Revue de presse Lumière sur le Sud-Est

Donald Trump est-il l’atout politique de la Russie ? 

Suite à l’échec de ses manœuvres pour influencer le référendum sur l’adhésion à l’UE et les élections présidentielles en Moldavie, la Russie a peut-être trouvé un atout politique dans la réélection de Donald Trump.

Publié le 27 novembre 2024

Deux semaines après que les citoyens de Moldavie ont voté de justesse (50,35 %) en faveur de l’adhésion de leur pays à l’UE, la candidate pro-Europe Maia Sandu a été élue présidente du pays à 55,35 %, battant le politicien pro-russe Alexandr Stoianoglo. Quelques jours plus tard, Donald Trump a été réélu président des Etats-Unis

Dans les heures qui ont suivi l’annonce, je suis tombé sur un “meme” selon lequel la Russie s’était désintéressée du menu fretin pour partir à la pêche au gros poisson. La Russie a-t-elle réellement relâché la pression en Moldavie ? Trump est-il un gros poisson dont l’Europe du Sud-Est devrait se méfier, et une prise de choix pour Moscou ?

Une européanisation gagnante – de justesse

Pour les Moldaves pro-européens, gagner ce référendum puis les élections présidentielles n’a pas été une partie de plaisir. Sans les votes de la diaspora, la Moldavie se serait tournée vers le Kremlin. En son temps, Traian Băsescu, président roumain pendant deux mandats (2004–2014), avait également été bien aidé par les votes de la diaspora. À l’occasion du scrutin, il a rappelé à ses anciens adversaires politiques qu’il n’est pas le seul à avoir accédé au pouvoir de cette façon. “Vladimir Poutine, bien qu’entouré par ses oligarques et ses porte-voix, est entré au club de ceux battus grâce à la diaspora possédant un passeport roumain. Au moins a-t-il la décence de ne pas accuser Maia Sandu d’avoir truqué les élections”, a écrit Băsescu sur Facebook, cité par Florentina Grigore dans le journal roumain Adevărul. Dans l’ensemble, on ne peut pas dire que les agents russes aient lésiné sur leurs efforts. C’est même tout le contraire. 

Ces élections se sont déroulées dans un contexte inédit d’interférences et d’intimidations de la part de la Russie et de ses agents, dont le but est de déstabiliser le processus démocratique de la République de Moldavie”, a déclaré Peter Stano, porte-parole de l’UE, selon un article de Reuters rédigé par Charlotte van Campenhout, Lili Bayer et Philip Blenkinsop. S’il fallait une preuve de plus, Natalia Zaharescu, journaliste pour le journal d’investigation moldave Ziarul de Gardă, s’est infiltrée dans le réseau de l’oligarque russe Ilan Șor, dont la mission consistait à persuader les citoyens de voter contre l’adhésion à l’UE et à soutenir l’adversaire de Maia Sandu aux élections présidentielles. Selon l’enquête de Ziarul de Gardă, Zaharescu a reçu de l’argent ainsi que des consignes de votes pour le référendum et les élections présidentielles. 

Quelles conséquences de la victoire de Trump pour l’Europe ?

Suite à la victoire de Donald Trump aux élections américaines, j’ai pris des nouvelles d’un collègue américain. “J’ai absolument pas envie d’en parler”, m’a-t-il répondu dans un soupir assorti d’un sourire amer qui transpirait la déception. De même, Radan Kanev, député européen bulgare (Parti populaire européen, droite), décrit la victoire de Trump comme “une mauvaise nouvelle pour l’Europe, et pour ses relations avec les Etats-Unis”. Sur Mediapool, Kanev confie que selon lui, l’Europe et la Bulgarie doivent bouger rapidement pour consolider les défenses de l’OTAN dans la région, réexaminer la politique climatique et renforcer les politiques industrielles et commerciales. Avec le recul, il apparaît qu’une tendance à la lenteur est une des raisons de la fragilité de l’Europe face à la Russie

Nicholas Kulawiak, rédacteur pour Kosovo 2.0, appréhende la menace que Trump représente pour la cohésion de l’OTAN. Il redoute également que le président des Etats-Unis “tente de résoudre la normalisation économique entre le Kosovo et la Serbie d’un coup de baguette magique, ce qui pourrait porter atteinte à la souveraineté du Kosovo et réduire les aides extérieures dont le pays bénéficie”. Selon Marius Ghincea, politologue roumain interrogé par Luiza Popovici, journaliste de la plateforme d’information PressOne, la victoire de Trump “va normaliser ce qui jusqu’alors était marginal, extrémiste, inacceptable d’un point de vue social et politique”. À titre d’exemple, Ghincea est de l’opinion que forcer l’Ukraine à accepter “d’importantes concessions” pour une paix temporaire ne fera qu’augmenter l’insécurité en Europe de l’Est. De plus, Trump ayant eu “des positions très critique vis à vis de l’Union européenne” lors de son premier mandat, Ghincea estime que les relations entre Etats-Unis et UE vont se dégrader, et que la Roumanie, et avec elle potentiellement d’autres pays, pourrait avoir à choisir entre sa sécurité et son développement.

Combien coûte la paix de Trump ?

Alors que l’extrémisme se banalise, Răzvan Filip, journaliste pour PressOne, indique que la victoire de Trump envoie un signal positif aux partis d’extrême droite partout dans le monde. Selon lui, un des facteurs expliquant la victoire de Trump est celui-ci : “Les votants ne cherchent plus un programme politique qui améliorera leur vie. Ils se contentent du premier charlatan qui veut bien écouter leurs problèmes et les brosser dans le sens du poil.

Cette impossibilité de faire la différence entre important et insignifiant correspond à la description du déclin de l’Occident que fait l’historien Andrei Cornea dans le magazine culturel Dilema Veche. “Et ils disent que la paix adviendra. Oui, la paix dictée par Poutine. Et des vies seront sauvées. Oui, des vies d’esclaves. Est-ce que ce n’est pas là le propre du déclin, d’oublier que le combat pour la liberté coûte très cher ?” écrit l’historien. “L’héroïsme n’est-il rien d’autre que la croyance que certaines valeurs sont plus importantes que la vie même ? Mais quel politique occidental, s’il parlait à son peuple de la nécessité de ces sacrifices, serait élu ou réélu ? En connaissez-vous seulement ? Un tel peuple existe-t-il ?

Le président serbe Aleksandar Vučić a tissé un parallèle similaire entre la paix et le sacrifice juste avant les élections américaines. “Ce ne sera peut-être pas le cas, mais il est possible que cette élection apporte soit la paix, soit la continuation d’une guerre qui pourrait aboutir à une troisième guerre mondiale”, a-t-il averti sur la chaîne serbe TV Happy, rapporte l’agence de presse gouvernementale russe TASS. Un mois auparavant, le vice-Premier ministre serbe Aleksandar Vulin décrivait l’organisation des BRICS+ comme une alternative viable à l’Union européenne. “Je suis convaincu que la Serbie n’a pas sa place dans l’Union européenne, en tout cas pas tant que l’UE n’aura pas fait d’importants efforts pour nous accepter comme membre digne de ce nom”, a-t-il lancé dans une interview pour la magazine russe National Defence, comme nous le rapporte l’agence de presse bulgare Novinite

Adrian Mihălțianu, rédacteur en chef de PressOne, voit quant à lui le bon côté des choses. Les Etats-Unis pourraient s’intéresser davantage aux pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est de par leur position de zone tampon avec la Russie, estime-t-il. De plus, Sean Monaghan, chercheur invité au Center for Strategic and International Studies à Washington, nous rappelle deux citations d’un article rédigé par Kostas Koukoumakas, Katerina Voutsina, et George Schinas pour le média grec iMEdD Lab : “Il n’y a aucune garantie que Trump mette réellement ces mesures à exécution” et “au final, [lors de son premier mandat,] ses politiques ont renforcé les capacités de dissuasion américaine en Europe.” 

En partenariat avec Display Europe, cofinancé par l'Union européenne. Les points de vue et opinions exprimés n'engagent cependant que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement ceux de l'Union européenne ou de la Direction générale des réseaux de communication, du contenu et de la technologie. Ni l'Union européenne ni l'autorité subventionnaire ne peuvent en être tenues pour responsables.
Display Europe, European Cultural Foundation, European Union

Cet article vous intéresse ?

Il est en accès libre grâce au soutien de notre communauté. Publier et traduire nos articles à un coût. Pour continuer à vous informer en toute indépendance, nous avons besoin de votre soutien.

Je m’abonne ou Je fais un don

Voir plus de commentaires Je deviens membre pour traduire les commentaires et participer
Live | Enquête sur les promesses non tenues de la finance verte

Depuis les années 1980 et la financiarisation de l’économie, les acteurs de la finance nous ont appris que toute faille dans la loi cache une opportunité de gain à court terme. Les journalistes récompensés Stefano Valentino et Giorgio Michalopoulos décortiquent pour Voxeurop les dessous de la finance verte.

Voir l’évènement

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez un journalisme qui ne s’arrête pas aux frontières

Bénéficiez de nos offres d'abonnement, ou faites un don pour renforcer notre indépendance

sur le même sujet