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Un site éolien d'EDP à Cadafaz, dans le nord du Portugal.

Le Portugal, un modèle à suivre

Las d’importer des combustibles fossiles toujours plus chers, le pays s’est tourné avec succès vers les énergies renouvelables. Un volontarisme payant, qui devrait inspirer ses voisins européens.

Publié le 20 août 2010 à 14:47
A. Oliveira/EDP  | Un site éolien d'EDP à Cadafaz, dans le nord du Portugal.

Il y a cinq ans, les dirigeants de ce pays écrasé de soleil et battu par les vents ont fait un pari : pour réduire la dépendance du Portugal à l'égard des énergies fossiles importées, ils ont lancé toute une série d'ambitieux projets autour des énergies renouvelables. Près de 45 % de l'électricité du réseau portugais sera cette année produite par des sources renouvelables, soit 17 % de plus qu'il y a cinq ans seulement. Sur la même période, l'énergie éolienne terrestre, classée cette année “potentiellement compétitive” face aux combustibles fossiles par l'Agence internationale de l'énergie a vu ses capacités multipliées par sept. Et le Portugal devrait en 2011 devenir le premier pays à inaugurer un réseau national de stations de recharge pour véhicules électriques.

L'expérience portugaise fait ainsi la preuve que des progrès rapides sont possibles, mais elle vient aussi préciser le coût de pareille transition. Depuis longtemps, les ménages au Portugal paient l'électricité environ deux fois plus cher que les Américains, et les prix ont augmenté de 15 % au cours des cinq dernières années. Les politiques volontaristes en faveur des énergies renouvelables portent leurs fruits au Portugal et dans d'autres pays, comme en témoigne un rapport récent de l'IHS Emerging Energy Research de Cambridge (Massachussetts), un prestigieux cabinet de consultants spécialisé dans les énergies. A l'horizon 2025, prévoit le rapport, l'Irlande, le Danemark et la Grande-Bretagne tireront eux aussi au moins 40 % de leur électricité de sources renouvelables.

Les pays d'Europe ont tout intérêt à se tourner vers les énergies renouvelables. Beaucoup, à l'instar du Portugal, ont une production nationale de combustibles fossiles très limitée, et le système d'échange de quotas d'émissions de l'Union européenne décourage de toute façon leur utilisation, en imposant aux entreprises de payer pour leurs rejets polluants.

Transformation sans frais

Pour favoriser la transition énergétique portugaise, le gouvernement de José Sócrates a procédé à la restructuration et à la privatisation des services publics de l'énergie afin de mettre en place un réseau plus adapté aux sources d'énergie renouvelables. Pour attirer les entreprises privées sur ce nouveau marché au Portugal, les autorités leur ont proposé des contrats fixant un prix stable sur 15 ans avec une aide de l'Etat, variable selon la technologie concernée et qui, très élevée au départ, a diminué à chaque nouvelle négociation de contrat.

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Les responsables gouvernementaux assurent que la transformation du secteur énergétique n'a nécessité ni augmentations d'impôts ni emprunts publics, précisément parce que les nouvelles sources, qui n'ont pas besoin de combustible et ne polluent pas, sont venues se substituer à une électricité jusque-là produite à partir de gaz naturel, de charbon et de pétrole d'importation qu'il fallait acheter et qui rejetaient des émissions polluantes.

Exportateur net d’électricité

Avec ce pari, les Portugais ont fait de nécessité vertu. Avec un niveau de vie en amélioration constante et pas de production nationale de combustibles fossiles, le coûts des importations d'énergie avaient doublé au cours des dix dernières années et représentaient 50 % du déficit commercial portugais. Le Portugal est aujourd'hui en passe d'atteindre son objectif : utiliser des énergies renouvelables produites sur place, dont l'hydroélectricité à grande échelle, pour satisfaire 60 % de ses besoins en électricité et 31 % de ses besoins énergétiques totaux d'ici à 2020. Les coûts de production d'électricité et les tarifs pour les particuliers y sont dans la moyenne européenne, mais toujours supérieurs à ceux constatés en Chine ou aux Etats-Unis.

M. Fujino, de l'Agence internationale de l'énergie, juge les prévisions du Portugal sans doute optimistes. Cependant, il souligne que la transition opérée par ce pays a également créé un nouveau secteur de grande valeur : l'année dernière, pour la première fois, le pays est devenu un exportateur net d'électricité, avec de modestes ventes à l'Espagne. Le secteur emploie des dizaines de milliers de Portugais. Energias de Portugal, le numéro un du secteur dans le pays, possède des parcs éoliens en Iowa et au Texas par le biais de sa filiale américaine Horizon Wind Energy.

Système souple

Cependant, recourir à une électricité issue des forces imprévisibles de la nature exige de nouvelles technologies et une adresse de jongleur. En effet, un parc éolien peut produire 200 mégawatts de l'heure à un moment donné, pour ne plus en fournir que cinq quelques heures plus tard ; dans la plupart des endroits, le soleil ne brille que par intermittence ; quant à l'énergie hydraulique, elle est abondante durant les hivers pluvieux, mais souvent limitée l'été.

Le Danemark, autre pays très dépendant de l'énergie éolienne, importe souvent de l'électricité venue du voisin norvégien, riche en sources d'énergie, lorsque le vent faiblit. En comparaison, le réseau portugais est relativement isolé, même si son gestionnaire Redes Energéticas Nacionais a considérablement augmenté ses liens avec l'Espagne pour permettre des échanges.

Le réseau de distribution portugais fonctionne désormais dans les deux sens. Au lieu de simplement distribuer l'électricité au consommateur, il exploite aussi l'énergie produite même par de très petits générateurs, comme les panneaux solaires installés sur les toits. L'Etat encourage fortement ces contributions en tarifant à un prix plus avantageux les distributeurs qui achètent l’électricité produite de cette façon. Cependant, pour garantir une offre stable même quand la nature est au ralenti, le système doit conserver une production à base de combustibles fossiles mobilisable instantanément.

Oppositions

Aux yeux des experts, l'expérience portugaise est un succès. Mais elle ne fait pas que des heureux. De nombreux écologistes s'opposent au projet de l'Etat de doubler la production éolienne au motif que les lumières et le bruit des turbines bouleversent le comportement des oiseaux. Des associations de défense de l'environnement redoutent que de nouveaux barrages ne détruisent des habitats de chênes-lièges au Portugal.

Par ailleurs, certaines entreprises locales déplorent que le gouvernement ait permis à de grosses multinationales de prendre leur place. Avant d'accueillir le plus gros parc éolien au sud de Lisbonne, Barão de São João était un village assoupi sur le littoral venteux de l'Alentejo, où des agriculteurs labouraient des collines ondoyantes et les vacanciers pouvaient acquérir une résidence secondaire sur des terrains bon marché dans un paysage idyllique. Puis l'énergie renouvelable est arrivée, et avec elle les tensions.

Les sociétés et les ingénieurs portugais du secteur sont désormais des acteurs mondiaux. EDP Renováveis, cotée en bourse depuis 2008, est le numéro trois mondial de la production d'électricité éolienne. “Dans l'ensemble, l'Europe enregistre de belles réussites dans ce domaine, reconnaît M. Juech, analyste chez Garten Rothkopf. Mais elle le doit à un soutien et une intervention considérables des pouvoirs publics, ce qui est préoccupant en cas de crise économique ou de changement politique. Ces technologies seront-elles durables ?

Espagne, Allemagne

Le solaire victime de son succès

Jusqu’à la crise de 2008, "les gouvernements ont aidé à coups de subventions les entreprises qui investissaient dans les énergies renouvelables", écrit Il Post. A présent, explique le quotidien en ligne italien, "la crise et les prix élevés de l’énergie poussent les pays à réduire ces subventions, mettant de ce fait en difficulté ceux qui avaient investi dans le secteur. Et menaçant les plans de l’Union européenne, selon lesquels 20 % de l’énergie produite en 2020 devra être d’origine renouvelable, afin de respecter l’objectif de 20 % de réduction des gaz à effet de serre par rapport à 1990". En Espagne, note le Wall Street Journal, "le gouvernement a annoncé le 1er août une plan pour réduire de 45 % les subventions aux nouvelles centrales photovoltaïques" ; en Allemagne, poursuit le quotidien américain, pour faire face à l’explosion des installations solaires subventionnées – et de leur coût pour l’Etat - "le gouvernement a décidé au mois de juillet de réduire de 16 % les subventions".

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