Pas d’élargissement sans règles claires

Publié le 30 juillet 2010 à 10:27

L'obstruction d'importants Etats membres à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne suscite la "colère" de David Cameron, qui s'est engagé à défendre la cause d'Ankara. Ceux qui s'interrogent sur les raisons pour lesquelles le Premier ministre britannique, malgré son manque d’expérience, a opté pour une position aussi ferme (qui pourrait lui attirer les foudres de l'Allemagne et de la France), trouvent une réponse dans ces quelques lignes de son discours devant le parlement turc, le 27 juillet : l'Europe a besoin du soutien de ses voisins proche-orientaux pour régler un certain nombre de problèmes brûlants et, en premier lieu, le nouveau volet de sanctions contre le programme nucléaire iranien.

Le "franc-parler" de Cameron atteste sans doute du succès de la nouvelle stratégie de la Turquie, qui a troqué son rôle d'éternelle fiancée contre celui, plus avantageux, de puissance indépendante. Mais la Turquie n'est pas le seul pays préoccupé par son entrée dans l'UE ces dernier temps. Après la légitimation de l'indépendance du Kosovo par la Cour internationale de justice, qui a rejeté l'appel de Belgrade, les ministres des Affaires étrangères italien, slovaque et autrichien ont souligné le besoin de flatter les sentiments pro-européens blessés de la Serbie et d'accélérer son processus d'adhésion en guise de compensation.

Dans l'attente d'une adhésion, il est courant de brûler la politesse à ses voisins et de se chamailler avec eux. Lechemin de traverse réservé à l'Islande qui cherchait le bouclier de l'euro pendant la tempête financière, a provoqué l’indignation de nombreux prétendants de longue date (d’autant plus que beau temps étant revenu, Reykjavik freine désormais sa course). Parmi eux, la Croatie, mieux placée que d'autres en 2004 pour entrer dans l'Union, mais dont l'adhésion a été bloquée par une querelle de frontière maritime futile avec la Slovénie.

Pour développer son profil international et sa crédibilité, l'UE vient de lancer son Service pour l'action extérieure. Ses coûts élevés et la complexité de son organisation ont fait froncer de nombreux sourcils en temps de crise. Pourtant, à court terme, il existe un moyen bien plus simple d’atteindre les mêmes buts : mettre en place des critères d'adhésion transparents, une bonne fois pour toutes, et libérer ce processus du poids des intérêts variables des Etats membres. Déterminer les futures adhésions est le "soft power" le plus imposant que Bruxelles puisse manier pour influencer la ligne de conduite de ses voisins. User d'une attitude injuste et capricieuse est, au contraire, le meilleur moyen d'aliéner des partenaires-clés, comme le montre l'exemple ukrainien et comme pourrait bientôt le confirmer l'exemple turc.

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Gabriele Crescente

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