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Protéger l’environnement grâce aux mouches, aux vers et à la Théorie de l’évolution

Saviez-vous que la mouche partageait 60% de son ascendance génétique avec l’Homme ? Cette surprenante information peut avoir un impact significatif sur la protection de la santé et de l'environnement, mais en premier temps, "il nous faut remplacer tout un théâtre d'idées et de pratiques, à commencer par la façon dont nous considérons et utilisons les animaux dans la science pour comprendre la toxicologie", explique Professeur John Colbourne, de l'Université de Birmingham.

Publié le 26 octobre 2021 à 12:13

Alors que l'humanité est confrontée à une pandémie, la pollution reste responsable de plus d'un décès prématuré sur dix dans le monde chaque année, et les évaluateurs des risques peinent à trouver une sortie à cette crise de santé environnementale.

L'évaluation de la sécurité des produits chimiques repose principalement sur des tests sur les mammifères. C’est un processus coûteux, long et douloureux. Dans l'Union européenne (UE), depuis l'entrée en vigueur du Règlement REACH - le principal instrument juridique pour évaluer et gérer les produits chimiques - le coût de l'enregistrement de 22 683 substances jusqu’à présent s'élève à environ 2,1 milliards d'euros, auxquels s'ajoute la mort de millions d'animaux, et plusieurs années par produit chimique pour compléter l'ensemble de la procédure d'évaluation. La production et la consommation de substances chimiques devraient doubler d'ici 2030, et il existe un risque que les tests suivent la même courbe.

Il est cependant démontré que les modèles mammifères ne s’avèrent pas suffisamment fiables pour extrapoler les risques pour la santé humaine. Selon l'Institut national de la santé aux États-Unis (US-NIH), dans le secteur pharmaceutique, 95% des médicaments testés efficacement sur les animaux échouent dans les essais sur les humains. Fait intéressant, la base génétique d'un remède pour la maladie d'Alzheimer a été trouvée il y a quelques années grâce à l’utilisation de ... mouches.

Il est aujourd’hui primordial de trouver des alternatives aux expériences sur les mammifères, qui soient plus rapides, moins coûteuses, plus éthiques et plus précises pour déterminer les risques pour la santé humaine et l'environnement. Et si la solution pour accélérer et améliorer ces tests résidait dans l'application des principes de la biologie évolutive et de la médecine ?

"Rien en biologie n'a de sens, excepté à la lumière de l'évolution", déclarait Theodosius Dobzhansky, figure centrale de l'Histoire de la biologie, en 1973.

Le séquençage du génome humain, contenant toutes les informations héritées codant la vie, a déclenché une révolution dans les soins de santé avec l'avancement de la médecine personnalisée. Il a permis le développement de "NAM", acronyme de "Non-Animal Methods" ou "New Approach Methodologies", telles que les cultures de cellules humaines, la modélisation de données informatiques, ou encore la technologie des organes sur puces, pour n'en nommer que quelques-unes.

Les études d'espèces éloignées, telles que les mouches ou les vers, ont mis au jour de nombreux aspects fondamentaux de la biologie animale, y compris sur la santé humaine ; les progrès de la génétique et de l'écologie évolutive peuvent désormais être récoltés pour comprendre l'impact des polluants sur la santé des humains et des écosystèmes.

Le Professeur John Colbourne, de l'Université de Birmingham, coordonne une équipe de 108 chercheurs dans le projet PrecisionTox financé par l'UE, pour rompre la fracture virtuelle entre médecine et toxicologie - y compris l'éco-toxicologie - et apporter une compréhension évolutive de la façon dont la biologie animale est modifiée suite à l'exposition à des substances nocives et ceux, sans expérimenter sur des mammifères.


Il est aujourd’hui primordial de trouver des alternatives aux expériences sur les mammifères, qui soient plus rapides, moins coûteuses, plus éthiques et plus précises pour déterminer les risques pour la santé humaine et l'environnement.


Le projet repose sur l’utilisation de lignées cellulaires humaines ainsi que d’une suite de cinq organismes représentatifs de l'ensemble de l'arbre du vivant, et qui partagent des gènes hérités d'un ancêtre commun avec les humains : vers ronds, mouches, puces d'eau et embryons de grenouilles et de poissons zèbres. L'utilisation de ces organismes dits « non-sensibles » est acceptée dans la liste des NAM, car ils ne sont pas considérés comme des animaux dans la législation.

Malgré leurs évidentes différences morphologiques, nombre des mécanismes qui régissent le développement ou les processus cellulaires et physiologiques sont conservés de par l'évolution entre ces organismes et les humains. Le ver rond, ou C.elegans, est un modèle utilisé depuis longtemps pour comprendre les effets des substances dangereuses sur la croissance, le développement ou l’expression des gènes. Bien que la divergence évolutive de l’'Homo sapiens et de la Drosophila melanogaster se soit produite il y a quelques 780 millions d'années, environ 75 % des gènes connus pour être responsables des maladies humaines ont un correspondant chez les mouches, ce qui en fait un modèle important pour l’étude des maladies neurologiques, les cancers ou même le diabète, entre autres.

Le consortium étudiera comment les gènes et les produits résultant de l'expression des gènes interagissent parmi ces différentes espèces exposées à des concentrations de substances correspondant à celles présentes dans l'environnement, afin d'identifier les mécanismes qui réagissent négativement à l'exposition chimique, à la lumière de l'arbre phylogénétique. Les données seront ensuite comparées à des lignées cellulaires humaines et à des bases de données pour confirmer les risques pour la santé humaine.

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Le rapide cycle de reproduction et la courte durée de vie de ces organismes assurent la génération de résultats exploitables en quelques mois, réduisant considérablement le temps et les coûts des expériences. Cette méthodologie permet en outre d'identifier les gènes responsables d'une plus grande résistance ou susceptibilité aux produits dangereux, pour une définition précise des limites d'exposition de sécurité, prenant en compte la variation génétique de la population, y compris le genre. Les 15 partenaires ont pour objectif de tester 250 composés durant les 5 années que dure le projet. Ces méthodes pourront être appliquées à tous les produits chimiques et à tous les animaux, y compris les humains, promettant ainsi de mieux identifier, réglementer et finalement éliminer les produits chimiques nocifs des foyers, de la nourriture et de l'environnement.

PrecisionTox s'est associé à ONTOX et Risk-Hunt3r, deux autres projets financés par l'UE, au sein du cluster ASPIS qui débutera le 4 novembre lors d'un événement public. Représentant 70 organisation de recherche à travers l'Europe et l'Amérique du Nord et 60 millions d'euros du programme H2020, ASPIS travaillera en étroite collaboration avec le Centre commun de recherche de l'UE en vue du développement et de la validation des NAM afin d'accélérer l'évaluation des produits chimiques sans l'utilisation de mammifère pour atteindre l’objectif d’un environnement avec "zéro pollution" d'ici 2050 comme promis dans le Green deal de l'UE. 


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