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Les élections européennes en Estonie, un adieu Kaja Kallas, à la dirigeante la plus célèbre du pays ?

Kaja Kallas est de loin la personnalité politique estonienne la plus connue en Europe. Les élections du 9 juin 2024 pourraient représenter un tremplin vers la politique européenne pour la première femme Premier ministre du pays, impopulaire à domicile.

Publié le 3 juin 2024 à 18:39
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Les élections européennes en Estonie pourraient être le point culminant de mois de vulnérabilité pour le gouvernement estonien, et en particulier pour la Première ministre Kaja Kallas (Parti de la réforme d’Estonie, ERE, centre droit). En termes de visibilité, elle s'est hissée au sommet de la politique européenne. Ses nombreuses apparitions dans les médias internationaux après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie lui ont conféré une visibilité supérieure à celle de tous les Premiers ministres estoniens qui l'ont précédée. Elle a même été surnommée la “Dame de fer de l'Europe” par Newsweek pour sa position ferme face à Vladimir Poutine.

L'Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l'Europe (ADLE, centre) a proposé à Kallas d'être sa candidate principale pour les élections européennes, ce qui l'aurait opposée à Ursula von der Leyen lors des débats. La dirigeante a préféré refuser, ne voulant pas être perçue comme étant sur le point de quitter la politique estonienne.

Sur le plan national, elle a connu le même genre de succès pendant un certain temps. Après une victoire historique aux élections législatives de 2023, son Parti de la réforme devrait gouverner pour un mandat complet de quatre ans, les combinaisons de coalition possibles au parlement excluant toute alternative. Le Parti populaire conservateur d'Estonie(EKRE, extrême droite)est la deuxième famille politique du pays, mais les autres groupes ne le voient pas comme un partenaire séduisant pour gouverner. Pour le plus grand malheur des radicaux de droite, le nouveau gouvernement libéral de Kallas a légalisé le mariage homosexuel en 2023.

L’affaire Arvo Hallik

La lune de miel a vite pris fin. Les temps sont durs, cependant, et les hésitations du gouvernement de Kallas et de ses prédécesseurs ne l’ont pas laissé dans une bonne posture. Le déficit budgétaire est énorme et devrait dépasser 5 % du PIB de l'Estonie l'année prochaine. Son gouvernement a augmenté les impôts et devra faire encore beaucoup plus pour remettre de l'ordre dans les finances publiques. Sa popularité déjà en berne a souffert d’un scandale : Arvo Hallik, le mari de Kallas, avait encore des relations d'affaires en Russie un an et demi après le début de l'invasion à grande échelle. Depuis la révélation en août 2023, l’éventuel départ de la Première ministre est le principal sujet politique du pays.

Cela ne signifie pas pour autant que les questions européennes soient au premier plan de la campagne. L’enjeu principal reste la sécurité de l'Europe et la guerre en Ukraine, comme c’est le cas dans le pays depuis le 24 février 2022. Franchement, c'est presque comme si aucune campagne européenne distincte n’avait cours en Estonie. Les sociaux-démocrates sont également susceptibles de l'emporter, grâce à la popularité de l'ancienne diplomate et ministre des Affaires étrangères Marina Kaljurand. Isamaa (affilié au Parti populaire européen, conservateur), le Parti du centre (affilié à Renew Europe, centre) et l’EKRE (affilié à Identité et Démocratie, extrême droite) se contenteront probablement d'un seul siège.

Quels que soient les sept eurodéputés estoniens, Kaja Kallas sera sous les feux de la rampe le soir de l'élection. Si elle ne veut pas partir, son parti pourrait commencer à être ébranlé par des appels à son éviction. Le député européen sortant et ancien Premier ministre estonien Andrus Ansip (également du Parti de la réforme) la demande depuis des mois. La chance que Kallas a eue dans la politique estonienne semble l'avoir quittée, mais sa cote auprès de ses collègues européens reste élevée. La combinaison de ces deux facteurs pourrait ouvrir la voie à une grande opportunité.

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