Le Parthénon à Athènes (Dimitris Tsakanis)

L'UE face à un travail d'Hercule

Berlin et Bruxelles doutent de plus en plus que la Grèce soit en mesure de résorber sa dette sans aide extérieure. Si rien n'est fait, le pays pourrait faire banqueroute – ce qui aurait des conséquences imprévisibles pour la monnaie européenne.

Publié le 15 décembre 2009 à 16:06
Le Parthénon à Athènes (Dimitris Tsakanis)

Les marchés boursiers, les capitales de l'Union européenne, les ministres des finances, le grand centre financier allemand qu'est Francfort et même le Fonds monétaire international (FMI) à Washington deviennent nerveux. Une question les hante tous : que se passe-t-il lorsqu'un pays, qui plus est membre de l'Union monétaire européenne, fait faillite ? L'UE peut-elle se le permettre ? Une chose est sûre, l'Union ne peut pas exclure la Grèce de la zone euro et la laisser se débrouiller toute seule, même si Athènes a jadis usurpé son passage à la monnaie unique en truquant les chiffres des comptes de l'Etat.

Preuve du caractère alarmant de la situation, le FMI s'est emparé de la question. L'organisation internationale met sérieusement en doute le réalisme du déficit annoncé pour 2009, passé de 6 % à 12,7 % après révision, et redoute qu'il ne soit bien plus important. Si on lui appliquait les critères en vigueur pour les particuliers, la Grèce serait déjà considérée insolvable, même si elle n'a pas cessé le remboursement de sa dette. De fait, les agences gouvernementales et les ministères grecs ont dans le secteur privé de lourdes créances en souffrance, à hauteur de dix milliards d'euros. Si ces montants étaient pris en compte, le déficit grec se creuserait plus encore. Sans compter que l'UE a découvert qu'Athènes met en moyenne 165 jours à s'acquitter de ses factures, et que ce délai continue lui aussi de s'allonger. Au sein même de l'UE, on ne se fie guère aux promesses des Grecs. Trop souvent déjà, ils se sont engagés à mettre en œuvre des améliorations. A Berlin et Bruxelles toutefois, les acteurs politiques se demandent de plus en plus sérieusement comment aider efficacement la Grèce.

L'Union prendra des mesures, cela ne fait guère de doute : il s'agit après tout de l'avenir de l'euro, voire de l'avenir de l'Europe elle-même. Si Bruxelles laisse un Etat membre faire faillite, une réaction en chaîne pourrait s'enclencher.

Peut-être l'Europe pourrait-elle se permettre de laisser un pays faire banqueroute et s'en sortir comme l'ont fait les Etats-Unis lorsque les caisses de la Californie étaient vides. Mais que se passerait-il si plusieurs Etats membres étaient touchés ? Cela entraînerait ce que les eurosceptiques redoutent depuis le départ : l'effondrement de la monnaie unique européenne. Et ça ne s'arrêterait pas là. Lorsque des obligations d'Etat, jusque-là considérées comme un investissement sûr, perdent toute valeur, ce sont les banques qui chancellent à nouveau – sauf que cette fois, il n'y aurait plus de gouvernement assez fort pour leur venir en aide.

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Angela Merkel ne veut pas que le FMI s'en mêle

Néanmoins, la seule faillite de la Grèce suffirait à rendre le tableau très sombre, tant au plan économique que politique. La République hellénique est d'ores et déjà secouée par des manifestations violentes, et des troubles politiques ne sont pas à écarter si le pays sombre dans le chaos financier. Que faire pour offrir un autre dénouement à cette tragédie grecque ? De nombreux chefs d'Etat et de gouvernement, dont Angela Merkel, aimeraient éviter que le FMI ne mette son nez dans la zone euro. Les Européens doivent résoudre leurs problèmes monétaires eux-mêmes, estiment-ils. Une aide extérieure ne ferait que saper la confiance dans l'euro. La chancelière allemande prêche ainsi pour la création à l'échelle européenne d'un instrument semblable à celui du FMI : dans ce cadre, l'argent ne serait débloqué qu'à des conditions sévères et multiples. Autant dire que la souveraineté nationale s'en trouverait sensiblement limitée. Par exemple, les Grecs devraient accepter un inspecteur au budget, ou bien être contraints d'augmenter les impôts afin d'obtenir des recettes supplémentaires d'où serait tiré un montant [de remboursement ?] fixé à l'avance.

Reste que nul ne sait si ce mécanisme serait efficace, ni même s'il n'est pas déjà trop tard. La Grèce est endettée jusqu'au cou, non seulement envers les porteurs d'obligations d'Etat, mais aussi et surtout envers des sociétés étrangères. Il s'agit essentiellement de dépenses dans le secteur de la défense, mais les entreprises de ce secteur ne sont pas les seules à avoir du mal à se faire payer par les Grecs. Les dettes d'Athènes en matière de santé sont colossales. Il y a quelques semaines, la fédération européenne de l'industrie pharmaceutique a informé ses membres des arriérés considérables des agences gouvernementales grecques. Selon ce groupement, la facture impayée de la Grèce s'élevait fin 2008 à 2,7 milliards d'euros rien que pour les médicaments et traitements médicaux. “Nous sommes totalement à la merci des Grecs, résume un représentant du secteur pharmaceutique à Berlin, car nous ne pouvons pas simplement annuler les livraisons. Des vies en dépendent. Pour les voitures, vous pouvez dire 'pas de paiement, pas de livraison'. Dans notre secteur, ce n'est pas possible.

Programme

Une pluie de mesures

"Bruxelles voulait des mesures audacieuses, Georges Papandréou s’est exécuté", constate To Vima. "Dans un discours aux partenaires sociaux, le 14 décembre, le Premier ministre grec a annoncé 80 mesures pour assainir l’économie du pays et éloigner le risque de faillite. Son ambition est, d’ici à 2013, de faire passer le déficit de 12,7 à 3% du PIB. Pour cela, il compte employer les grands moyens : gel des salaires, frein sur les embauches et mise en place d’une unité de police spéciale pour traquer la fraude fiscale et la corruption, les deux grands fléaux du pays." Mais "après le vent de panique déclenché par les marchés internationaux, les pressions ne sont pas terminées", prévient le quotidien athénien. "Des contrôleurs du FMI sont arrivés à Athènes en début de semaine, ainsi qu’une équipe de l’agence de notation Moody’s. La pression la plus importante viendra certainement de l’opposition et de l’opinion publique. Georges Papandréou réunit aujourd’hui les principaux partis politiques autour du président de la République pour parler d'économie, mais les dissidences se font déjà entendre. La contestation devrait s’étendre à la rue avec la grève générale prévue le 17 décembre, dont la mobilisation s’annonce importante."

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