La première fois que j'ai quitté les Pays-Bas pour visiter l'Europe, j'avais environ huit ans. Mon père nous avait emmenés pour la journée en voiture dans la vallée de la Moselle en Allemagne. La deuxième fois, j'avais dix ans, nous avons passé quelques jours à la ferme dans le nord de la France. A quinze ans, j'ai fait une ballade en Belgique à vélomoteur. A seize ans, j'ai dormi sur la plage de Saint-Raphaël. A dix-sept ans j'ai essayé de séduire des filles (et j'y suis arrivé) dans un foyer de hippies sans abri dans le nord de Londres. A vingt ans, je me suis rendu sur la tombe de Kafka à Prague. Mais je ne suis jamais devenu européen.
Je ne comprends jamais ce que veulent dire les gens quand ils affirment être européens. L'Europe reste pour moi un concept géographique, un assemblage chaotique de bras de terre à l'ouest de l'Asie. Aux Etats-Unis, où les autorités sont obsédées par les questions raciales, l'inscription "Asian" (asiatique) figure sur les formulaires officiels : manifestement, cela ne signifie rien de plus que le fait qu'une personne est originaire de ce continent. Personne ne se met en tête de créer une Union asiatique.
Mais certains Européens ne veulent pas se contenter d'être simplement des habitants du continent auquel ils empruntent leur nom. Ces Européens croient à l'existence d'une culture européenne, dont la richesse s'épanouit pleinement quand les frontières entre les peuples de l'Europe sont supprimées. Ce sont ces Européens qui allaient un jour fonder l'Union européenne. Lire la suite de la version française sur le site du Monde...
Analyse
Une monnaie sans Etat
Nous avons "l’euro sans Europe", affirme en couverture Limes, dans son numéro consacré aux événements qui ont mis l’UE sous les feux de la rampe ces mois-ci : la crise grecque, les doutes de l’Allemagne, les coups de frein de l’intégration et de l’élargissement à l’est. Un aspect domine cependant les autres : la question de la zone euro. Ce qui apparaissait il y a quelques mois encore comme la plus importante conquête de l'Europe s’est révélée être "une monnaie sans Etat", née du fragile compromis entre deux visions radicalement opposées, estime la revue de géopolitique italienne. D’un côté, il y a en effet l’idéal d’une monnaie forte et stable, au nom de laquelle l’Allemagne aurait accepté de sacrifier son mark adoré en échange du feu vert à la réunification avec la RDA en 1990 ; de l’autre, la nécessité géostratégique d’un élargissement qui fasse rentrer dans la sphère d’influence et de stabilisation européenne les pays méditerranéens d’abord et ensuite ceux de l’ancien bloc soviétique. Ainsi, une crise financière a suffi pour mettre a nu cette contradiction et rendre "l’impensable" probable : que Berlin décide que "l’expérience est terminée" et qu’elle abandonne l’euro pour revenir à son ancienne zone d’influence monétaire.