Vert, blanc, orange... et sans frontière. Montage: Presseurop, Image Makers

L’unification est inévitable à terme

Relancée par le Sinn Féin, l’idée de l’unité irlandaise ne paraît plus si irréaliste après quinze ans de processus de paix. Même les unionistes devraient s’y rallier, pour des raisons économiques, assure le chroniqueur du Guardian Seumas Milne.

Publié le 12 mars 2010 à 16:49
Vert, blanc, orange... et sans frontière. Montage: Presseurop, Image Makers

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le Sinn Féin revient aujourd’hui si vigoureusement sur la question de l’unité irlandaise. Le dernier accord sur la dévolution des pouvoirs de police et de justice de Westminster à Belfast [approuvé le 9 mars par l’Assemblée nord-irlandaise] vient sceller un processus de quinze ans, qui a vu les responsables républicains accéder au cœur de la structure du pouvoir en Irlande du Nord. Ces derniers ont mis en place des réformes ambitieuses, obtenu le retrait des troupes britanniques et réalisé d’autres avancées autrefois impensables dans les domaines des droits civiques et de l’égalité.

Mais, pour beaucoup de partisans du Sinn Féin, l’objectif central du républicanisme irlandais – la fin de la domination britannique sur le Nord et la réunification de l’île – semble toujours hors de portée. Cela alimente la campagne des dissidents républicains armés, aussi marginaux soient-ils condamnés à rester politiquement.

Une situation idéale pour la réunification et l'indépendance

Comme l’a déclaré un dirigeant du Sinn Féin lors d’une conférence sur l’unité irlandaise qui s’est tenu à Londres le mois dernier, l’Accord du vendredi saint [l’accord de paix du 10 avril 1998, qui a mis fin à trente années de “Troubles”] était un "arrangement, pas un règlement”, et "la cause sous-jacente du conflit persiste".

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Dans le même temps, les unionistes se sont saisis de l’effondrement du "*t*igre celtique" [la république d’Irlande, au sud] pour tourner en dérision toute velléité d’unification irlandaise. Pourquoi, demandent-ils, les gens du Nord voudraient-ils s’enchaîner aux irrécupérables du Sud ? Pourquoi le Sud prendrait-il à sa charge les subventions jusqu’à versées par les contribuables britanniques au Nord désindustrialisé ? Or, comme le souligne Michael Burke, un économiste de la City, jamais la situation n’a été plus favorable à la réunification et à l’indépendance.

La dépendance vis-à-vis de Londres et le contrôle britannique ont été désastreux pour l’économie du Nord. A l’époque de la partition, en 1921, le niveau de vie y était comparable à celui de la Grande-Bretagne, et nettement supérieur à celui du Sud. Aujourd’hui, il se situe très au-dessous de la moyenne britannique, et il est considérablement inférieur à celui du Sud. Même après l’éclatement de la bulle spéculative, l’Eire affichait encore à la fin de l’an dernier un revenu hebdomadaire moyen par habitant de 593 euros, contre 398 pour le Nord et 442 pour la Grande-Bretagne. L’Irlande serait bien assez riche pour financer un système de santé national, rappelle Burke, si seulement les responsables politiques pouvaient se faire à l’idée que leurs amis aussi doivent payer des impôts.

Une unité pour l'intérêt socio-économique de tous

La conférence de Londres sur l’unité irlandaise a évidemment abordé à plusieurs reprises la question du caractère dysfonctionnel de la partition et de la tendance démographique favorable à la majorité nationaliste au Nord. Mais on a tout autant évoqué les appels insistants du Sinn Féin à une "réconciliation entre l’Orange [les unionistes] *et le Ver*t [les nationalistes]” et le besoin de convaincre les unionistes que l’unité irlandaise est dans leur propre intérêt socio-économique. Alors que le processus de paix a plus de dix ans, il reste saisissant d’entendre le Sinn Féin marteler que l’ordre d’Orange, fléau des catholiques et des nationalistes du Nord pendant des décennies, fait "partie de ce que nous sommes en tant que peuple”.

Dans l’économie mondialisée du XXIe siècle, l’unité irlandaise revêtira sans aucun doute un sens différent de celui qu’elle avait au plus fort des Troubles, il y a une génération de cela. La conviction exprimée par les participants du Sinn Féin et du SDLP [parti catholique modéré] lors de la conférence, selon laquelle la réunification irlandaise est inévitable, est juste. La question cruciale, vue de l’autre rive de la mer d’Irlande, est de savoir si la Grande-Bretagne contribuera à ce processus ou si elle s’emploiera à l’empêcher.

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