Contre la droite radicale, un vent d’espoir souffle d’Allemagne et de Pologne  

Tant que subsistent des élections démocratiques et une société civile puissante, les choses ne sont jamais gravées dans le marbre en matière de politique. Les manifestations historiques en Allemagne contre l’extrême droite, et le nouveau gouvernement polonais après huit ans de règne ultraconservateur du PiS montrent la vigueur de l’attachement à l’état de droit.

Publié le 14 février 2024 à 18:40

Dans ma revue de presse du 16 novembre dernier, j’examinais le caractère apparemment inéluctable de la poussée des idées d’extrême droite dans de nombreux Etats membres de l’Union européenne. Mais deux événements récents méritent toute notre attention tant ils soulignent le poids de mobilisation de la société civile pour contrer cette tendance, à trois mois et demi d’élections européennes cruciales. 

En Allemagne, des manifestations massives en réaction à la progression de l’extrême droite indiquent que le seuil de tolérance à l’égard des agissements des partis politiques d’extrême droite a été dépassé : des dizaines de milliers de personnes ont ainsi défilé pendant plusieurs jours, et continuent durant les week-ends, dans les rues de nombreuses villes pour dénoncer notamment l’idéologie raciste de la droite extrême, après les révélations par Correctiv le 10 janvier d’un rendez-vous secret organisé en novembre dernier par l’AfD et des néonazis sur un plan d’expulsion d’Allemagne de millions d’étrangers et d’Allemands issus de l’immigration. 

Autre fait notable, dans un jugement inédit, la Cour constitutionnelle allemande a interdit le 23 janvier l’octroi au parti néo-nazi Die Heimat (La Patrie, ex NPD) de financements publics pour les six prochaines années, comme le rapporte le quotidien de Berlin Die Tageszeitung. “Que faire contre les fachos ?interroge ainsi l’éditorialiste Kersten Augustin, relatant le débat qui s’est engagé outre-Rhin sur la possibilité de lancer une procédure contre l’AfD.  

En Pologne, le gouvernement formé par Donald Tusk, fraîchement élu, est en pleine déPiSation des appareils d’Etat et des médias publics, bien que la purge s'avère plus difficile qu’envisagée. Ce qui devrait nous servir d’avertissement, met en garde le journaliste et historien britannique Timothy Garton Ash, dans sa chronique pour le quotidien britannique The Guardian. Car restaurer la démocratie s’avère encore plus difficile que de la créer de toutes pièces : “Les dernières semaines ont été dramatiques, empreintes de colère et parfois d’étrangeté [...] Le plus grand défi pour Tusk et ses partenaires de la coalition sera de résister à la tentation de simplement renverser la table, en installant leurs propres partisans à la place des responsables passés.”


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Une reconstruction qui prendra du temps : “D'ici la fin de cette législature, en 2027, le service public de radiodiffusion devrait être plus solidement impartial, les tribunaux plus pleinement indépendants, le président plus incontestablement au-dessus des partis, les entreprises publiques plus complètement non partisanes, l'administration publique et les services de sécurité plus réellement indépendants - non seulement par rapport à ce qu'ils étaient sous le PiS, mais aussi par rapport à ce qu'ils étaient sous les gouvernements polonais précédents, y compris ceux de M. Tusk, avant que les populistes n'arrivent au pouvoir”, résume l’historien.

Pour ceux qui n’ont pas pu y participer, je vous invite à écouter le replay de notre conversation avec Timothy Garton Ash lors de notre événement Live du 6 février dernier, où ce grand connaisseur de la Pologne revient entre autres sur la leçon que les démocraties européennes doivent absolument tirer de l’exemple polonais. 

Comme le politiste néerlandais Cas Mudde le martèle depuis des années, “l’extrême droite est une minorité bruyante et ne représente pas la majorité silencieuse, ce dont les médias et les hommes politiques devraient enfin prendre conscience ! Si la rue nous enseigne quelque chose, c’est que ‘le peuple ne veut PAS de l’extrême droitea-t–il encore écrit récemment sur son fil X. Aux Pays-Bas, l’échec de la formation d’une coalition pourrait conduire à de nouvelles élections, ce qui ne manquerait pas de faire le jeu du PVV, le parti d’extrême droite de Geert Wilders (arrivé en tête des élections législatives du 22 novembre). Dans son analyse pour Le Grand Continent, Mudde passe en revue sept scenarii possibles, “aucun attrayant”. En cas de nouvelles élections, “les sondages montrent que le PVV en sortirait renforcé, capable de dominer toute coalition”, prévient-il. Et de dénoncer l’échec “des partis et des médias jusqu’à présent”, lesquels “continuent à se concentrer principalement sur l’immigration ou à adopter les approches du PVV sur d’autres questions, comme le logement.” À bon entendeur… 


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