investigation Décryptage L'Europe et le lobby du gaz

Sous prétexte d’indépendance énergétique, le lobby du gaz vend ses chimères à l’Allemagne

Pour certains militants écologistes, les mesures d'urgence visant à mettre fin à la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie sont une victoire pour le lobby du gaz, qui souhaite enfermer la plus grande économie européenne dans le marché mondial du gaz naturel liquéfié.

Publié le 20 décembre 2022 à 14:28

Depuis 150 ans, l'industrie lourde est le moteur du port allemand de Wilhelmshaven, une plaque tournante pour la construction navale, le plastique, le charbon et l'acier. Aujourd'hui, la ville est à l'avant-garde des efforts déployés par l’Allemagne pour rompre sa dépendance au gaz russe.

Cette installation est la première de six unités flottantes de ce type qui devraient voir le jour en divers points du littoral allemand au cours de l'année prochaine. Le gaz liquide y sera reconverti à l'état gazeux puis injecté dans le réseau gazier du pays.

Trois installations terrestres équivalentes augmenteront encore la capacité d'importation. Cette série de nouvelles infrastructures devrait permettre au pays d'acheter suffisamment de gaz naturel liquéfié (GNL) à des producteurs tels que le Qatar et les Etats-Unis pour couvrir jusqu'à un tiers de ses besoins actuels. Le 10 décembre, une jetée nouvellement construite accueillait le Höegh Esperanza, un navire norvégien de 280 mètres capable de décharger des cargaisons de gaz naturel surfondu sous forme liquide.

Uniper, RWE et d'autres grandes entreprises publiques allemandes affirment que le passage au GNL est le seul substitut viable au gaz russe. Ce dernier représentait plus de la moitié des importations du pays avant que l'invasion de l'Ukraine par la Russie ne déclenche une recherche désespérée d'alternatives.

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi

Les défenseurs du climat, quant à eux, voient dans les nouvelles jetées et les gazoducs flambant neufs des signes inquiétants montrant que le lobby du gaz a finalement atteint son objectif de longue date, à savoir enfermer l'Allemagne dans le marché mondial du GNL – qui représente 100 milliards de dollars. Un objectif qui menace de maintenir la plus grande économie d'Europe dépendante des combustibles fossiles pour les décennies à venir.

Un grand nombre de nouvelles infrastructures fossiles sont en cours d'installation, et les experts de l'environnement et du climat sont très préoccupés par le fait que cela pourrait aller bien au-delà des infrastructures nécessaires à court terme, et créer de nouveaux ‘verrouillages fossiles’" –  les encouragements à utiliser les énergies fossiles au détriment d’options plus écologiques – explique Nina Katzemich de LobbyControl, un groupe oeuvrant pour la transparence des groupes d’influence basé à Berlin et Cologne.

C'est potentiellement une très mauvaise nouvelle pour le climat. Selon des chercheurs, l'énorme quantité de méthane qui fuit pendant la production, le transport et le stockage du GNL implique que les émissions de carbone associées à l'importation de ce combustible pourraient être jusqu'à dix fois plus élevées que pour une quantité équivalente de gaz russe transportée par gazoduc.

Selon un nouveau rapport, l'Allemagne pourrait ne pas avoir à construire les terminaux GNL prévus, si elle prenait par contre des mesures plus efficaces pour réduire la demande d'énergie, par exemple en accélérant ses projets d'installation de pompes à chaleur dans les foyers ou en rénovant les bâtiments.

Les lobbyistes du gaz ont tenu des centaines de réunions avec des représentants politiques depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, selon l'analyse des registres de transparence officiels effectuée par DeSmog. Les militants écologistes accusent l'industrie d’écarter toute discussion sur les mesures visant à réduire la demande en gazet ses conséquences désastreuses pour le climat.

Le projet du lobby gazier de faire entrer l'Allemagne sur le marché mondial du GNL remonte au moins à 2005, lorsque E.ON Ruhrgas – une filiale de la compagnie gazière allemande E.ON – a proposé pour la première fois les plans pour un terminal d'importation à Wilhelmshaven.

Jusqu'à l'année dernière, l'Allemagne dépendait principalement de l’approvisionnement en gaz russe abondant et bon marché, ainsi que de l'importation de GNL via la France, l'Espagne et les Pays-Bas. Pas plus tard qu'en avril 2021, Uniper, qui était alors l'un des plus gros acheteurs de gaz russe en Europe, a dû renoncer à ouvrir un terminal GNL à Wilhelmshaven, invoquant un manque de demande.

Les calculs ont radicalement changé après l'invasion de l'Ukraine. Le gouvernement allemand et l'industrie du gaz – qui a longtemps bénéficié d'une voix puissante dans la politique énergétique – se sont accordés sur la nécessité d'importer rapidement du GNL, la Russie ayant restreint son exportation de gaz en réponse aux sanctions occidentales.

Cette décision a menacé de paralyser l'économie allemande, qui dépendait du gaz à hauteur d’environ 27 % de sa consommation totale d'énergie au cours du premier semestre 2022, principalement pour le chauffage et l'industrie, selon l’organisation Clean Energy Wire

Les Verts, un des partis de la coalition au pouvoir en Allemagne, qui au printemps 2022 pourtant dévoilait ses mesures radicales pour stimuler l'éolien et le solaire, est devenu entretemps un ardent défenseur du GNL. L’un de ses membres, le vice-chancelier, ministre de l'Économie et du Climat Robert Habeck, a appelé à la création d'une nouvelle infrastructure d'importation de gaz à la “vitesse Tesla” – une référence au déploiement rapide d'une usine installée près de Berlin ouverte en mars de la même année.

Quelques semaines plus tard, l'Allemagne débloquait près de trois milliards d'euros pour louer quatre terminaux flottants d'importation de GNL à RWE et Uniper, dont le Höegh Esperanza de Wilhelmshaven. En mai, le gouvernement adoptait une loi visant à accélérer leur mise en place en assouplissant les règles de planification. Le gouvernement a présenté les terminaux GNL comme des mesures palliatives, mais les licences autorisant l'exploitation des infrastructures pour une durée pouvant aller jusqu’à 20 ans laissent entendre que les terminaux sont là pour rester.

“Sauter sur toutes les occasions”

Les entreprises ont échoué à construire des terminaux pendant des années. Elles n'ont jamais réussi parce qu'elles n'avaient pas d'analyse de rentabilité”, explique Constantin Zerger, responsable de l'énergie et de la protection du climat au sein de l’association à but non lucratif Environmental Action Germany, basée à Hanovre. “Après le début de la guerre, il n’était plus question de faisabilité économique, mais de sécurité énergétique, et à ce moment-là, le gouvernement a décidé de sauter sur toutes les occasions existantes.

Après une période sombre pour le GNL – la pandémie de Covid-19, les préoccupations climatiques et la frilosité des investisseurs ayant pesé lourdement sur les investissements – les groupes industriels des deux côtés de l'Atlantique ont profité de l'invasion de l'Ukraine pour relancer le secteur.

Gas Infrastructure Europe (GIE), l'association des opérateurs européens d'infrastructures gazières, mais aussi Eurogas, qui représente les secteurs de la vente en gros, de la vente au détail et de la distribution, et LNG Allies, une association industrielle aux Etats-Unis – en concurrence avec le Qatar et l'Australie pour devenir le premier exportateur mondial – ont tous publié des communiqués exhortant l'UE à investir dans les infrastructures de GNL.

L'industrie pétrolière et gazière canadienne a également repéré les opportunités. En janvier, alors que les tensions entre la Russie et l'Ukraine s'intensifiaient, des responsables canadiens et un représentant de la société canadienne Pieridae Energy ont lancé l'idée d'exporter du GNL canadien lors d'une réunion virtuelle avec des officiels allemands, comme l'a rapporté DeSmog. La réunion s'est déroulée dans le cadre du partenariat énergétique entre le Canada et l'Allemagne, établi en mars 2021 pour favoriser les opportunités commerciales en matière “d'énergie propre”, notamment dans le domaine de l'hydrogène et du GNL.

Une décision politique

Les services publics allemands, les opérateurs des réseaux de gaz et les compagnies pétrolières internationales n'ont pas tardé à s'engager auprès du gouvernement alors que la crise ukrainienne s’intensifiait.

D’après les réponses à une question parlementaire écrite déposée par le parti Die Linke (“La Gauche”) en octobre et analysées par DeSmog, les représentants de l'industrie du gaz et de l'énergie ont rencontré des représentants allemands au moins 547 fois au cours des sept mois qui ont suivi l'invasion. La Fédération allemande des industries de l'énergie et de l'eau (BDEW), un important lobby gazier, a tenu 71 réunions avec Habeck et d'autres responsables au cours de cette période de sept mois. La directrice générale du groupe, Kerstin Andreae, ancienne députée du parti des Verts, a soutenu le projet de loi visant à assouplir les règles de planification pour les nouveaux terminaux GNL.

Uniper, qui a été nationalisé en septembre après avoir subi d’énormes pertes lorsque la Russie a restreint ses ventes de gaz, a tenu 47 réunions avec le gouvernement, tandis que son ancien propriétaire, la société finlandaise Fortum, s’est entretenu avec celui-ci 14 fois. Pour sa défense, Uniper explique que les réunions portaient sur les mesures prises par le gouvernement pour stabiliser les finances de l’entreprise, et sur sa demande de voir le terminal d'importation de GNL de Wilhelmshaven construit et exploité par l’entreprise.

RWE, qui soutient le projet de terminal GNL à Brunsbüttel, était quant à elle représentée dans 48 réunions. Les compagnies pétrolières ConocoPhillips et QatarEnergy ont signé un accord de 15 ans pour fournir à l’entreprise deux millions de tonnes de GNL par an à partir de 2026. RWE a également conclu des accords pour acheter du gaz liquéfié à Adnoc, la compagnie pétrolière publique d'Abu Dhabi.

Remplacer le gaz naturel acheminé par gazoduc par du GNL était une décision politique du gouvernement fédéral”, a déclaré RWE dans un courriel adressé à DeSmog. “L'objectif était clair : rendre l'Allemagne moins dépendante des importations russes et garantir une sécurité d'approvisionnement pour l'industrie et les ménages aussi rapidement que possible.

Markus Krebber, directeur général de RWE, et Klaus-Dieter Maubach, directeur général d'Uniper, se sont entretenus avec le secrétaire d'État Jörg Kukies au sujet d'une “collaboration” avec le Sénégal. Aucune des deux entreprises ne s'est exprimée publiquement sur la poursuite de projets gaziers dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, mais les rapports sur un éventuel partenariat entre le gouvernement allemand et le Sénégal ont suscité de vives critiques de la part des défenseurs du climat.


Les représentants de l’industrie du gaz et de l’énergie ont rencontré des représentants allemands au moins 547 fois au cours des sept mois qui ont suivi l’invasion


Les officiels allemands se sont également entretenus régulièrement avec les multinationales du pétrole et du gaz au cours des premiers mois de la guerre, notamment avec les directeurs généraux de Shell, TotalEnergies et Equinor. Ces réunions ont porté sur divers sujets, dont “l'approvisionnement en énergie”, l'abandon du pétrole russe, ou encore l’exploitation de l'hydrogène.

Les entreprises et les groupes mentionnés dans cet article ont été contactés par DeSmog pour obtenir des commentaires, mais – sauf indication contraire – sans succès.

Le gouvernement allemand a cherché à apaiser les inquiétudes concernant l'impact potentiel de l'infrastructure gazière sur le climat en assurant que les terminaux seront adaptés à la transition vers l'hydrogène – présenté par l'industrie du gaz comme un carburant durable.

Une transition de plus en plus longue

Se conformer à l'accord de Paris de 2015 pour éviter un changement climatique catastrophique implique une élimination complète des énergies fossiles – y compris le gaz naturel, avertit Susanne Ungrad au nom du Ministère fédéral de l'Économie et de la Protection du Climat.

“Il est donc important que, partout où de nouvelles infrastructures gazières sont construites, le passage à des sources d'énergie renouvelables telles que l'hydrogène et ses semblables soit également envisagé et planifié dès le début”, soutient-elle.

Selon leurs opérateurs, les terminaux flottants seront convertis à l'hydrogène et à d'autres gaz liquides "propres" dès 2025, et les terminaux d'importation terrestres commenceront à traiter l'hydrogène vert alimenté par les énergies renouvelables à peu près au même moment. Les experts mettent quant à eux en doute la faisabilité économique et technique derrière ces promesses.

Bien que l'hydrogène n'émette aucun gaz polluant lorsqu'il est brûlé, la grande majorité de la production mondiale actuelle se fait sous la forme d'hydrogène “gris”, produit à partir de gaz naturel. L'hydrogène “vert”, plus propre – obtenu en divisant l'eau par électrolyse – est présenté comme une solution vitale pour le climat par les gouvernements et les industries. Toutefois, ce procédé coûteux est gourmand en énergie et en eau, et ne fonctionne actuellement qu'à une échelle réduite.

Le méthanier Höegh Grace à quai au terminal GNL de Cartagena (Colombie). | Photo : Höeg LNG

En novembre 2022, un rapport publié par l'Institut Fraunhofer pour la recherche sur les systèmes et l'innovation exprimait ses doutes quant à une utilisation future de l'hydrogène dans les terminaux adaptés au gaz liquéfié, et prévenait que ceux-ci risquaient ainsi de devenir obsolètes. Le gouvernement allemand a par la suite qualifié ces préoccupations d’infondées.

Pour l’instant, il semble clair que l’augmentation des émissions liées à la production de gaz liquéfié dans les années à venir pourrait entraîner des conséquences désastreuses pour le climat. En novembre encore, le cabinet d'études norvégien Rystad Energy communiquait à la BBC les résultats d'une étude montrant que les émissions de carbone dues à la production et à l'expédition de GNL vers l'Europe étaient potentiellement dix fois supérieures à celles du gaz russe transporté par gazoduc – notamment en raison de l'énergie supplémentaire nécessaire au refroidissement du gaz avant son transport, puis à sa regazéification une fois arrivé.

L'analyse concluait en avançant que l'Europe produirait 35 millions de tonnes d'émissions carbone supplémentaires par rapport à 2021 si elle remplaçait tout son gaz russe d'ici à la fin de l'année prochaine. A titre de comparaison, les émissions annuelles de l'Allemagne sont d'environ 675 millions de tonnes.

1,9 gigatonnes de CO2 par an

Par ailleurs, une note d'information publiée en novembre par Climate Action Tracker a révélé que les projets de développement du GNL éloigneront encore davantage le monde entier de l'objectif de l'accord de Paris – qui vise à limiter la hausse des températures moyennes mondiales à 1,5 °C.

Si tous les projets actuellement prévus se concrétisent – la plupart en Amérique du Nord – l'industrie mondiale du GNL dépassera les limites d'émissions fixées par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans son scénario “zéro émission nette”. Un maximum l'équivalent à 1,9 gigatonne d'émissions de CO2 par an d'ici à 2030, approximativement la même quantité que les émissions annuelles produites par la Russie, selon l'organisation.

L'association Environmental Action Germany a placé le changement climatique au centre d'une action en justice qu'elle a intentée contre le terminal flottant d'Uniper à Wilhelmshaven. Elle soulève également des inquiétudes concernant les accidents et les droits relatifs à l'eau, et exige que l'installation soit exploitée pendant 10 ans au maximum.

Ils appellent [le GNL] un “pont énergétique”, mais cette transition ne fait que se prolonger”, a déclaré à DeSmog Jochen Martin, un militant écologiste de Wilhelmshaven qui n'est pas impliqué dans le procès. “Cette transition est en train de devenir un très long pont, en réalité.”

Une solution pas si durable 

Les opposants aux infrastructures GNL craignent que l'accès de l'industrie du gaz au sein du gouvernement occulte les préoccupations valables concernant la rentabilité des nouveaux projets – dont le coût a doublé par rapport aux estimations initiales et atteint maintenant plus de six milliards d'euros.

Selon un rapport de E3G en collaboration avec l' Institut pour l'énergie, l'économie et l'analyse financière (IEEFA), l’Institut de Wuppertal et Neon, la hausse des prix du gaz naturel signifie que l'importation de GNL pourrait se traduire par des coûts supplémentaires allant jusqu'à 200 milliards d'euros d'ici à 2030.

Cette hausse doublerait les factures des consommateurs et engloutirait les subventions allouées, qu'il serait plus judicieux de consacrer à la réduction de la demande de gaz importé en développant les projets gouvernementaux visant à rendre les anciens bâtiments plus performants. Selon le rapport, ces mesures supplémentaires pourraient rendre complètement inutile la construction de terminaux terrestres d'importation de gaz liquéfié.

Nous ne pouvons pas nous contenter de subventionner les coûts [du GNL] – ce n'est en aucun cas viable, ni financièrement, ni d'un point de vue climatique”, avertit Mathias Koch, un représentant d'E3G, qui a cosigné le rapport. “Il serait désastreux de continuer dans cette voie.

L'invasion de l'Ukraine a fait grimper en flèche les prix du GNL. Des analystes estiment que ce surcoût incite de nombreux marchés à passer plus rapidement aux énergies renouvelables, ce qui signifie que la demande en gaz naturel liquéfié pourrait culminer plus tôt que prévu et laisser ainsi les nouveaux terminaux d'importation allemands à l’abandon.

Pour Clark Williams-Derry, analyste et spécialiste du gaz à l'IEEFA; “rien ne garantit que la demande de GNL sera au rendez-vous”, . Il prévoit que les terminaux terrestres prévus n'atteindront pas leur durée de vie opérationnelle : “A long terme, ils ne seront pas utilisés.

Un bien maigre réconfort pour les défenseurs du climat qui scrutent désormais l'horizon, y cherchant les signes annonçant l’installation des prochaines unités gazières flottantes.

Ce reportage est issu d'une série de DeSmog sur l'influence exercée par le lobby du gaz en Europe et a été rédigé avec le soutien de Journalismfund.eu.
👉 Article original sur DeSmog

Cet article vous a intéressé ? Nous en sommes très heureux ! Il est en accès libre, car nous pensons qu’une information libre et indépendante est essentielle pour la démocratie. Mais ce droit n’est pas garanti pour toujours et l’indépendance a un coût. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à publier une information indépendante et multilingue à destination de tous les Européens. Découvrez nos offres d’abonnement et leurs avantages exclusifs, et devenez membre dès à présent de notre communauté !
Voir plus de commentaires Je deviens membre pour traduire les commentaires et participer

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

sur le même sujet