La cure européenne est aussi bonne pour l'Amérique

Les mesures d'austérité prônées par les Européens sont sous le feu des critiques des économistes américains. Pour Melvyn Krauss, cette attitude trahit leur incompréhension de l'économie européenne et de ses modes de consommation. Et, à son sens, plutôt que de critiquer l'Europe, les Etats-Unis seraient bien inspirés d'adopter la même stratégie.

Publié le 13 juillet 2010 à 12:31

Avant même la tenue du sommet du G20 à Toronto les 26 et 27 juin derniers, le président américain, Barack Obama, avait mis en garde contre les dangers que représenterait un renforcement des politiques de rigueur en Europe alors que la reprise économique mondiale est encore fragile.

Le président Obama devrait se détendre et arrêter d’écouter ses conseillers partisans du néo-keynésianisme et peu familiers des rouages des économies européennes. Non seulement le plan d’austérité allemand de 80 milliards d’euros ne met pas en péril la reprise économique mondiale mais ce programme de réductions de dépenses et d’augmentation des impôts devrait même la soutenir en stimulant la demande intérieure de l’Allemagne.

Comme souvent, les économistes américains – même les plus distingués – se trompent sur l’Europe parce qu’ils croient que l’Amérique, c’est le monde et que le monde, c’est l’Amérique. Voilà ce que ne comprend pas le président américain sur le plan d’austérité allemand et la raison pour laquelle Barack Obama devrait embrasser la chancelière allemande, Angela Merkel, plutôt que de l’incriminer.

Les consommateurs européens se comportent comme les Américains

En réalité, les Allemands – et pas seulement les seniors – épargnent aujourd’hui une part relativement importante de leurs revenus parce qu’ils sont conscients du poids des déficits publics et redoutent une hausse de l’inflation. En Allemagne, l’augmentation de l’épargne privée est donc une conséquence de la faiblesse de l’épargne publique, et même des déficits. Si ces déficits publics diminuent, la consommation intérieure repartira à la hausse, ce qui correspond exactement aux attentes des critiques en matière de macro-économie. Alors où est le problème ?

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Les économistes américains comme Paul Krugman – réputé être le conseiller économique préféré de Barack Obama et qui a récemment fait une apparition à Berlin pour dénoncer le plan d’austérité d’Angela Merkel sur son propre territoire – ne croient pas en cette analyse. Ils pensent que tous les consommateurs se comportent comme les Américains.

C’est vrai, si vous donnez de l’argent aux consommateurs américains, ceux-ci s’empresseront de le dépenser sans s’inquiéter une seconde des conséquences à long terme de l’augmentation de la dette publique qui a permis de leur donner cet argent. Les consommateurs allemands (et néerlandais), en revanche, se soucient des effets à long terme de ces politiques et adaptent leur épargne en conséquence. Ils sont également plus attachés à une "culture de la stabilité" que les Américains. Les conséquences des politiques de rigueur (ou de relance) peuvent donc être très différentes en Europe du Nord et aux Etats-Unis.

Le "modèle unique" d'analyse n'est pas adapté aux problèmes européens

Le "modèle unique" d’analyse utilisé par bon nombre d’économistes américains n’est tout simplement pas adapté aux problèmes européens. Derrière le plan de rigueur allemand se cache également l’importante question du leadership économique. Angela Merkel est en baisse dans les sondages parce qu’elle a perdu l’initiative en Europe face au plan de sauvetage de la France.

Pour reprendre la main, l’Allemagne doit inciter les pays du sud de l’Europe comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Italie à réduire leurs déficits et de manière considérable. Pour être crédible, il faut toutefois donner l’exemple. Comment l’Allemagne et les Pays-Bas pourraient-ils exiger d’Etats plus pauvres qu’ils prennent des mesures d’économie drastiques s’ils ne le faisaient pas eux-mêmes ?

Washington devrait comprendre cela. Barack Obama n’a pas intérêt à voir les problèmes d’endettement des Etats européens s’exporter aux Etats-Unis. Ces derniers et leurs banques sont aussi vulnérables à ce risque de contagion que n’importe quelle autre région du monde, peut-être même davantage. Avant d’appeler les dirigeants européens à ralentir leur politique de rigueur, le président américain devrait au moins tourner sept fois sa langue dans sa bouche.

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