Revue de presse Lumière sur le Sud-Est

La jeunesse face à la dépression, l’exploitation au travail et les dangers d’Internet

Voilà un mois que l’école a recommencé, et c’est donc la parfaite occasion de revenir sur l’état de santé de la jeunesse européenne – car tout porte à croire qu’elle ne va pas bien du tout. Premier numéro de notre revue de presse centrée sur l’Europe du Sud-Est, en collaboration avec Display Europe.

Publié le 2 novembre 2023 à 09:44

En Grèce, l’état psychologique des jeunes demeure un problème majeur. Une enquête menée auprès de 40 écoles grecques par iMEdD Lab – une plateforme grecque spécialisée dans les enquêtes et les reportages basés sur l’analyse de données – révèle trois tendances inquiétantes chez les adolescents :

  • 65 % des jeunes interrogés pensent que l’école augmente leur niveau d’anxiété et de stress ;
  • 50 % d’entre eux déclarent ne pas savoir vers qui se tourner pour remédier à leurs problèmes psychologiques ;
  • Et environ 47 % affirment ne pas se sentir à l’aise pour parler de santé mentale avec les enseignants.

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Le jeune et l’exploité

Outre l’état mental des jeunes de cette partie de l’Europe, et notamment de ceux devant faire face à des problèmes financiers, s'ajoutent des conditions de travail difficiles. Kosovo 2.0 – un magazine en ligne kosovars’est entretenu avec trois livreurs employés par des plateformes et âgés de 17 à 21 ans ; ceux-ci expliquent financer eux-mêmes les frais médicaux en cas d’accident de la route, travailler huit heures par jour sans contrat ni équipement de protection et percevoir un salaire mensuel misérable. L’un d’entre eux avoue même ne pas posséder de permis de conduire … Armend, un des jeunes livreurs interrogés, raconte qu’il occupe des emplois similaires depuis l’âge de 12 ans : préparer des hamburgers, servir des clients, travailler dans le bâtiment, etc. Comme le rappelle Kosovo 2.0, une enquête sur la main d’oeuvre menée en 2022 par l’agence statistique du Kosovo démontre que “les jeunes âgés de 15 à 24 ans représentent 14,6 % de la force de travail et la majorité d’entre eux sont engagés sans contrat”.

Le quotidien turc Cumhuriyet rapporte quant à lui le décès tragique d’un ouvrier de 22 ans travaillant dans une usine de briques. Deux jours avant sa mort, le jeune homme avait utilisé les réseaux sociaux pour attirer l’attention de l’opinion publique sur la dangerosité des machines qui lui avaient accidentellement écrasé la jambe – et qui ont fini par provoquer sa mort. Le Stockholm Center for Freedom (SCF), une ONG de défense des droits humains fondée par des journalistes turcs en exil, met en évidence un rapport révélant que le nombre d’accidents de travail mortels en Turquie a atteint un niveau record en 2022, avec 1 843 occurrences durant l’année. Selon l’Assemblée pour la santé et la sécurité au travail (İşçi Sağlığı ve İş Güvenliği Meclisi, İSİG), ces nombreux décès sont entre autres dus à l’ambition du Parti de la justice et du développement (AKP, extrême droite, au pouvoir) de “transformer la Turquie en une source de main-d’œuvre bon marché pour l’Europe”.

“L’école ne peut pas tout faire”

Certains pourraient reprocher à l’école de ne pas avoir su gérer les problèmes des enfants, cependant l’enseignant et écrivain Horia Corches défend dans les colonnes du magazine roumain Dilema Veche un avis bien différent. Il estime que l’école “ne peut pas tout faire, elle n’y peut même rien si la société et la famille n’inculquent pas aux enfants les vrais principes et les vraies valeurs”. Il reproche notamment aux personnalités publiques les plus riches et les plus profiteuses d’être de mauvais exemples pour les jeunes de son pays.

L’UE veut-elle protéger la jeunesse européenne ou lui nuire ?

L’intelligence artificielle pourrait bien être une solution possible aux problèmes de santé mentale des jeunes. Comme le souligne Efi Vagena – enseignante en bioéthique à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) pour iMEdD Lab, si les outils utilisant l’IA sont réglementés et inscrits dans une “démarche de responsabilisation”, ils pourraient être d’une grande aide aux jeunes. 

Cependant, les deux conditions qu’évoque Vagena ne sont pas respectées par la proposition de loi assez controversée de la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson. Le texte viserait apparemment à lutter contre les abus sexuels sur mineurs, mais présente un inconvénient. Selon le média grec Solomon, si la proposition de loi de Johansson est validée, la réglementation imposera aux sites internet d’espionner leurs utilisateurs, y compris dans leurs conversations privées. La protection de la vie privée des mineurs serait donc menacée.

Pour résumer, il est évident aujourd'hui que la jeunesse européenne a besoin d’une aide accrue de la part de la société pour s’en sortir, que celle-ci provienne de l’école, des institutions, de la cellule familiale, de l’intelligence artificielle – ou de partout à la fois.


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