Costea Haiducu est viticulteur. Le sexagénaire habite Stețcani, un village au nord de la capitale de la Moldavie, Chișinău. Si aujourd’hui la population de Stețcani ne dépasse pas la centaine, ça n’a pas toujours été le cas : “Les seuls qui restent sont les vieux de 60 ans, comme moi. Les gens fuient ce pays et ça me fait beaucoup de peine. C’est devenu normal dans les villages ici”, regrette Haiducu. Dès que les habitants en ont l’opportunité, ils laissent derrière eux leurs habitations dans l’espoir d’une vie meilleure, dans la capitale ou à l’étranger. Et dans le sillage de cet exode massif ne restent que des villages désertés aux airs fantomatiques.
![Moldova Migration empty town](https://voxeurop.eu/wp-content/uploads/2023/11/VE-Moldavie-TDonguy-2-1024x683.jpg)
“Les jeunes ne sont pas les seuls à quitter le pays”, explique l’homme vêtu d’un bleu de travail délavé. Si la plupart des gens essaient en général de rejoindre la capitale, les plus aisés prennent directement la route de l’Europe de l’Ouest. De cet exode, Costea est une victime directe : “ma femme est partie travailler en Italie il y a 10 ans. Elle me manque tellement”. Les larmes aux yeux, le vieil homme retourne vers sa petite habitation, laissant derrière lui la seule route goudronnée du village.
Depuis son indépendance en 1991 après l’effondrement de l’URSS, ce pays encastré entre la Roumanie et l’Ukraine est l’un des plus pauvres d’Europe. De la taille de la Belgique et peuplée de 2,6 millions d’habitants – dont un tiers vit et travaille à l’étranger – la Moldavie s’est souvent retrouvée tiraillée entre autoritarisme et démocratie.
Ce sont les villages du pays qui ont payé le prix de cette instabilité : manque d’investissements dans les infrastructures publiques, apparition de déserts médicaux et transports publics inexistants. “150 villages de plus pourraient disparaître au prochain recensement de la population”, explique le démographe moldave Valeriu Sainsus.
![Moldova Migration empty town crop field](https://voxeurop.eu/wp-content/uploads/2023/11/VE-Moldavie-TDonguy-3-1024x683.jpg)
Dans les campagnes du pays, les chiens errants sont parfois plus nombreux que les humains. Les carcasses de maisons abandonnées, parfois encore en chantier, se transforment peu à peu en niches en ce début d’hiver.
Des chemins de l’exil bien tracés
Les chemins de l’exil, empruntés depuis trente ans, sont bien établis, et les moyens de quitter le pays ne manquent pas. Chaque mercredi et vendredi, la même scène se répète à la gare routière de Chișinău : à 10h15, un bus de la société EuropaTur prend la route pour Paris. Colea, Moldave d’une trentaine d’années, quitte une fois de plus sa compagne pour rentrer travailler dans l’Hexagone. Il lui faudra plus de 20 heures de route pour rejoindre la capitale française.
En 2023, plus d’un million de Moldaves vivent à l’étranger. Si la majorité de la diaspora vit aujourd’hui en Roumanie ou en Ukraine, des milliers d’expatriés travaillent aussi en Italie ou en Espagne. Dans ces bus, c’est la main-d'œuvre qualifiée qui quitte le pays. La Moldavie dépend économiquement de cette diaspora, qui envoie une partie de son salaire aux familles restées sur place.