Le Premier ministre David Cameron : “Suivez-moi !” “Non !”

Le vote britannique fragilise l’option militaire

La décision du Parlement de ne pas soutenir une action militaire contre Bachar El-Assad constitue un tournant dans la tradition britannique de résistance aux dictateurs et un désastre pour le peuple syrien. Maintenant, il revient aux Etats-Unis d'agir ou de mettre en péril sa crédibilité, avec la France comme seul allié européen.

Publié le 30 août 2013 à 14:30
Le Premier ministre David Cameron : “Suivez-moi !” “Non !”

Le Parlement s’est offert le luxe hier de débattre longuement sur la qualité des preuves de l’utilisation des armes chimiques et la légalité d’une intervention. Loin de moi l’idée de remettre en cause la pertinence de ce débat puisque qu’aucune intervention militaire ne doit être prise à la légère.
Cependant le résultat du vote fut catastrophique. Une catastrophe pour le Premier ministre qui avait présumé de ses troupes. Une catastrophe pour le pays qui en refusant de tenir tête à la tyrannie a rompu avec ses traditions. Une catastrophe pour l’alliance occidentale, malmenée par ce refus des Britannique de soutenir leurs alliés. Et surtout, une catastrophe pour le peuple syrien qui sait désormais que ses alliés se comptent sur les doigts d’une main.
[[Le seul (maigre) réconfort c’est ce que vote n’aura pas entamé la détermination occidentale]]. Et même si seuls quelques rares commentateurs sont prêts à le reconnaître, aucun vote au Parlement ne peut présager de l’avenir du régime du président Assad ni de la fin des souffrances du peuple syrien. Le seul gouvernement occidental à pouvoir jouer un rôle décisif dans cette crise c’est celui des Etats-Unis.

Question de crédibilité

Quand les Syriens ont commencé à se soulever contre Assad, on pouvait encore dire que les Etats-Unis n’avaient aucun intérêt stratégique à intervenir. Cette situation a changé quand M. Obama a comparé l’utilisation d’armes chimiques à une ligne rouge à ne pas franchir. Or cette ligne a été franchie à plusieurs reprises.
La première fois, Obama a invoqué les errements des services secrets en 2003 en Irak pour justifier la nécessité d’obtenir davantage d’éclaircissements et se donner plus de temps. Cet argument ne tient plus aujourd’hui et Obama en est conscient. Si les Etats-Unis ne réagissent pas au massacre de plus de 1 000 civils à la Ghouta la semaine dernière, sa crédibilité en tant qu’allié d’Israël, de la Turquie, de la Jordanie et d’autre acteurs majeurs de la région sera sérieusement entamée, et les Etats-Unis ne s’en remettront probablement pas. Idem pour sa capacité à dissuader d’autres régimes voyous d’utiliser ou d’acquérir des armes chimiques.
A Washington comme à Londres, l’opposition est plus occupée à refléter les inquiétudes de l’opinion publique qu’à présenter un front uni. John Boehner, chef file des Républicains à la Chambre des Représentants, a accusé Obama d’être mal entouré et exigé des explications détaillées en cas d’une éventuelle opération.
Cette attitude est moins surprenante en Amérique qu’en Grande-Bretagne, étant donné le lourd tribut payé par les Etats-Unis tant sur le plan humain que financier mais aussi en termes d’image de la présence militaire américaine en Asie centrale et au Moyen-Orient ces dernières d’années. En effet on comprendrait mal que l’opinion publique soutienne une intervention armée dans la région alors que leurs armées viennent juste de se dépêtrer d’Irak. Pourtant l’analogie avec l’Irak aussi juste soit-elle ne doit pas être un argument contre une intervention en Syrie.

Echec lamentable

Rappelons qu’au moment où les Etats-Unis et ses alliés ont envahi l’Irak, le recours de Saddam Hussein aux armes chimiques était déjà de l’histoire ancienne, en outre l’existence de ses réserves n’avait pas été démontrée. Le contraste avec la récente utilisation de gaz innervant en Syrie est d’autant plus frappant. [[Les preuves de la culpabilité du régime syrien dans l’attaque de la Ghouta ne font aucun doute]].
Ban Ki Moon, secrétaire général de l’ONU, a supplié Obama de laisser ses inspecteurs finir leur travail avant de prendre toute décision militaire. Non pas pour permettre aux inspecteurs de découvrir de nouvelles preuves permettant de définir les responsabilités de chacun, mais pour gagner du temps afin de "donner une chance à la paix". Il faut toujours donner une chance à la paix mais pour l’instant la voie diplomatique en Syrie a échoué lamentablement.
Des frappes militaires préventives afin de dissuader le régime d’Assad d’avoir à nouveau recours aux armes chimiques n’excluent pas la poursuite du processus diplomatique. Dans le meilleur des cas, ces frappes pourraient même contraindre Assad à négocier. Certes certains scénarios prévoient des représailles de l’Iran contre Israël, mais le pire en cette période troublée serait que l’Amérique prouve au reste du monde que ses avertissements ne valent rien.

Vu de Paris

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François Hollande : la France est “prête” à infliger une sanction au régime de Damas

Dans un entretien exclusif accordé au journal Le Monde, François Hollande revient sur les modalités d’une éventuelle intervention en Syrie au lendemain du refus du Parlement britannique de soutenir une action militaire du Royaume-Uni.
Le président français prend acte du vote des Communes et évoque la formation d’une coalition internationale "si le Conseil de sécurité est empêché d’agir" :

Elle aura le soutien des Européens. Mais il y a peu de pays qui ont les capacités d'infliger une sanction par des moyens appropriés. La France en fait partie. Elle y est prête. Elle décidera de sa position en étroite liaison avec ses alliés.
François Hollande insiste en particulier sur le fait que le but d’une intervention en Syrie n’est pas de renverser le régime de Bachar El-Assad :
Je ne suis pas favorable à une intervention internationale qui viserait à "libérer" la Syrie ou à renverser le dictateur, mais j'estime qu'un coup d'arrêt doit être porté à un régime qui commet l'irréparable sur sa population.

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