Manifestation pour la régularisation des sans-papiers à Bruxelles (Belgique). Photo de Skender.

Un petit pas pour les sans-papiers

Quinze jours après avoir durci son arsenal anti-immigration, l'Italie fait marche arrière et suspend l'expulsion de milliers d'immigrés clandestins. En Belgique, le gouvernement vient de trouver un accord qui assouplit les critères de régularisation des sans-papiers. Une avancée pour les demandeurs d'asile, certes, mais des mesures trop floues, estime la presse des deux pays.

Publié le 20 juillet 2009 à 16:10
Manifestation pour la régularisation des sans-papiers à Bruxelles (Belgique). Photo de Skender.

"On se souviendra de la régularisation Maroni-Sacconi comme de celle qui aura porté à 5 millions le nombre d'étrangers dans l'Italie multi-ethnique", écrit le Sole 24 Ore en référence à "l'acte de régularisation" que viennent de prendre les ministres italiens de l'Intérieur et du Travail. Cette décision suspend le délit de clandestinité que venait tout juste d'introduire le paquet sécurité [le jeudi 2 juillet] et qui n'était pas encore entré en vigueur.

"La moyenne nationale de la présence extra européenne va donc se rapprocher de celle de la France et de l'Allemagne". Pour Gian Carlo Blangiardo de l'Université de Milan-Bicocca cette future "vingt-et unième région italienne" peut constituer un remède aux maux structurels du pays : le vieillissement de la population et la chute de la natalité.

La disposition très pragmatique du gouvernement italien a été dictée par la nécessité de régulariser les milliers d'immigrés qui travaillent comme employé(e)s de maison et aides à domicile dans la Péninsule. "On a vraiment l'impression d'un comportement schizophrène du législateur", commente le journal qui souligne l'incohérence entre la ligne dure véhiculée par le gouvernement et la fatalité du phénomène de l'immigration. Le Sole 24 Ore condamne la législation italienne qui depuis 2002, n'autorise plus l'entrée d'immigrés "soutenus" par un employeur, et la décision de ne pas reconnaître la convention du Conseil de l'Europe (1992) qui prévoit de reconnaître le droit de vote aux immigrés résidant dans un pays de l'Union européenne depuis au moins cinq ans.

Le dossier empoisonnait la vie politique belge. Depuis deux ans, les membres de la coalition gouvernementale n'arrivaient pas à trouver un accord. Pendant ce temps-là les manifestations, les grèves de la faim et les occupations d'églises se multipliaient. Samedi 18 juillet les ministres du royaume ont finalement élaboré "une série d'instructions" réglant le sort des sans-papiers en Belgique. "Sans-papiers : la victoire de Van Rompuy", titre Le Soir. Le quotidien francophone souligne "le beau succès du Premier ministre" mettant fin à cette "pomme de discorde importante au sein de la majorité principalement entre les partis francophones et les libéraux flamands".

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Selon ces nouveaux critères de régularisation, les sans-papiers victimes "de procédures anormalement longues" pourront être régularisés. Soit trois ans pour les familles avec enfants scolarisés et quatre pour les autres. L'accord prévoit aussi une possibilité de régularisation pour "ancrage social durable". En clair, on tiendra compte de l'intégration du demandeur (connaissance d'une des langues nationales, liens sociaux tissés en Belgique, etc.). S'il n'est pas question d'une régularisation massive des demandeurs d'asile, quelques 25 000 d'entre eux devraient être concernés par ces nouvelles dispositions, selon le quotidien flamand De Standard.

Cet accord est un "vrai petit miracle" concède l'éditorialiste du Soir, "pour tous ceux qui attendent depuis des années qu'on tranche". Mais elle remarque que dans sa forme actuelle - des instructions et non une circulaire - cet accord risque de ne pas tenir longtemps. "L'accord a le défaut inhérent à toute politique d'immigration dans ce pays. On fait un texte qui n'a pas de valeur réglementaire. (...) Comme si tout en matière d'asile devait avoir un caractère évanescent, susceptible de disparaître du jour au lendemain selon les aléas de la vie politique".

La presse flamande critique aussi un accord à minima. "C’est la montagne qui accouche d’une souris", estime le quotidien De Standaard dans son éditorial. "Le gouvernement [n'a défini] aucun critère sur le long terme. Voilà pourquoi règne la plus grande insécurité juridique" (…) Les ministres n’ont fait que la moitié de leurs devoirs". Dans le quotidien flamand Het Belang van Limburg, Jean-Marie Dedecker du parti flamand LDD (Lijst Dedecker, populiste) craint surtout l’effet incitatif pour les demandeurs d’asile potentiels : "L’Amérique a sa green card, l’Europe a sa carte bleue [carte de séjour], mais en Belgique il y a la carte blanche, qui permet à chacun qui vient en Belgique de s’y installer définitivement". S'inquiétant également des "contours juridiques flous" du texte, de l'énigmatique "rôle de coordinateur" prévu pour le Premier ministre, Paul Biret dans La Libre Belgique, anticipe déjà les complications politiques : "Les Flamands ne manqueront pas de vite taxer de "laxisme wallon" toute hausse de régularisation comparée aux chiffres récents, quelles qu'en soient les raisons".

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