Sécurité énergétique : la promesse que l’industrie du gaz martèle depuis la guerre en Ukraine

Depuis le début du conflit en Ukraine, le lobby du gaz inonde les réseaux sociaux de messages soutenant la mise en place de nouveaux projets d’envergure en Europe. Une intense campagne de promotion qui pourrait bien nuire au développement des énergies renouvelables et enfermer l’UE dans sa dépendance aux énergies fossiles.

Publié le 5 avril 2023 à 12:42

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le lobby gazier européen intensifie sa campagne d’influence, exploitant les craintes liées à la sécurité énergétique pour justifier des projets qui risquent d'enfermer le continent dans une dépendance à long terme vis-à-vis des combustibles fossiles, comme le révèle DeSmog.

C’est ainsi que, l’année passée, quatre grands groupes industriels ont multiplié les tweets vantant les investissements dans le gaz et les infrastructures connexes comme la clé d'un approvisionnement énergétique sûr. Le début de l'invasion a donné le coup d’envoi de cette opération de charme qui, comme le révèle une analyse de leurs réseaux sociaux, s’est maintenue tout au long de l'année dernière.  

Les groupes de pression en question ? Gas Infrastructure Europe, Gas For Climate, Eurogas et la branche européenne de l'Association internationale des producteurs de pétrole et de gaz (en anglais International Association of Oil and Gas Production, IOGP), qui représente les entreprises exploitant gazoducs, installations de stockage de gaz et infrastructures permettant l’importation de gaz naturel liquéfié (GNL). Parmi les membres de cette association figurent des grandes compagnies pétrolières telles que Shell, BP, TotalEnergies, Chevron, ExxonMobil et Eni, qui en 2022 ont enregistré des bénéfices records grâce à la crise énergétique déclenchée par l'invasion.  

Les défenseurs du climat craignent que ces tweets ne représentent que la partie émergée de l'iceberg des efforts déployés à huis clos par l’industrie pour persuader les gouvernements européens de soutenir les investissements à long terme dans le gaz. Selon eux, un tel engagement se ferait au détriment du développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique nécessaires pour atteindre les objectifs de l'Union européenne en matière de climat 


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"L'industrie gazière veut nous faire croire qu’avoir plus de gaz nous protège plus, mais plus de gaz entraîne plus de changement climatique, ce qui en réalité nous rend plus vulnérables", alerte Ben Franta, chargé de recherche principal à l'Oxford Sustainable Law Programme, qui analyse les stratégies juridiques visant à tenir les producteurs de combustibles fossiles responsables de leur impact sur le climat.

"L'industrie gazière se sert de l'actualité – la guerre et la crise énergétique – pour tenter de verrouiller l'approvisionnement en gaz pour des décennies, même si elle sait que cela sera désastreux pour le climat et la stabilité internationale", ajoute-t-il.

La guerre, une “aubaine” pour le gaz

L'analyse par DeSmog de 1075 tweets des quatre groupes de pression démontre que les propos mettant l'accent sur la sécurité énergétique, ou sur la perspective d'une pénurie ou d'une crise énergétique, représentaient environ 3 % des messages au cours des dix mois précédant l'invasion. Cette proportion a plus que décuplé après le début des hostilités, les avertissements relatifs à la sécurité énergétique apparaissant dans environ un tiers des tweets de la fin février à décembre. Pour améliorer leur visibilité, les tweets étaient parfois agrémentés de hashtags tels que #StrategicAutonomy ou #SecurityOfSupply. Des propos qui ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd ; collectivement, les quatre groupes de pression ont plus de 15 000 abonnés.

L'invasion a par ailleurs fait grimper les prix du gaz à des niveaux record, menacé de paralyser les ménages européens, réveillé le spectre de possibles pénuries hivernales et poussé les pays tributaires des importations de gazoduc russe à chercher des solutions de remplacement. 

Même les défenseurs du climat reconnaissent qu'il était nécessaire d'importer du gaz en urgence pour assurer la demande alors que l'Europe tâchait de réduire rapidement sa dépendance à l'égard de la Russie. Mais les militants affirment également que l'industrie gazière profite de cette crise temporaire pour relancer des projets de longue date, comme la construction de nouveaux terminaux permettant l’importation de GNL depuis des fournisseurs de la côte du Golfe américaine à l'Australie en passa…

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