Dans une rue de Zagreb, Croatie.

Ni dedans, ni dehors

"Panier de crabes", "poudrière sud-orientale", "berceau de l’Europe" ou "héritiers de Byzance"…L’identité des Balkans est si composite que l'UE a du mal à les cerner et trouver la bonne attitude pour dialoguer avec les pays qui les composent.

Publié le 30 septembre 2010 à 14:35
Dans une rue de Zagreb, Croatie.

L'un des stéréotypes de la politique européenne, c’est le portrait "noir" des Balkans : la "poudrière" du sud-est, une collection sombre de nationalismes irréconciliables, d’intolérance et de violence ; le Kosovo, l’atrophie économique, le fondamentalisme, etc. Tous les vices de la pré-modernité, du totalitarisme, du non-européanisme semblent se faire concurrence pour définir un territoire souffreteux, poussant insidieusement dans les côtes de la civilisation occidentale. Il est difficile de dire, du point de vue des pays développés, ce qui est plus coûteux : faire l'effort d'intégrer économiquement une région arriérée, évitant ainsi les risques d’une régression, ou abandonner la région, mais être contraints à de larges dépenses militaires, pour résoudre les crises découlant de cet abandon.

Indisposés par un tel portrait, certains pays des Balkans tentent de se défaire de leur localisation géographique : la Croatie et la Slovénie tentent de "migrer" vers une appartenance centre-européenne. La Roumanie, située au nord du Danube, se comporte parfois, avec peut-être un certain degré de justification, en "arbitre" de la zone, tout en se plaçant en dehors de cette dernière.

L'agneau sacrifié de l'ingrate civilisation occidentale

D'autres Etats, qui ne peuvent invoquer d'argument un tant soit peu valable en faveur de leur non-balkanité, cherchent à se sauver en construisant une sorte d'utopie du "miracle" balkanique. Au portrait sombre est ainsi substituée une image euphorique: les Balkans sont le berceau de l'Europe (et la source de son nom, inventé par les Grecs), les Balkans sont le sel et le poivre du continent, son vivier d'authenticité et de tradition. La Grèce antique et Byzance sont invoqués en tant que repères qui les définit.

Aux grandes vertus fondatrices sont ajoutées les connotations du martyre. Les Balkans sont la victime de la politique occidentale, l'agneau sacrifié de l'ingrate civilisation occidentale. La fierté d'être balkanique ne résout cependant guère les tensions chroniques qui traversent profondément la région. Chaque pays des Balkans se considère comme le "véritable" centre des Balkans.

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Ainsi est engendrée une féroce lutte pour le leadership, un délire de la vanité identitaire, oscillant entre pathétique et dérisoire. A tout cela s'ajoute, pour compliquer les choses, l'image que se fait l'Union Européenne des Balkans. Elle voudrait être bienveillante, équitable, "politiquement correcte", mais se cantonne souvent à une analyse strictement quantitative, aux préjugés et au didactisme.

Bruxelles n'a ni le temps de comprendre ni la patience d'écouter

Bruxelles n'a ni le temps de comprendre, ni la patience d'écouter. Elle verse soit dans l'excès paternaliste ("nous savons mieux que vous ce qui est bien pour vous"), soit dans l'amabilité déférente, contreproductive ("nous ne voulons pas vous faire la leçon, nous n'avons pas le droit de vous imposer quoi que ce soit"). La première version irrite l'orgueil local, la seconde encourage la suffisance stérile. On en déduit qu'il est aussi difficile d'aider que d'accepter de se faire aider.

Le "noyau" européen ne parvient pas encore à remplacer le cliché sur les Balkans, la charge péjorative d'une dénomination géographique, par une somme de connaissances approfondies sur la région. Si nous voulons "sauver" cette zone juste pour nous protéger contre d'éventuelles complications "frontalières", nous ne saurons jamais ce nous sauvons réellement. La question serait donc : pourquoi les pays de la région méritent-ils d'être sauvés, quelles valeurs européennes seraient perdues par l'échec d'une politique balkanique arbitraire ? Sans cette perspective, les Balkans demeureront, un enfer pavé des mauvaises intentions des grandes puissances.

Bosnie-Herzégovine

Nasa Stranka, un parti qui prône un Etat multiethnique

En vue des élections législatives du 3 octobre, trois intellectuels de Sarajevo, Danis Tanovic - oscarisé pour son film No Man's Land en 2001 - Dino Mustafic, metteur en scène de théâtre et Pedja Kojovic, ex-caméraman de l'agence Reuters, vont présenter leur propre parti politique, raconte Le Monde. Fondé en 2008, Nasa Stranka ("Notre parti") prône une Bosnie multi-ethnique. Dans la République serbe, le parti a formé "une coalition avec le seul mouvement serbe antinationaliste, le Nouveau Parti socialiste (NSP) de Zdravko Krsmanovic, le maire de Foca". S'il ne "présentera aucun candidat à la présidentielle, Nasa Stranka espère bien entrer dans les trois Parlements (celui de Bosnie-Herzégovine et ceux des deux "entités" serbe et croate) ainsi que dans les conseils cantonaux." " Dans un pays où les citoyens sont désespérés et les électeurs abstentionnistes(..) Nasa Stranka espère un miracle, un sursaut" conclut Le Monde.

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