Idées Invasion de l’Ukraine

Chers Ukrainiens, la dictature est notre ennemi commun. Ne la laissons pas nous diviser

Dans cette lettre ouverte envoyée à l’hebdomadaire ukrainien Ukrainskyi Tyzhden, l’écrivain et traducteur biélorusse Alhierd Bacharevitch exprime sa peine et sa culpabilité face à la guerre en Ukraine, ainsi que celle de ses compatriotes, au moment où le président biélorusse Alexandre Loukachenko soutient la décision d’envahir l’Ukraine de son homologue russe Vladimir Poutine.

Publié le 9 mars 2022 à 08:44

Chers Ukrainiens ! Mes héros, mes amis proches. 

Vous autres pour qui nous souffrons à présent.

Je ne souhaite pas que cette lettre sonne comme une justification – il est déjà trop tard pour essayer de me justifier auprès de l’Ukraine : cela n’aurait aucun sens, la machine de guerre est déjà lancée, la mort gagne du terrain, elle vient même de mon pays, et aucune tentative de justification ne saurait y mettre un terme. Je ne souhaite pas non plus que cette lettre soit considérée comme un acte de repentance. Laissez ceux qui ont du sang sur les mains se repentir. Vous êtes en guerre, vous défendez votre pays, et nous ne sommes pas à l’église. Nous nous trouvons tous dans la salle d’audience du tribunal de l’Histoire, de part et d’autre d’une frontière entre civilisations que nous n’avons pas tracée.

Ces derniers jours sont terribles, pour l’Ukraine bien sûr, mais aussi pour le reste de l’Europe, prise au piège de sa quête de la paix à tout prix. Cette Europe en laquelle je continue de croire, vous en êtes désormais l’espoir. J’aimerais beaucoup que vous lisiez cette lettre jusqu’au bout. Vous pouvez ensuite nous haïr, nous mépriser, nous maudire encore et encore, mais n’oubliez pas de vous demander : qui est contre vous ? Est-ce vraiment mon pays, la Biélorussie ?

Nous, les Biélorusses, sommes un peuple pacifique…” Ainsi débute l’hymne national de la République de Biélorussie. La musique remonte à l’ère soviétique, seules les paroles de l’époque, imprégnées de soumission, ont changé : “Nous, les Biélorusses, avec nos frères les Russes…” Cependant, ma Biélorussie, la véritable Biélorussie, ne reconnaît ni l’hymne de la République socialiste soviétique de Biélorussie, ni le nouvel hymne. Il symbolise autant la dictature que le drapeau rouge et vert actuel ou que les armoiries soviétiques. Mais le monde ne porte plus grand intérêt à tout cela.

Nous, les Biélorusses, sommes un peuple pacifique.” Pendant longtemps, ces mots ont satisfait tout le monde, repris volontiers tant par la propagande d’Etat que par les opposants au régime. Nous sommes un peuple pacifique. Une déclaration à laquelle les pouvoirs en place comme l’opposition pouvaient souscrire.

Tout n’était que mensonge. Le gentil conte de fées du peuple pacifique et des voisins charmants a vite tourné au mensonge hypocrite et sanglant. Avec “nos frères les Russes”, la Biélorussie est devenue une tête de pont pour attaquer l’Ukraine, un véritable agresseur qui s’inscrit parmi les nations les plus détestables de l’Histoire. L’image du “peuple pacifique” est brisée à jamais. L’image du peuple biélorusse en tant que victime, opprimé pendant des siècles, menacé d’extinction, mais dont la ténacité force le respect, est également considérablement ébranlée.


Je suis prêt à prendre sur moi la honte et le déshonneur de la Biélorussie, exactement comme l’ont fait les auteurs allemands exilés  lors de la Seconde guerre mondiale


Loukachenko a finalement conduit la Biélorussie et son peuple dans une dernière impasse, dont nous allons tous devoir nous sortir, même les Biélorusses qui se sont toujours targués de ne pas “s’intéresser à la politique”. Nous ne pouvons pas rester là sans agir. Nous ne pouvons plus affirmer que “cela ne nous concerne pas”, ou que “nous ne sommes que des personnes parmi tant d’autres”, que “nous ne sommes pas importants”. Mais le plus effrayant dans tout cela, c’est le rôle honteux que la Biélorussie se retrouve à jouer, un rôle dont les futures générations devront payer le prix. Pour les nombreuses années à venir, le mot “Biélorussie” évoquera la guerre, une guerre où la Biélorussie, pour la première fois dans l’histoire, n’est ni l’agressé ni la victime, mais le fidèle serviteur du fascisme de Poutine.

Il n’y a pas si longtemps, nous nous félicitions d’avoir acquis une image puissante et magnifique aux yeux du monde : celle de centaines de milliers d’hommes et de femmes qui, en 2020, sont descendus dans la rue pour se battre sans armes. Ils ont affronté des bandits armés se faisant appeler “police” ou “armée” avec pour seules défenses leurs protestations et leur soif de liberté. Cette image à la saveur si particulière s’efface peu à peu, tout comme sont nettoyés les graffitis révolutionnaires peints en 2020 sur les murs de Minsk, ma ville natale, et sur ceux d’autres villes du pays.

Sauf qu’à présent, ces mêmes personnes ont le sang des Ukrainiens sur les mains, et se considèrent Biélorusses, tout comme moi. La principale différence, c’est que ceux qui rêvent d’une autre Biélorussie et qui, depuis des années, tentent de faire de ce rêve une réalité, ont conscience d’avoir avec vous une affinité bien plus grande et puissante qu’avec tous ces généraux et soldats qui ont envahi votre territoire.

Donc moi, Bacharevitch, écrivain biélorusse, je suis prêt à assumer ma part de responsabilité dans ce conflit. Je suis prêt à prendre sur moi la honte et le déshonneur de la Biélorussie, exactement comme l’ont fait les auteurs allemands exilés  lors de la Seconde guerre mondiale. Il s’agit d’un des devoirs des écrivains d’aujourd’hui. Cependant, je ne peux pas accepter que mon pays porte les stigmates de la honte et de la haine devant le monde entier.

Vous, Ukrainiens, défendez votre pays. Votre armée régulière, vos territoires, vos civils font front ensemble pour repousser les envahisseurs. Votre guerre est une guerre de défense et de libération. Votre chemin vers la liberté a déjà clairement prouvé que l’empire de Poutine ne pourra jamais vous réintégrer dans la prison qu’est son territoire. L’Ukraine a déjà changé à jamais. En 2020, nous, les Biélorusses, avons compris que nous n’avions pas de véritable armée. Les formations militaires qui étaient supposées nous défendre ont fait la guerre à des personnes désarmées.

Les Biélorusses ont pu constater que ceux qui avaient juré fidélité au peuple n’avaient aucun scrupule à trahir leur promesse. Ils ont participé activement à la répression des citoyens de leur pays. Plus personne à présent ne considère l’armée de la Biélorussie comme biélorusse. Il n’y a pas d’armée en Biélorussie. Il y a les généraux de Loukachenko qui, comme ceux de Poutine, se rêvent décorés par leur maître. Puis il y a les rangs inférieurs qui exécutent leurs ordres criminels. Tout en bas de l’échelle, on trouve la chair à canon d’une guerre injuste.

J’entends sans cesse que ce ne sont que des mots, et que l’Ukraine attend des faits de la part des Biélorusses. Mais je n’ai que des mots à offrir. Des mots dont je porte la responsabilité. Je crois au pouvoir des mots, cette arme de dernier recours dont dispose chaque être humain. Je vous écris en tant qu’écrivain en exil, depuis une Europe où la paix règne encore. Une paix quelque peu fragilisée. Une Europe qui fait preuve d’une solidarité sans précédent, une Europe qui vous défend. Et pour ce qui est des actions… Des centaines de milliers de Biélorusses ont manifesté en 2020 contre le régime qui à présent attaque l’Ukraine. J’en faisais partie, tout comme mes amis et collègues. Des dizaines de milliers d’entre eux ont été emprisonnés, torturés et subissent encore aujourd’hui d’horribles traitements. Tués, torturés, violés. Des dizaines de milliers ont quitté le pays. Et des centaines continuent à résister clandestinement en restant dans leur pays.


Je crois au pouvoir des mots, cette arme de dernier recours dont dispose chaque être humain. Je vous écris en tant qu’écrivain en exil, depuis une Europe où la paix règne encore


Tout a été détruit dans mon pays. Même ce que nous avions réussi à construire au cours des dernières décennies malgré le régime en place. Le peu de liberté qui nous permettait de faire preuve de pensée critique et de créativité a volé en éclats. Il ne reste aucun média libre et indépendant pour diffuser la vérité sur les événements qui se déroulent en Ukraine et permettre aux gens de voir le conflit du point de vue des Ukrainiens et des Biélorusses. Ils sont considérés comme "extrémistes" et sont bloqués, leurs journalistes sont envoyés en prison ou forcés de s’exiler. Depuis 2020, la Biélorussie est en proie à la souffrance et à la terreur.

Mon pays est une immense plaie ouverte. J’ignore s’il reste des familles qui ont échappé à la répression. La Biélorussie n’a eu aucun répit : après les manifestations, elle se retrouve embarquée dans la guerre. Cette situation m’évoque l’image d’un homme à terre qu’on relèverait et dont la tête servirait de bélier pour enfoncer la porte de la maison du voisin. À qui la faute ? À l’homme blessé, bien sûr ! Après tout, c’est sa tête qu’on utilise pour enfoncer la porte.

En 2020, les Ukrainiens nous ont massivement soutenus dans notre lutte. Ils nous ont surtout offert des mots de soutien – des mots très importants que nous n'oublierons pas. Personne ne vous a alors dit : "Ukrainiens, ce ne sont là que des mots". Est-ce la faute des Biélorusses si nous n'avons pas pu abattre le mur ? Ou si nous avons permis à Poutine d'occuper notre pays ? Ou que nous avons permis que notre pays soit utilisé par le fascisme russe ? Dans une perspective historique, oui, peut-être. Mais nous vivons ici et maintenant. Des milliers de Biélorusses ont fait l'expérience directe de la répression et sont maintenant en prison. Je n’accepterai jamais qu'ils puissent mériter la haine et le mépris. Ce qu'ils ont fait n'a pas été inutile. La Biélorussie se réveillait – très lentement – du doux sommeil imposé par Loukachenko. L'Histoire ne se fait pas en un jour. Ceux qui étaient pour la liberté ne vivront peut-être pas pour la voir. Mais cela signifie-t-il que tous leurs efforts ont été vains ?

Est-il vrai que tout ce qui a été écrit dans les médias ukrainiens il y a deux ans a été si vite oublié ? Etait-ce écrit depuis si longtemps avant le début de la guerre ? Je n'en crois pas mes yeux quand je lis ce qui est dit aujourd'hui dans les médias ukrainiens sur le soi-disant "référendum" qui s'est tenu en Biélorussie le 27 février 2022. Une nouvelle farce, organisée par le dictateur pour établir un contrôle total sur le pays et le livrer aux Russes une fois pour toutes, est présentée comme une sorte de "libre expression de la volonté" anti-ukrainienne des Biélorusses. Je suis conscient qu'une guerre de l'information est en cours. Instiller la haine de l'ennemi est tout à fait normal voire approprié. Cependant, dans ce cas, il n'y a pas eu de "libre expression de la volonté" des Biélorusses. Il s'agissait d'un des spectacles dramatiques de routine de Loukachenko, une autre de ses "victoires élégantes".


Fin février, un millier de Biélorusses ont été arrêtés pour avoir manifesté contre la guerre avec l'Ukraine. J'ose espérer que ces personnes sont aussi mille raisons de ne pas haïr mon pays


La Biélorussie vit actuellement une situation qui ne peut être décrite que comme une guerre civile sous occupation étrangère. La Biélorussie n'est pas l'Ukraine. Il n'y a pas de gouvernement national en Biélorussie, pas d'armée, pas de police, pas de politique, pas de médias libres. La Biélorussie est défigurée, divisée. Elle ne sait pas quoi faire d’elle-même, ni comment survivre, ni comment empêcher sa disparition de la carte du monde ou du territoire de la moralité humaine. Ma Biélorussie existe actuellement – tant à l'intérieur du pays qu'au-delà de ses frontières – comme un archipel d'îlots de résistance. L’objectif de ces îles est de rester en vie et, d'une manière ou d'une autre, de rassembler des forces. Je ne compterais pas sur leur capacité à s'unir aujourd’hui, à prendre le pouvoir et à arrêter la guerre. Je dirais cependant que ces îles de résistance sont la base d'un futur Etat pacifique, un voisin libre d'une Ukraine libre. En ces jours de guerre, ils s'unissent pour soutenir l'Ukraine et font tout ce qu'ils peuvent. Peut-on ignorer leurs efforts, s'ils sont faits pour vous et pour la Biélorussie future ?

En 1968, sept dissidents soviétiques sont sortis sur la place Rouge de Moscou pour protester contre l'invasion de la Tchécoslovaquie. Les Tchèques ont écrit ceci à leur sujet : “ces sept personnes nous donnent au moins sept raisons de ne pas haïr la Russie”. Fin février, un millier de Biélorusses ont été arrêtés pour avoir manifesté contre la guerre avec l'Ukraine. J'ose espérer que ces personnes sont aussi mille raisons de ne pas haïr mon pays.

Je ne veux surtout pas que vous considériez cette lettre comme un récit où je pleure et gémis à genoux devant vous. Lorsque, comme d'autres Biélorusses, je reverse à l'armée ukrainienne ou à des organisations humanitaires les sommes que je reçois à titre honorifique, je ne veux absolument pas que cela soit perçu comme une tentative de me racheter. Je le fais simplement d’égal à égal, en tant qu'être humain et en tant que Biélorusse qui n'est pas en mesure d'aider l'Ukraine en ces temps difficiles. Lorsque ma femme et moi participons à des manifestations de soutien à l'Ukraine, nous le faisons non pas parce que notre conscience nous titille, mais parce que nous voulons avoir une certaine influence sur les hommes politiques occidentaux qui écoutent encore ce que les gens leur disent.

Lorsque j'écris cette lettre en biélorusse depuis Graz, en Autriche, à l'intention des Ukrainiens et de mes compatriotes, en tant qu'émigré disposant d’un minimum de droits, je ne le fais pas pour demander votre pardon, mais parce que je ne peux pas et ne veux pas me taire. Lorsque j'ai écrit mes livres et mes essais, lorsque, dans mon roman Dogs of Europe, j'ai mis en garde contre les dangers de l'empire de Poutine, la plupart de mes lecteurs n'y voyaient qu'une dystopie ou une vue de l’esprit. Eh bien, maintenant, nous sommes dedans – vous tout autant que nous. Ai-je fait tout ce que je pouvais ? Ce n’est pas à vous que je pose la question mais à moi, et je dois trouver la réponse par moi-même. Comme le font tous les Biélorusses.

Mais je ne peux pas regarder calmement et en silence ce qui se dit dans les médias sociaux : "C’est ça, allez-y, embrassez le derrière de Poutine !" adressé non pas aux fans de Poutine, mais aux Biélorusses qui ont combattu le fascisme de Poutine de toutes les manières possibles et n'ont pas permis que la Biélorussie devienne la honte de l'Europe. Je ne peux pas lire sans horreur et sans colère comment les Biélorusses se font briser les vitres de leurs voitures lorsqu'ils essaient d'aider les réfugiés ukrainiens, tout cela parce que leurs véhicules ont des plaques biélorusses. Il m'est impossible de lire comment des amis biélorusses vivant en Ukraine, qui ont subi des répressions, doivent entendre des gens leur dire en face : "Espèce d'ordure, va te faire cajoler par ton Loukachenko", alors que certains Biélorusses ont été chassés de chez eux et sont venus se réfugier en Ukraine.

Qu'est-ce que cette haine va faire pour vous ? Si vous êtes convaincu qu'elle vous aidera à vaincre les occupants, allez-y, balancez-là. Nous comprendrons. Nous continuerons à vous soutenir en silence, en gardant nos bouches bien fermées pour mieux encaisser l'insulte. Insultez-nois et détruisez les occupants, d'où qu'ils viennent – de Russie ou de Biélorussie, de Tchétchénie ou d'ailleurs. Nous serons heureux des pertes que vous causerez à vos ennemis. Mais cette haine irréfléchie de tout ce qui est biélorusse ne vous apportera aucun allié dans le camp ennemi.

De toute façon, la plupart d'entre nous ne vivent pas dans le camp ennemi. Nous nous trouvons quelque part dans le vide, entre la lumière et l'obscurité. Nous sommes honteux et insultés, et nous avons peur - mais nous nous battons à vos côtés. Certains d'entre nous avec des mots, d'autres moralement, d'autres avec des actes, d'autres avec des fusils – il y a des Biélorusses qui se battent arme au poing pour vous. Et il y a ceux qui suivent simplement les infos, qui ne parviennent pas à s'endormir à cause d'un sentiment d'impuissance et de désespoir, qui envoient leurs malédictions à ceux qui ont déclenché cette guerre.

Nous n'avons pas choisi où nous sommes nés. Vous non plus.

Une partie du plan infernal de Moscou est d'amplifier la haine. Partout où elle le peut. C'est son plan pour l'avenir et elle a commencé à le mettre en œuvre il y a longtemps. Il est particulièrement important pour le Kremlin d'instiller la haine chez ses voisins, de la porter à un niveau tel qu'il devienne impossible de revenir à des relations normales.

Son plan est un grand classique : diviser pour régner.

Chers Ukrainiens, vous et nous avons un ennemi commun, et il est ravi chaque fois qu'un conflit surgit entre nous, chaque fois qu'il voit la haine grandir entre des gens qui étaient hier des amis. Poutine et Loukachenko arborent des sourires suffisants et satisfaits. Cela signifie que les choses se déroulent comme prévu. Voulons-nous vraiment qu'ils sourient ?

Nous avons un ennemi commun. Je dis cela à la fois aux Biélorusses et aux Ukrainiens. Nous avons un ennemi commun. Ne l'oublions pas. Meme s’il est peut-être déjà trop tard.

👉 Lire la version originale sur Tyzhden Ukrainyi


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