élargir le traitement des enjeux. Ne pas renvoyer uniquement les personnes à leur responsabilité individuelle, car l’essentiel des bouleversements est produit à un niveau systémique et appelle des réponses politiques.
  5. Enquêter sur les origines des bouleversements en cours. Questionner le modèle de croissance et ses acteurs économiques, financiers et politiques, et leur rôle décisif dans la crise écologique. Rappeler que les considérations de court terme peuvent être contraires aux intérêts de l’humanité et de la nature.
  6. Assurer la transparence. La défiance à l’égard des médias et la propagation de fausses informations qui relativisent les faits, nous obligent à identifier avec précaution les informations et les experts cités, à faire apparaître clairement les sources et à révéler les potentiels conflits d’intérêts.
  7. Révéler les stratégies produites pour semer le doute dans l’esprit du public. Certains intérêts économiques et politiques œuvrent activement à la construction de propos qui trompent la compréhension des sujets et retardent l’action nécessaire pour affronter les bouleversements en cours.
  8. Informer sur les réponses à la crise. Enquêter avec rigueur sur les manières d’agir face aux enjeux du climat et du vivant, quelle que soit leur échelle d’application. Questionner les solutions qui nous sont présentées.
  9. Se former en continu. Pour avoir une vision globale des bouleversements en cours et de ce qu’ils impliquent pour nos sociétés, les journalistes doivent pouvoir se former tout au long de leur carrière. Ce droit est essentiel pour la qualité du traitement de l’information : chacun•e peut exiger de son employeur d’être formé•e aux enjeux écologiques.
  10. S’opposer aux financements issus des activités les plus polluantes. Afin d’assurer la cohérence du traitement éditorial des enjeux du climat et du vivant, les journalistes ont le droit d’exprimer sans crainte leur désaccord vis-à-vis des financements, publicités et partenariats média liés à des activités qu’ils jugent nocives.
  11. Consolider l’indépendance des rédactions. Pour garantir une information libre de toute pression, il est important d’assurer leur autonomie éditoriale par rapport aux propriétaires de leur média.
  12. Pratiquer un journalisme bas carbone. Agir pour réduire l’empreinte écologique des activités journalistiques, en utilisant notamment des outils moins polluants, sans pour autant se couper du nécessaire travail de terrain. Inciter les rédactions à favoriser le recours aux journalistes locaux.
  13. Cultiver la coopération. Participer à un écosystème médiatique solidaire et défendre ensemble une pratique journalistique soucieuse de préserver de bonnes conditions de vie sur Terre.

👉 Signez la charte


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