Lors de la présentation d'Alternative pour l’Allemagne, le 11 mars à Oberursel (Hesse)

Les anti-euro entrent en scène

Le parti Alternative pour l’Allemagne sera officiellement lancé le 14 avril. Son programme : faire sortir l’Allemagne de l’euro. Ses fondateurs n’ont pas de feuille de route bien définie et pourtant, il pourrait gêner Angela Merkel lors des élections de septembre prochain.

Publié le 12 avril 2013 à 11:44
Lors de la présentation d'Alternative pour l’Allemagne, le 11 mars à Oberursel (Hesse)

Alexander Gauland est un peu tendu à l’approche du congrès de dimanche 14 avril. Il donne rendez-vous dans l’un des restaurants les plus tranquilles du Regierungsviertel [quartier du gouvernement] de Berlin. Le voici […], avec ses cheveux poivre et sel et sa veste en tweed. Le battage autour de son nouveau parti commence à le mettre mal à l’aise.

Alexander Gauland, 72 ans, est le cofondateur d’Alternative pour l’Allemagne(AfD). Plus de 1 500 personnes se sont déjà inscrites pour participer au congrès, bien plus que ne peut en accueillir la salle réservée pour l’occasion à l’hôtel InterConti de Berlin. "Après tout, on ne sait jamais qui vient", justifie Alexander Gauland. Si d’autres se félicitent de ce succès, lui craint que trop d’hurluberlus ne prennent la parole.
A compter de ce dimanche 14 avril, tous les Allemands qui ne supportent plus d’entendre la formule fétiche d’Angela Merkel ("Il n’y a pas d’alternative") en tiendront peut-être enfin une, d’alternative. Si celle-ci prend pour cible le cartel des partis historiques et le pouvoir des banques, l’ennemi numéro un reste l’euro. On aimerait bien revenir au mark. Si AfD parvient à mettre un pied au Bundestag à l’automne, il s’y battra pour la dissolution de la monnaie européenne.

Un récent sondage montre que 26% des personnes interrogées se déclaraient prêtes à voter pour un parti anti-euro. Au début du mois d’avril, AfD comptait déjà 6 000 membres. Avec une telle ligne politique, le parti chasse aussi sur les plates-bandes des extrêmes et la direction du parti a déjà été amenée à exclure quelques sympathisants d’extrême-droite. Mais c’est surtout dans les rangs de la droite traditionnelle que braconne AfD. Sa cible : les électeurs déçus de la CDU [chrétiens-démocrates] et de la FDP [libéraux]. "C’est le genre de parti qui est dangereux pour nous", reconnaît le député CDU Klaus-Peter Willsch.

Une assemblée de crinières blanches

Alexander Gauland fait lui-même parti des déçus. Il a pris sa carte à la CDU il y a 50 ans. A l’époque, il était encore facile de faire de la politique, les choses étaient claires. La CDU défendait l’atome, le service militaire et la structure familiale traditionnelle, le mark était la monnaie la plus forte d’Europe. Aujourd’hui, tout a changé, et les conservateurs n’ont pas la partie facile. C’est lorsque Angela Merkel a fait passer la loi sur la transition énergétique à la va-vite qu’Alexander Gauland a commencé à avoir des doutes sur son parti. Lorsqu’elle a entrepris de sauver l’euro à coups de milliards, la limite était franchie pour lui. "L’euro ne fonctionne pas", assène-t-il. "Cette monnaie n’unit pas le continent, elle le divise". Il y a quelques semaines, il a donc claqué la porte de la CDU en quête d’un nouveau havre de conservatisme.

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Comme lui, beaucoup de membres d’AfD sont des anciens de la CDU. A sa tête, on trouve beaucoup d’universitaires d’âge mûr. Après les soulèvements étudiants des années 1960, l’heure de la révolte des professeurs a donc sonné. L’âge moyen des sympathisants d’Alternative pour l’Allemagne n’est sans doute pas très éloigné de celui d’un conclave du Vatican.
L’antidote à cette prédominance de crinières blanches a 50 ans et se nomme Bernd Lucke. Ce professeur d’économie à l’allure juvénile [devrait] être élu à la tête du parti. Bernd Lucke expose ses points de vue de façon claire et compréhensible. Le ton, sans rien de professoral, est rafraîchissant.

Mais les profs peinent à s’imposer à la tête d’un mouvement qui se veut de masse. Bernd Lucke a déjà tenté sa chance aux élections législatives régionales en Basse-Saxe, où il a noué une alliance avec le groupe sans étiquette. Non content de présenter sa propre candidature, il a également proposé à chaque candidat du groupe d’organiser une conférence sur l’euro dans sa circonscription. Mais les militants n’avaient guère envie de cours magistraux.

Le consensus d’abord

D’autant que Bernd Lucke est bien en peine d’expliquer à quoi doit ressembler l’alternative à la ligne pro-euro d’Angela Merkel. L’Allemagne doit sortir de l’euro, ou les autres doivent en sortir, nous verrons ensuite. Bernd Lucke explique qu’il n’y a pas encore d’unanimité au sein du parti sur la voie exacte à suivre. Mais que toute décision doit faire l’objet d’un consensus. En d’autres termes : les pays que l’Allemagne veut pousser vers la sortie de l’euro doivent être d’accord. Mais pourquoi le seraient-ils, quand l’Allemagne s’empresse de mettre la main au portefeuille ? C’est justement là l’argument phare du parti, affirme Bernd Lucke. "Il n’y aura plus de transferts".
Quid du ressentiment que cela déclencherait vis-à-vis de l’Allemagne ? C’est naturellement un point sur lequel il conviendra d’être vigilant. "Il faut nous asseoir autour d’une table et expliquer aux autres que cela ne peut plus durer ainsi". Angela Merkel doit également s’entretenir avec François Hollande sur la question et lui demander cordialement de quitter l’euro. "Mais il ne faut pas t’énerver, François, tu promets ?" Autant exiger la suppression des hivers longs.

D’un autre côté, on n’a pas forcément besoin d’un projet réaliste pour mener un parti vers le succès. Même si les sondeurs doutent qu’Alternative pour l’Allemagne parvienne à franchir la barre des 5% [pour entrer au Parlement] aux législatives de septembre. "Economiquement parlant, l’Allemagne se porte toujours bien, ce qui réduit les chances des partis contestataires", analyse Richard Hilmer, de l’institut Infratest Dimap. Sans compter que la majorité de la population fait toujours confiance au gouvernement fédéral, malgré la crise de la zone euro. "Le grand point fort d’Angela Merkel, c’est la politique européenne". AfD pourrait toutefois constituer une menace pour la chancelière aux législatives si les alliances CDU/FDP et SPD/Les Verts finissaient au coude-à-coude.

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