Militants de la Garde Hongroise lors d’une manifestation du parti Jobbik à Budapest, en août 2007 (AFP).

La croisade anti-roms du Jobbik

Le Jobbik, principal parti d'extrême droite hongrois, a obtenu près de 15% des voix et trois sièges lors des dernières élections européennes. Son discours qui criminalise la minorité rom soulève de nombreuses inquiétudes, car les agressions et les meurtres à l'encontre des Roms se sont multipliées dernièrement en Hongrie, souligne Respekt.

Publié le 15 juin 2009 à 15:56
Militants de la Garde Hongroise lors d’une manifestation du parti Jobbik à Budapest, en août 2007 (AFP).

A première vue, Krisztina Morvai, eurodéputée hongroise fraîchement élue, est le modèle même de la politicienne à qui tout réussit. Belle, blonde et cultivée, elle parvient à concilier vie familiale (elle a trois enfants) et carrière politique. Mais ses prises de position ne correspondent pas vraiment à l’image d’une femme parfaite. Autrefois engagée dans la défense des droits des femmes, elle a progressivement changé de vocabulaire et d’opinion politique et a fini par se présenter aux élections européennes comme tête de liste du Jobbik, un parti qui s’est fait connaître par une campagne agressive contre les Roms.

"La Hongrie appartient aux Hongrois. Le Jobbik, ce sont des paroles transformées en actions", affirmait juste avant les élections le chef du parti, Gábor Vona. Et c’est à la Garde hongroise, une milice paramilitaire étroitement liée au Jobbik, que reviennent l’exécution des actions concrètes. Ses membres défilent dans des uniformes qui rappellent ceux des fascistes hongrois dans les années 1940 et organisent des manifestations contres les Roms.

Le Jobbik et la Garde hongroise vont jusqu’à accuser les Roms d’être responsables de la baisse du niveau de vie des Hongrois en ce temps de crise économique qui frappe plus que partout ailleurs leur pays. Le sociologue hongrois Zoltán Pogatsa décrit ainsi l’ordre du jour anti-Roms du Jobbik : "Ils disent aux gens : regardez, nous souffrons à cause de la crise et eux ils profitent des aides sociales accordées par l’Etat. Pourtant, cet argent pourrait être dépensé d’une bien meilleure façon".

La police soupçonne certains membres de la Garde Hongroise, récemment déclarée hors-la-loi par la justice, d’avoir commis quelques-uns des nombreux assassinats de Roms. Les forces de l'ordre sont elles-mêmes mises en cause en raison de leur inaction. Le 23 février dernier, dans le village rom de Tatárszentgyörgy, peu après minuit, un inconnu a jeté des cocktails molotov sur une maison. Au moment où ses habitants ont tenté de s’enfuir, l’agresseur a tiré sur eux, tuant le père de famille et son fils âgé de quatre ans. Depuis novembre, cinq Roms ont été assassinés. Chaque semaine qui passe apporte son lot de nouvelles agressions commises contre des villages roms. La police a admis que ces attaques avaient été organisées par la Garde hongroise. La nouvelle eurodéputée du parti Jobbik, Krisztina Morvai, a quant à elle laissé entendre que les Roms s’entretuaient en Hongrie.

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Trois organisations indépendantes ont travaillé sur le rapport d’enquête concernant les meurtres de Tatárszentgyörgy. Dans un premier temps, la police a refusé d’enquêter sur ces assassinats, en affirmant qu’il s’agissait seulement d'accidents. Le rapport suggère par ailleurs que la police aurait, au contraire, nui à l’enquête. Le racisme parmi les policiers a été confirmé par la direction de la police elle-même. Le chef de la police hongroise, József Bencz, a même récemment concédé que les criminels appartenaient peut-être à la police ou à l’armée, ce qui tendrait à expliquer le mode "professionnel" d’exécution de ces meurtres.

Les Roms n’ont jamais eu une vie facile en Hongrie où ils représentent aujourd’hui environ 10% de la population. Mais du fait d’un taux de natalité élevé, ils pourraient, selon les prévisions, atteindre 20% de la population d’ici 2050. Le parti Jobbik exploite abondamment ces chiffres. Ses représentants abordent ouvertement la possibilité d’un déplacement des Roms. Par ailleurs, une partie des Hongrois voit les Roms avant tout comme des criminels (on estime que près de la moitié des prisonniers hongrois sont d’origine rom). Et plus de la moitié de la population, tout en considérant que le Jobbik est un parti dangereux, souhaite un règlement du "problème" rom.

Le succès du Jobbik soulève des inquiétudes dans la Slovaquie voisine, que les représentants du Jobbik considèrent volontiers comme un appendice de la Hongrie leur appartenant historiquement de droit. Pour le Premier ministre hongrois Gordon Bajnai, la réussite des extrémistes aux élections européennes constitue un grand problème, en particulier dans son propre pays : avec le parti d’opposition de droite, le Fidesz, grand vainqueur des européennes, le Jobbik commence à demander avec insistance la tenue d’élections législatives anticipées.

ITALIE

Des milices qui rappellent les heures sombres du fascisme

Chemise brune, aigle impérial cousu sur la casquette et brassard noir avec le "soleil noir" cher aux SS. Tel est l'uniforme de la Garde nationale italienne (GNI), même si son fondateur, Gaetano Saya, se dit étonné des accusations d'apologie du fascisme, formulées par le Parquet de Milan. Selon Saya, la GNI, qui compterait 2 3000 inscrits, n'est pas une organisation paramilitaire, mais un corps d'auto-défence citoyen parfaitement en règle avec le récent décret du gouvernement qui autorise les citoyens à organiser des "rondes" dans leur quartier. "Nous sommes nationalistes", dit-il. "Je ne me sens pas fasciste. Et de toute façon le seul jugement que je crains, c'est celui de dieu. Les juges de gauche, je m'en fous", explique-t-il au Corriere della Sera, tout en citant le Duce.

Face au risque d'une prolifération incontrôlable des milices, le ministre de l'Intérieur, Roberto Maroni, défend la bonté de son décret et affirme que son parti, la Ligue du Nord, n'y renoncera pas.

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