Des observateurs de l’UEMM à la frontière entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud, en juillet 2009. (AFP)

L’Europe prise entre deux feux

Un an après la guerre-éclair entre la Géorgie et la Russie, le ton monte entre les deux pays, qui s'accusent mutuellement de vouloir rompre la trêve. Chargée de veiller sur le cessez-le-feu et le respect des accords de paix, l'Union européenne s'interroge sur son rôle en cas de reprise du conflit.

Publié le 6 août 2009 à 14:38
Des observateurs de l’UEMM à la frontière entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud, en juillet 2009. (AFP)

La tension sur place "est très forte, même si elle a quelque chose de surréaliste", note Il Sole 24 Ore, pour qui "rien de nouveau ne remet en cause la situation anormale qui s'est cristallisée il y a un an après cinq jours d'affrontements : l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie sont entre les mains de Moscou, bien que (presque) tout le monde considère qu'elles font encore partie de la Géorgie ; 3 700 soldats russes surveillent les frontières, les observateurs de la Mission de surveillance de l'Union européenne en Géorgie(UEMM) veillent au respect du cessez-le feu et le président géorgien Mikhéil Saakashvili est toujours en selle, quoique sérieusement affaibli suite à la guerre, la crise économique et les protestations de l'opposition".

L'Union européenne n'a pas de "doctrine de réaction"

La guerre a par ailleurs "rendu à la Russie son rôle en tant qu'acteur de premier plan - et redoutable - sur la scène internationale", note le rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs, Fiodor Loukianov, dans une interview au quotidien polonais Gazeta Wyborcza. De plus, ajoute-t-il, "la guerre a stoppé le processus d'expansion de l'OTAN, en montrant que le risque que l'un de ses Etats membres soit impliqué dans un conflit armé est réel".

Effectivement, lui fait écho le directeur du centre Russie-NEI à l'Institut français des relations internationales (IFRI), Thomas Gomart, dans un entretien au quotidien français Le Monde : "Washington estime dorénavant qu'il ne faut pas précipiter l'entrée de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'OTAN, pour éviter une déstabilisation de la région", même si, note-t-il, "depuis la fin de la guerre, la Russie", frappée par la crise économique, "a perdu de son influence". "L'attitude des Européens est finalement celle qui a le moins changé, alors que ce sont eux les plus directement concernés par le conflit", souligne encore Thomas Gomart. Depuis le renvoi, à la demande de Moscou, des missions de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et de l'ONU, les observateurs de l'Union européenne sont les seuls présents sur le terrain. Or, remarque-t-il, si elle devait prochainement être prise à partie par les Russes ou les Géorgiens, ou en cas de reprise du conflit, "l'Union n'a pas de doctrine de réaction".

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Tandis que les efforts diplomatiques, qui se déroulent depuis près d'un an sous le patronage de l'Union, "piétinent", note encore Gomart, Moscou et Tbilissi font ces jours-ci "la course pour réaffirmer face au monde les raisons qui ont poussé [ le président Saakashvili ] à tenter de reprendre le contrôle" de l'Ossétie du sud, et "déterminé le Kremlin à l'en empêcher", remarque Il Sole 24 Ore. El País explique que les deux ex-belligérants cherchent à convaincre la Mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie, dirigée par la diplomate suisse Heidi Tagliavini et placée elle aussi sous l'égide de l'UE, qu'ils agissent selon leur bon droit. La Mission doit remettre son rapport sur les origines et le déroulement du conflit fin septembre, mais le Tagesspiegel croit savoirqu'elle a d'ores et déjà établi que la Géorgie a indéniablement contribué à l’éclatement de la guerre. Toutefois, note le quotidien berlinois, l'UE devrait reconnaître que pays n'a pas violé le droit international. La Géorgie est encore loin d'être une démocratie telle qu’elle est définie en Occident, conclut le Tagesspiegel, mais les experts sont d’accords pour dire que "ce n'est qu'en se tournant vers l'Europe qu'elle a une chance de se démocratiser".

Vers un nouveau conflit ?

En attendant, note Il Sole 24 Ore, les deux parties se comportent "comme si elles voulaient recréer un scénario qui pourrait, comme il y a un an, basculer inévitablement vers la guerre : en accusant le 4 août les Géorgiens d'avoir tiré au mortier sur Tshkinvali, la capitale de l'Ossétie du Sud, les Russes ont relevé le niveau d'alerte et entamé des manœuvres militaires 'préventives'. Tshkinvali a fermé le dernier morceau de frontière encore ouvert avec la Géorgie sous prétexte d'éviter les provocations, mais aussi la diffusion de la grippe porcine. Tbilissi dément avoir violé la trêve, exclut tout plan pour une attaque et accuse Moscou de vouloir modifier les frontières, même si les observateurs européens n'ont pas les moyens de le prouver". Malgré un niveau de tension élevé, les observateurs sont partagés quant à une reprise imminente des hostilités.

Dans le quotidien parisien Le Figaro, Alexander Golts, expert russe des questions géostratégiques, estime que "la Russie n'a aucune raison de s'engager dans un conflit", puisqu'elle a déjà atteint son objectif : montrer à l'Occident ses velléités hégémoniques dans le Caucase. Pavel Felgenhauer, un autre expert militaire russe, affirme au contraire que "la Russie prépare le terrain pour une nouvelle guerre contre la Géorgie", dont l'objectif sera cette fois carrément de "renverser le régime" de Mikheïl Saakachvili.

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