Décryptage Invasion de l'Ukraine | En Russie

La guerre en Ukraine, dernière phase du projet impérialiste de Poutine

L'invasion russe en Ukraine peut être comprise comme le point final d'un projet expansionniste du Kremlin : la Russie est devenue – ou redevenue – une puissance agressive, traditionaliste, nationaliste et impériale. Une analyse d'Andrea Pipino pour Internazionale.

Publié le 31 mars 2022 à 13:07

La boucle est bouclée. Depuis l'effondrement de l'Union soviétique, une seule génération a suffi pour plonger la nouvelle Russie en enfer. Trente ans de promesses non tenues, d'espoirs déçus et de signaux mal interprétés, de la montée d'Eltsine sur les chars à l'été 1991 pour empêcher le coup d'État des partisans du régime soviétique à la mise en scène du 18 mars 2022 au stade Luzhniki : un carnaval ultranationaliste où le kitsch clinquant des clips de musique pop russe des années 2000 a fusionné avec le gigantisme artificiel des parades nord-coréennes de Kim Jong-il. La fin d'une époque.

L'achèvement d'une transition qui, à un certain moment, est devenue folle et s'est retournée contre  elle-même, transformant un pays post-soviétique imparfait mais curieux et vivant en un monstre impérialiste et néo-soviétique. Ça n'avait pas à finir ainsi. Et peu importe à quel point on veut insister sur les responsabilités et les erreurs de l'Occident, il est difficile de croire que ce qui s'est passé à Moscou au cours des dix dernières années est exclusivement le résultat d'une stratégie agressive axée sur le marché et de l'ingérence de l'Occident dans la délicate période de transformation des années 1990.

Si tel était le cas, nous serions aujourd'hui confrontés à de nombreuses petites Russies poutinistes dispersées en Europe centrale et orientale. Ce qui heureusement – avec tous les défauts des démocraties des anciens pays communistes – n'est pas le cas.

Sanglante transition

Dans les analyses et les tentatives de compréhension des motivations de l'attaque russe en Ukraine, il a été question à de nombreuses reprises de "l'humiliation de la Russie". Et l'on a souvent pointé du doigt l'entrée dans l'OTAN des pays d'Europe centrale et orientale, montrée comme un élargissement ou une expansion de l'Alliance, avec cette mentalité typiquement occidentalo-centrée qui tend toujours à priver chaque sujet d'une capacité de décision autonome. Cette expansion a eu lieu parce qu'elle était souhaitée par les Européens de l'Est, pour qui la fin de la Seconde Guerre mondiale n'était pas une libération mais le passage du totalitarisme sanguinaire à un nouvel ordre politique, qui, après la première phase révolutionnaire, s'est révélé brutalement autoritaire.

Pour garantir leur souveraineté et leur intégrité territoriale, les pays baltes ont demandé à adhérer à l'OTAN. Après avoir appartenu à l'empire tsariste et avoir connu vingt ans d'indépendance entre les deux guerres, ils ont été de nouveau aspirés dans l'univers soviétique à la suite de la signature du Pacte germano-soviétique (leur appartenance à l'URSS n'a jamais été formellement reconnue par les Etats-Unis). Ou les Tchèques, qui en 1968 avaient vu les chars du Pacte de Varsovie détruire l’expérimentation du printemps de Prague. Ou encore les Hongrois, qui, douze ans plus tôt, avaient vécu une expérience similaire – voire plus violente encore. Ou encore les Polonais, qui se souviennent de la répression des révoltes ouvrières de 1956 et 1970 et de la loi martiale de 1981. 

La Russie et l'OTAN

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