Comment la Hongrie de Viktor Orbán accueille à bras ouverts les proches du Kremlin

Lancé en 2013 et clôturé en 2017, le programme de bons de résidence hongrois visait à fournir un statut de résident permanent en Hongrie à des ressortissants de pays non-membres de l'UE. Au fil des ans, le programme a été utilisé par de hauts responsables russes, dont certains ont ensuite été visés par des sanctions de l'UE, indique le centre de journalisme hongrois Direkt36.

Publié le 6 octobre 2022
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Le 21 février 2022, une vidéo enregistrée au Kremlin est publiée. Dans cet enregistrement, on peut voir Vladimir Poutine en réunion avec des responsables politiques, militaires et des services secrets russes. Ils discutent des raisons des prochaines opérations militaires en Ukraine, ainsi que de la reconnaissance des régions de Donetsk et de Louhansk comme États indépendants.

Dans l’enregistrement, Vladimir Poutine interroge sévèrement l'un de ses chefs des services de renseignement, lui reprochant de ne pas avoir pris une position claire sur les opérations militaires prévues. L'homme interrogé est Sergueï Narychkine, chef du service de renseignement extérieur russe (SVR), que Poutine corrige et à qui il demande à plusieurs reprises de “parler clairement”.

Naryshkin n'est pas seulement un personnage intéressant parce que Poutine a été sévère avec lui, mais aussi en raison de ses liens avec la Hongrie – déjà rapportés auparavant par les médias Direkt36, 444 et Novaïa Gazeta. Le fils de Narychkine, Andrei, et plusieurs autres membres de sa famille font partie des citoyens russes à avoir obtenu des visas hongrois grâce au programme de bons de résidence lancé il y a quelques années par Antal Rogán, à l'époque ministre auprès du cabinet de Viktor Orbán.

Outre la famille de Naryshkin, plusieurs autres fonctionnaires et hommes d'affaires russes liés à l’Etat, ainsi que les membres de leur famille, ont obtenu des documents hongrois grâce à ce programme lancé en juin 2013 et clôturé en mars 2017, après plus d'un milliard d'euros de recettes. Selon le Centre pour la gestion de la dette publique, l'une des raisons pour lesquelles l'émission de bons de résidence était devenue inutile à l'époque était que le ratio entre dette en devises étrangères et PIB de la dette publique était en baisse persistante en 2017, et parce que les principales agences de notation internationales avaient reclassé les obligations d'Etat hongroises comme catégorie méritant l'investissement.

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Après l'attaque de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, le Parlement européen a adopté un rapport d’initiative législative dans laquelle il demande à la Commission européenne de mettre fin à ces programmes d'ici 2025, la raison invoquée étant que ceux-ci présentent un certain nombre de risques pour la sécurité en permettant à des personnes potentiellement dangereuses de s'installer et de se déplacer librement au sein de l'UE. La proposition demande également à la Commission d'obliger les Etats membres à revoir les titres de séjour délivrés aux décideurs politiques et économiques russes et à leurs proches.

Souveraineté nationale

La proposition a été largement acceptée par le Parlement européen. Les représentants du Fidesz-KDNP (l’alliance politique passée entre le parti Fidesz et le Parti populaire démocrate-chrétien) au Parlement européen n'étaient pas présents lors du vote, mais ont soutenu d'autres décisions de l'UE concernant les sanctions contre la Russie. En réponse à une question de Direkt36, l'eurodéputé du Fidesz Tamás Deutsch a déclaré que la raison pour laquelle il n'avait pas participé au vote était que la question relevait clairement de la souveraineté nationale hongroise – sur laquelle l'UE n’a aucun pouvoir – et que les députés voulaient donc utiliser un instrument de protestation plus fort que l'abstention ou le simple vote contre.

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