Idées Référendum britannique

Je suis une fondamentaliste européenne

La chroniqueuse Mary Dejevski explique pourquoi elle estime faire partie de cette génération d’Européens qui fait les frais de la guerre dont nos parents ont fait l’expérience.

Publié le 23 juin 2016 à 11:21

Après plusieurs mois d’évènements en lien direct avec le référendum, la situation est devenue très claire. Les deux enjeux principaux sont l’économie et l’immigration. Si vous votez Remain, c’est pour des raisons économiques, malgré tous les doutes que vous pouvez avoir quant à l’immigration, ou du moins, c’est ce que disent les analystes. Au contraire, si vous optez pour le Leave, c’est parce que la question de l’immigration vous préoccupe plus que n’importe quel problème économique. Je ne rentre tout à fait dans aucune de ces deux cases.

Je fais partie du camp des Remainers, mais pas parce que je pense que l’immigration, qu’elle soit d’origine européenne ou non, ne présente aucun inconvénient. Des politiques laxistes menées par le gouvernement se sont soldées, selon moi, par une main-d’œuvre peu qualifiée, à faible productivité et à faibles salaires. Je suis d’ailleurs en faveur de la hausse du salaire minimum, car je crois qu’elle pourrait pousser les employeurs à investir plus de moyens pour développer les qualifications de leur personnel.

Je ne suis pas non plus entièrement convaincue par les arguments économiques (promesses comme menaces). Si j’avais été une jeune Écossaise en 2014, j’aurais voté pour l’indépendance avec la certitude que rien n’est plus précieux que la maîtrise de sa propre destinée nationale et que les Écossais seraient égaux dans les difficultés économiques qui découleraient de l’indépendance. Il n’y a qu’à voir les pays baltes, qui, eux, ont bien réussi à prospérer.

Mais il y avait un corollaire à l’indépendance écossaise : l’appartenance à l’Union européenne. L’objectif était d’être membre de l’UE en tant qu’État indépendant, et non pas comme une simple région du Royaume-Uni, aussi privilégiée soit elle. En tant que citoyenne du Royaume-Uni, ou de l’Angleterre indépendante, je veux la même chose : appartenir à une nation membre de l’Union européenne. Cela se Quelle catastrophe cela serait si le Brexit causait leur perte.justifie par la protection et l’influence dont profite chaque membre d’une union de plusieurs États, même lorsque l’on est un pays riche de dimension moyenne comme le nôtre. Toutefois, les raisons principales de mon engagement en faveur du Remain ont à voir avec des questions d’identité et d’idéalisme.

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Je considère que j’appartiens à cette génération d’Européens qui fait les frais de la guerre dont nos parents ont fait l’expérience. Un avenir bien plus beau a un jour été à leur portée. Ma mère aurait passé l’été 1939 en Suisse, mon père avait été accepté pour un échange scolaire en Allemagne l’année précédente. Et puis il y a eu la conscription, et l’heure a bientôt été au Blitz et au rationnement.

Dans ma jeunesse, mon père était bien résolu à rattraper le temps perdu : nous faisions des road trips à travers une Europe encore divisée ; je suis d’ailleurs retournée visiter certains endroits maintenant que l’Europe ne fait plus qu’un. Ma sœur et moi avons étudié les langues. Elle vit en Italie et j’ai fait des reportages un peu partout en Europe. Cinq années passées à Washington ont fini de me convaincre que, malgré tout l’attrait qu’exercent sur moi les États-Unis, c’est en Europe que j’ai vraiment ma place.

Je suis ce qu’on pourrait appeler une fondamentaliste européenne. Si cela ne tenait qu’à moi, le Royaume-Uni ferait partie de l’espace Schengen et de la zone euro ; ces deux structures auraient peut-être été plus solides si le Royaume-Uni ne les avait pas rejetées. Je serais aussi en faveur de la mise en place d’accords de sécurité communs et de la mise sur pied de forces armées européennes.

L’année dernière, à la même époque, j’ai parcouru la “nouvelle” Europe avec mon mari : de Vienne jusqu’à l’Allemagne, en faisant un détour par la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne. La joie des “nouveaux” citoyens européens due à un sentiment d’appartenance, les vestiges des anciens postes frontières, qui rappellent à tous comment c’était “avant”, la praticité de l’euro (amis polonais, laissez-vous tenter !) : autant de succès qui sont attribuables à l’Union européenne et qui rendent hommage à ma génération européenne.

Quelle catastrophe cela serait si le Brexit causait leur perte.

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