Décryptage À la veille des élections allemandes

En Europe comme en Allemagne, la démocratie peut-elle tenir ses promesses ?

Après le départ d’Angela Merkel au bout de 16 ans au pouvoir, un gouvernement de coalition efficace à Berlin n'est qu'une des nombreuses conditions nécessaires pour faire avancer l'Europe, affirme Timothy Garton Ash, professeur en études européennes à Oxford.

Publié le 16 septembre 2021 à 12:31

A Bruxelles, la semaine dernière, j'ai constaté que tout le monde attendait Berlin. A Berlin, j'ai trouvé tout le monde électrisé par des élections étonnamment ouvertes. Mais une chose est claire : le nouveau gouvernement allemand sera une coalition, presque certainement composée de trois partis plutôt que de deux. Cela renvoie à la question plus profonde qui sous-tend cet événement européen crucial : la démocratie peut-elle tenir ses promesses ? Plus précisément : le modèle européen de changement par le consensus démocratique, dont l'Allemagne est un excellent exemple, peut-il produire les actions dont l'Europe a cruellement besoin si elle veut tenir son rang au XXIe siècle ?

L'Union européenne est comme une machine à sous géante. Plus il y a d'ananas ou d'oranges alignés sur l'écran, meilleurs sont les résultats . Les élections allemandes de cette année produiront environ quatre fruits d'affilée ; l'élection présidentielle française du printemps prochain en produira trois autres. L'Italie et l'Espagne en apporteront peut-être deux chacun, le reste étant généré par les autres pays européens et les institutions européennes. 

Quelle que soit la théorie constitutionnelle de l'UE, dans la pratique l'alignement des gouvernements nationaux reste la clé de toute initiative majeure qu'elle prend. Mes amis bruxellois ne cessent de dire que "les Allemands" poussent pour ceci ou "les Français" pour cela. La plupart des commissaires européens conservent une teinte nationale. Même les grands groupes de partis paneuropéens au Parlement sont fortement influencés par les partis nationaux des plus grands États membres. Pour que l'Union fonctionne bien, il faut une coalition de coalitions composée de coalitions. 

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Les critiques parlent constamment d'un "déficit démocratique" de l'UE, mais en réalité, c'est presque le contraire qui est vrai. Si le système est si compliqué et si lent, c'est précisément parce qu'il nécessite le consentement de 26 gouvernements démocratiquement élus et de la Hongrie, ainsi que d'un Parlement européen démocratiquement élu et parfois aussi d'Etats et de régions infranationaux. L'UE est une négociation permanente. Ce qui est étonnant, ce n'est pas qu'elle avance lentement, mais qu'elle avance tout court. 

Une crise peut aider. Sans la pandémie de Covid, nous n'aurions pas les 750 milliards d'euros de subventions et de prêts, prélevés sur la dette européenne mutualisée, dans le fonds de relance que l'on appelle aussi NextGenerationEU. Sur l'affiche géante apposée sur le côté du bâtiment Berlaymont de la Commission européenne, à Bruxelles, on voit un jeune Européen bondissant de joie, avec les mots "Next Gen EU" sur la jambe ; mais en réalité, c'est un virus à piquants qui devrait aussi être mis en lumière. Un optimiste dirait que les inondations dans le nord-ouest de l'Europe et les incendies de forêt en Grèce ont permis à l'Europe de se réveiller face à la crise climatique. Pourtant, c'est une drôle d'entité politique qui compte sur les crises successives pour survivre. 

Dans la capitale de l’Allemagne, puissance centrale de l'Europe, on parle des différentes coalitions possibles qui pourraient émerger de ce qui sera probablement des mois de discussions après les élections fédérales du 26 septembre. Certains remarquent que, bien après que toutes les nécrologies sur ses 16 années au pouvoir eurent été publiées, la chancelière (par intérim) Angela Merkel pourrait encore prononcer le discours du Nouvel An 2022, en portant une autre de ses vestes colorées. 

L’Union européenne est comme une machine à sous géante. Plus il y a d’ananas ou d’oranges alignés sur l’écran, meilleurs sont les résultats.

En parlant de couleurs, les deux coalitions les plus probables sont qualifiées de "Jamaïque" (noir pour les chrétiens-démocrates, jaune pour les libéraux-démocrates, vert pour les Verts) ou de "feux de signalisation" (substituer le rouge des sociaux-dé…

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