Data vers le brexit | accords commerciaux

La “Global Britain” peine à décoller

Les quelques accords commerciaux conclus pour l’instant par le gouvernement britannique avec des pays hors-UE ne compenseront qu’à la marge la perte du marché européen entraînée par la sortie de l’Union.

Publié le 20 novembre 2020 à 12:01

A en croire les Conservateurs au pouvoir à Londres, un des avantages supposés du Brexit est de pouvoir reconstruire un Royaume-Uni plus ouvert sur le monde, grâce à la conclusion de nouveaux accords de libre échange avec tout un tas de pays hors de l’Union européenne. A quelques semaines de la date fatidique – la période de transition après laquelle la sortie du Royaume-Uni sera effective prend fin au 31 décembre – et alors que la signature d’un accord entre Londres et Bruxelles semble s’éloigner peu à peu, force est cependant de constater que les rêves de “Global Britain” formulés par Boris Johnson sont loin de se concrétiser. Les quelques accords conclus pour l’instant par le gouvernement britannique ne compenseront qu’à la marge la perte du marché européen. 

Londres a fait grand bruit de son premier accord de libre-échange d’envergure signé avec le Japon à la fin octobre, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2021. “Le Japon avait toujours déclaré qu’il faudrait un accord entre Bruxelles et Londres pour qu’il accepte de continuer à commercer avec les britanniques. Du point de vue politique, c’est donc une belle victoire pour le gouvernement britannique”, admet Catherine Mathieu, économiste à l’OFCE. Mais du point de vue économique, cet accord reproduit avant tout les conditions auxquelles le Royaume-Uni pouvait déjà commercer avec le Japon en étant dans l’Union européenne. “Il ne va guère au-delà, assure Catherine Mathieu, mais pourrait à plus long terme faciliter la participation du Royaume-Uni à l’accord de partenariat transpacifique.

Pour le reste, le Royaume-Uni a pour l’instant signé 22 accords commerciaux avec une cinquantaine de pays dont la Suisse, le Chili ou la Corée du Sud, mais qui ne représentent au total que 7,8 % de ses exportations de biens en 2019, note le Crédit Agricole dans une récente note. Des discussions sont en cours pour en établir avec 16 pays supplémentaires, dont le Canada, le Mexique ou la Turquie, mais qui ne représentent également qu’un faible pourcentage des exportations britanniques (6,8 %) en comparaison du poids de l’Union européenne (46 %). 

S’agissant des Etats-Unis, principal partenaire commercial des Britanniques après l’Union européenne, ils ont signé avec Londres un accord dit de “reconnaissance mutuelle”, tout comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cela revient, pour les deux signataires, à reconnaitre la conformité avec ses propres standards d’un certain nombre de produits du pays partenaire pour s’affranchir ensuite des batteries de contrôles ou tests qui seraient autrement nécessaires lors du passage des frontières. Encore une fois sur ce point, Londres ne fait que répliquer dans les grandes lignes l’accord de reconnaissance mutuelle qui lit déjà l’Union européenne et les Etats-Unis.

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“Il porte seulement sur quatre ou cinq types de biens, dont les équipements en télécommunication et les produits pharmaceutiques”, explique Catherine Mathieu. L’objectif ? Eviter que du jour au lendemain, à compter du 1er janvier, tous ces produits ne perdent brutalement leur certification pour entrer et sortir du Royaume-Uni. Longtemps nourri par Boris Johnson, l’espoir de franchir un cap supplémentaire et de conclure un accord de libre échange avec les américains s’est pour l’instant éteint en raison de la volonté de Donald Trump d’y intégrer un accès privilégié au marché alimentaire et au service de santé britannique. Quand bien-même des discussions reprendraient à ce sujet, le Royaume-Uni n’est pas en position de force. 

En répliquant tous les accords auxquels son appartenance à l’Union européenne lui donnait accès de plein droit, Londres limite donc la casse, mais ne s’ouvre pas de nouvelles perspectives commerciales qui pourraient concrétiser le rêve nourri par les conservateurs d’un Royaume-Uni mondialisé. A se concentrer sur ces accords commerciaux au détriment de la signature d’un deal avec Bruxelles, le Royaume-Uni fait un pari risqué.

Car, souligne le département d’analyse économique du Crédit Agricole, “il est très peu probable que le Royaume-Uni soit en mesure de compenser la perte d’avantage découlant de l’adhésion à l’UE par des accords commerciaux avec d’autres pays”. Boris Johnson, dont le mantra est désormais de réaliser le Brexit avec ou sans accord avec l’Union européenne, semble sous-estimer les avantages que son pays a tiré du marché unique qui, comme l’expliquait l’économiste Vincent Vicard au début des négociations, “crée trois fois plus de commerce entre pays membres que ne le ferait un accord commercial classique”.

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