Opinion Initiative Citizens Take Over Europe

La Conférence sur l’avenir de l’Europe doit être centrée sur les citoyens

Ce 1er juillet, l’Allemagne prend la présidence tournante de l’Union européenne. Au programme de son semestre, la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Alors que les institutions de l’Union européenne n’ont pas encore trouvé d’accord sur son déroulement, Citizens Take Over Europe propose que les citoyens soient impliqués dès le départ dans le processus.

Publié le 1 juillet 2020 à 08:31

Ce 1er juillet, l’Allemagne prendra la présidence tournante de l’Union européenne à un point critique de l’histoire de l’Europe, après la pandémie de Covid-19. Pendant six mois, Angela Merkel aura un rôle crucial à jouer pour définir les objectifs et le format de la Conférence pour l’avenir de l’Europe. Elle devra également négocier le plan de relance annoncé “Next Generation EU” de 750 milliards d’euros, qui doublera le budget de l’Union européenne. Dévoilé à la fin du mois de mai, le plan a été présenté comme le remède miracle permettant d’atténuer les conséquences d’une crise mondiale sans précédent, tout en investissant dans la transition écologique et numérique. Étant donné que plus de 125 000 personnes sont décédées à travers l’Europe et que les économies des États membres ont été profondément impactées par le virus – on s’attend à ce que le PIB diminue de 7,5 % cette année -, les décisions qui seront prises dans les prochains mois mettent la légitimité de l’Union européenne en jeu. 

Alors que la proposition d’un plan de relance “Next Generation EU” est une étape décisive pour limiter les conséquences désastreuses de la pandémie de Covid-19, le débat sur son utilisation ne peut pas se tenir derrière les portes closes du Conseil de l’Union européenne ou dans les couloirs des institutions. L’alliance Citizens Take Over Europe, lancée le 9 mai dernier, est l’une des quelques actions coordonnées par la société civile pour demander à ce que les citoyens soient au centre des décisions sur l’avenir du continent. La Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui promettait d’injecter de la démocratie participative dans la refonte de la politique européenne, pourrait être l’un de ces lieux accueillant les débats. Elle a le potentiel pour mettre en œuvre une réforme essentielle, démocratique et constitutionnelle de l’Union européenne et pour enfin relever les défis du changement climatique et des inégalités systémiques économiques et sociales. La relance de l’Europe ne peut pas s’effectuer uniquement sur le plan économique : elle doit aussi être démocratique ! 

Le 18 juin dernier, le Parlement européen a adopté une résolution incitant à engager une Conférence sur l’avenir de l’Europe d’ici l’automne 2020. Pourtant, aucun accord n’a encore été trouvé entre la Commission, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement sur les objectifs, le cadre et la méthodologie de la Conférence. Le 24 juin, le Conseil de l’Union européenne a également exprimé clairement sa position : les citoyens et les résidents de l’Union n’auront presque pas la possibilité de participer à la conférence. Pour la société civile transeuropéenne, dont l’association Citizens Take Over Europe, c’est l’occasion de prendre le contrôle, non seulement en exigeant une place à la table des négociations, mais aussi en engageant, avec d’autres, un processus à long terme qui permettrait aux citoyens et aux résidents de l’Union européenne de décider de leur avenir. Dans une lettre ouverte adressée à Angela Merkel, l’association expose clairement les actions à mettre en place pour que la Conférence sur l’avenir de l’Europe soit un instrument significatif pour une participation ascendante dans l’Europe post-Covid-19. L’Union européenne doit : 

1. Etablir sans tarder un calendrier pour la Conférence sur l’avenir de l’Europe et engager la société civile à co-concevoir un format responsabilisant pour la Conférence de manière ascendante, à travers lequel les citoyens éprouvent un sentiment d’appartenance.

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2. Assurer une légitimité pleinement démocratique en attribuant aux citoyens un rôle principal dans les discussions à toutes les étapes, fournir des efforts particuliers pour inclure les minorités ainsi que la jeunesse, et ancrer fermement le rôle de la société civile dans la structure de la Conférence. Les citoyens ne doivent pas seulement être consultés, ils doivent aussi pouvoir participer, y compris à travers des assemblées citoyennes sélectionnées aléatoirement.

3. S’engager à suivre toute réforme majeure recommandée par la Conférence, y compris la possibilité de modifier un traité. 

Il existe de nombreuses raisons qui expliquent pourquoi il est nécessaire que les Européens soient au centre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. L’une d’elles est que la crise a révélé certaines des plus grandes failles de l’Union incomplète de l’Europe et les difficultés qu’elle a rencontrées pour organiser la solidarité lorsque la crise du Covid-19 était à son apogée. Dans une période où les agents d’entretien, les infirmiers et les infirmières, les employés des supermarchés, les parents, les enseignants et les prestataires de services des domaines de la santé et du social sont en première ligne et les plus durement touchés par la crise, l’avenir de l’Europe ne peut pas s’envisager sans eux.

Très souvent, ces postes essentiels sont occupés par des femmes, des membres de communautés ethniques racisées et minoritaires ou des migrants qui doivent déjà gérer une longue histoire de discrimination, de sexisme, de racisme et de xénophobie. Envisager l’avenir de l’Europe sans les inclure ne ferait que confirmer le cliché tenace d’une Union européenne détachée de la réalité et des intérêts de sa population, ne servant que ceux des plus privilégiés. Les citoyens ont besoin de jouer un rôle au sein d’une assemblée citoyenne qui doit faire partie intégrante de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. 

Une autre raison est que l’on trouve de nombreux exemples d’expériences réussies d’assemblées citoyennes à travers l’Europe, organisées à l’échelle locale ou nationale, qui produisent des résultats à la fois efficaces et légitimes. Des expériences telles que l’assemblée citoyenne en Irlande ont montré comment les citoyens pouvaient réfléchir intensément ensemble pour le bien commun. L’exemple le plus récent est celui de la Convention Citoyenne pour le Climat, dont la dernière réunion a eu lieu du 19 au 21 juin dernier. Elle aussi montre que les citoyens peuvent formuler des exigences claires pour répondre à un défi complexe tel que celui du changement climatique.

La mission de cette convention était de “définir une série de mesures dans le but d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale”. Emmanuel Macron est à présent sous le feu des projecteurs alors qu’il a promis que “ce qui ressortirait de la commission serait soumis, sans filtre, au vote du Parlement, à référendum ou à application réglementaire directe”. Tandis que des critiques sont émises sur les méthodes, le potentiel et les limites de telles assemblées, par exemple, et dans quelle mesure les propositions seront sérieusement prises en compte par les institutions, ou si tout cela aboutira à d’importants changements constitutionnels, elles contribuent à transformer fondamentalement la manière de penser et de faire de la politique. 

De plus, Angela Merkel devrait suivre de près toute réforme importante recommandée par la Conférence sur l’avenir de l’Europe, y compris les modifications de traité, et donner la possibilité aux Européens de participer à ce processus. En l’absence d’un pouvoir de décision sur le programme et d’avis contraignants de la part des citoyens, un tel exercice ne sera qu’un symbole comme un autre dans l’Union et accentuera la fracture entre les institutions européennes et leurs citoyens. Pire, si les décisions se prennent au Conseil de l’Union européenne, cela montre que les États membres nationaux sont vainqueurs sur la prise de décisions, minant tout effort pour révolutionner la politique du bas vers le haut à travers le continent. 

Signez la lettre ouverte de Citizens Take Over Europe à Angela Merkel.

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