Affiche du festival indien "India Now", à Londres.

Le multiculturalisme à nouveau contesté

Quelques mois après les déclarations d’Angela Merkel sur "l’échec total" du modèle allemand de société multiculturelle, David Cameron fait le même constat pour son pays et relance le débat sur l’identité nationale.

Publié le 7 février 2011 à 16:29
Piecesofwhat  | Affiche du festival indien "India Now", à Londres.

"Suivant la doctrine du multiculturalisme d’Etat, nous avons encouragé différentes cultures à vivre séparément, à l’écart les unes des autres et de la société dans son ensemble, a déclaré David Cameron lors de la conférence internationale sur la sécurité à Munich. Nous n’avons pas réussi à leur offrir la vision d’une société à laquelle ils voudraient adhérer". Cette doctrine a poussé "certains à fermer les yeux sur les monstruosités du mariage forcé" et est également à l’origine d’un mouvement de radicalisation, terreau du terrorisme.

Le Royaume-Uni doit adopter une politique de "libéralisme musclé" afin de promouvoir les valeurs d’égalité, l’Etat de droit et la liberté d’expression dans toute la société. Le Premier ministre britannique a mis en garde les associations musulmanes, déclarant que toutes leurs subventions leurs seraient retirées si elles ne soutenaient pas les droits des femmes ou l’intégration. Tous les immigrés vivant au Royaume-Uni doivent parler anglais et les professeurs des écoles devront enseigner la culture commune du pays.

Le relativisme moral sonne le glas de toute une civilisation

Ce discours a immédiatement provoqué un tollé de la part de l’opposition et des associations musulmanes qui dénoncent un raisonnement "simpliste". De nombreux critiques regrettent que cette intervention ait eu lieu le jour même où 3000 militants d’extrême droite participaient au plus grand rassemblement organisé par l’English Defense League à Luton, non loin de Londres. "Si (David Cameron) commence à nous soutenir, c’est très bien", déclarait un manifestant à unjournaliste du Guardian.

Applaudissant le Premier ministre, le Times affirme que le credo multiculturel de la "tolérance" n’est plus une réponse suffisante à l’époque agitée dans laquelle nous vivons. "(Ce concept) a été exploité par les extrémistes et ce bric-à-brac d’identité à la dérive et de religiosité pervertie a donné naissance aux attentats du 7 juillet, à la fureur djihadiste et au culte du martyr terroriste. Comme le disait Edmund Burke (philosophe du XVIIIe siècle), 'la seule condition au triomphe du mal, c’est l’inaction des gens de bien', et la plupart des Britanniques l’admettent aujourd’hui."

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"Le multiculturalisme s’inscrit dans un mouvement européen plus vaste de relativisme moral, une doctrine devenue fondamentale après l’Holocauste", renchérit Jonathan Sacks dans les pages du quotidien londonien. On a déclaré que toute opinion sur une question morale était le signe d’une 'personnalité autoritaire'. Le jugement moral était considéré comme le premier pas sur la voie du fanatisme. Mais le relativisme moral sonne le glas de toute une civilisation".

Une vision matérialiste loin de toute idée nationale

"En s’exprimant à Munich, (David Cameron) s’est rallié aux côtés de la terrible Angela Merkel, fulmine Yasmin Alibhai-Brown dans The Independent, tout en soulignant combien il était "scandaleux" d’aborder un problème domestique depuis une conférence internationale sur la sécurité. "Je comprends que nos concitoyens en aient assez de ces musulmans britanniques qui ont toujours quelque chose à réclamer, sont plein de colère ou choisissent la ghettoïsation. Ce sont toutefois les politiques de ce gouvernement (autrement dit les mesures d’austérité) qui alimentent la colère des Britanniques. Les musulmans et les immigrés ne servent qu’à distraire l’attention des gens loin du chaos organisé par cette coalition impopulaire".

Dans le Guardian,Madeleine Bunting va plus loin. "Le discours de Cameron dénote une nostalgie d’une identité collective forte et de valeurs partagées. Mais après des décennies d’individualisme et de mondialisation, toutes les formes d’identité collectives ont été affaiblies ou oubliées. Bon nombre des institutions qui exprimaient et inculquaient une sorte d’idée nationale sont sur le déclin, qu’il s’agisse des partis politiques, des syndicats ou des églises chrétiennes. Le réseau institutionnel par lequel nous exprimions des valeurs a été remplacé au profit de la liberté individuelle. La 'vision d’une société' que Cameron juge nécessaire est en réalité partout omniprésente, déclinée 7 jours sur 7 en un million de versions de consommateurs capitalistes, et elle promeut le matérialisme."

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