"Des gens comme Le Pen. Quelle horreur" : c’est ainsi que le chef du Parti pour la liberté (PVV, droite populiste) Geert Wilders parlait du Front National (FN, extrême droite) en 2007, rappelle NRC Handelsblad. Mais, si après les élections européennes de 2009 Wilders refusait toujours que les membres de son parti siègent aux côtés de ceux du FN pour ne pas être associé avec l’extrême droite, il semble aujourd'hui avoir mis de l’eau dans son vin. Le 13 novembre, le chef du PVV a reçu Marine Le Pen à La Haye dans le but de créer une alliance en prévision des élections européennes de l’année prochaine, une visite considérée avec scepticisme au sein même de son parti à cause des différences idéologiques entre les deux formations. S’ils partagent leur euroscepticisme et leur opposition à l’immigration, les points de vue pro-Israël et pro-homosexuels du PVV ne semblent pas être du goût du FN. Le journal note qu’au sein du PVV,
pour le moment, les voix critiques ne se font pas publiquement entendre, puisqu’elles ont vu ce qui s’est passé avec leur collègue [Louis] Bontes [expulsé récemment pour avoir critiqué publiquement la direction]. Mais si Wilders poursuit sa coopération avec Le Pen et le dirigeant du FPÖ [autrichien, Heinz-Christian] Strache, il y a de très fortes chances que des membres du PVV finiront par quitter le mouvement.
De Volkskrant déplore pour sa part que les partis traditionnels aux Pays-Bas n’arrivent pas à donner une “réponse ferme” aux voix eurosceptiques du PVV :
Les défenseurs de l’UE et de l’euro affichent un retard considérable. Il serait grand temps de relever le défi, comme l’a fait Wilders, avec des candidats convaincants et des discours convaincants. [...] Mais au lieu de cela, les partis [traditionnels] nomment des illustres inconnus comme têtes de liste et misent sur une faible participation [aux européennes] qui limiterait les dégâts. C’est mépriser les électeurs, et ce mépris ne fera qu’aggraver leur aliénation par rapport au projet européen.
Dans Trouw, un spécialiste du monde arabe met en garde contre les conséquences désastreuses que pourrait avoir une alliance forte entre le FN et le PVV. Si elle représente une “situation gagnant-gagnant” pour les partis concernés,
ce ne sera pas le cas pour les pays européens. Le FN, tout comme le PVV, entendent diffuser l’idéologie extrêmement fâcheuse qu’est la xénophobie. Et une fois ce poison distillé dans les gênes des Européens, il sera difficile de s’en débarrasser, comme nous l’a appris notre très violente histoire.
En France, Le Monde estime que l’objectif de Marine Le Pen et de Geert wilders est simple : “L’extrême droite européenne cherche à se fédérer pour obtenir un groupe au Parlement européen après les élections de mai 2014”. Mais le quotidien note que
la barre est bien haute, et le but des deux dirigeants europhobes n’est pas encore atteint. Car, pour constituer un groupe, il leur faudra avoir vingt-cinq élus répartis dans au moins sept pays del’Union européenne. Pour l’heure, il leur manque deux pays. Dans leur démarche, ils peuvent compter sur les partis de l’Alliance européenne pour la liberté, à laquelle appartient Marine Le Pen. […] On y retrouve le FPÖ autrichien, […] les Belges du Vlaams Belang et les Démocrates suédois. Une réunion technique, sans les chefs, devait avoir lieu jeudi 14 novembre à Vienne.
L’accord FN-PVV suscite quelques inquiétudes en Europe centrale également. Pour le quotidien slovaque SME, il ne faut pas se fier à Marine Le Pen et à Geert Wilders car
ils parlent de liberté et de démocratie, affirment se reconnaître dans les valeurs libérales et militeraient presque pour les droits des femmes ou des homosexuels. Mais ils ne le font que pour certaines personnes : les leurs. Ils sont hostiles aux Européens de l'Est et aux musulmans, encore plus aux immigrés, et ils abhorrent la perte de souveraineté au profit de Bruxelles. […] Les partis d'extrême droite connaissent également un regain en Scandinavie. […] Se voiler la face au sujet du populisme ne fait que le renforcer.
Mais en Scandinavie justement, les choses ne sont pas si simples. Le Dansk Folkeparti a en effet tout de suite refusé l’’offre de Le Pen et Geert Wilders de se joindre à l’’alliance eurosceptique formée le 13 novembre, explique à Copenhague le quotidien Politiken. Aux yeux du parti populiste danois, le FN a des "racines profondes dans l’’anti-sémitisme". Le vice-président du parti, Søren Espersen, s’est même dit choqué que les populistes suédois puissent réfléchir à cette ’offre. En conclusion, pour Politiken,
Il est possible que Marine Le Pen et le Front National enchantent davantage les Francais. Mais pas les populistes danois.