Même si le Brexit est devenu un enjeu de second plan dans la dernière ligne droite de la campagne des législatives, nous devons nous souvenir du fait que Theresa May avait convoqué ce scrutin anticipé au nom d’un "Brexit stable". Autrement dit, un Brexit à tout prix. Un Brexit dur. Un Brexit sans concessions.
Mais est-ce vraiment ce que voulaient les Britanniques en s’exprimant dans les urnes le 23 juin 2016 ? Une chose est indéniable : les sujets de la reine ont décidé de la sortie du Royaume-Uni de l’UE et il faut respecter ce choix. Les deux principaux partis en ont d’ailleurs pris acte. Mais le diable se niche dans les détails.
Les citoyens du Royaume-Uni avaient-ils voté contre le marché unique européen ? Contre le droit des ressortissants communautaires, dont une partie exerce les métiers les plus ingrats en rendant ainsi service à la société, de travailler dans leur pays ? Contre le droit des seniors britanniques de prendre leur retraite sous le soleil d’Espagne ? Contre la lutte anti-terroriste commune ? Contre la charte des droits fondamentaux ?
Je pense que la correction infligée à Theresa May lors des législatives répond à ces questions. Les Britanniques voulaient se libérer du carcan de la bureaucratie bruxelloise. Ils avaient certainement des doutes sur la rationalité des dépenses de l’UE. La libre circulation des personnes leur faisait peut-être peur. Mais leur vote d’hier montre que le peuple britannique reste profondément ancré en Europe.
Les partisans du Bremain ont majoritairement voté pour le Parti travailliste (gauche). A tort ou à raison, son leader Jeremy Corbyn est apparu comme le candidat pro-européen. Les électeurs savent qu’il se battra pour un divorce en douceur. La Première ministre voulait une majorité claire au Parlement pour les négociations avec l’UE, estimant que la gauche et les Ecossais lui mettaient des bâtons dans les roues. Au final, de nombreux électeurs de droite ont profité du scrutin pour virer dans le camp pro-européen du Parti travailliste.
Les tories incarnent donc le camp du hard Brexit (même si May avait fait campagne pour le Bremain), balayant le UKIP anti-européen (dont le résultat a été divisé par sept en deux ans), les travaillistes celui du soft Brexit, voire du Bremain. En somme, la Première ministre voulait une clarification, elle en a obtenu une autre.
Dessin de Władysław Bibrowski: Saloperie ! C’est bien trop étroit !