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Quand la finance verte made in Europe récompense la déforestation en Indonésie : le cas Michelin

Conçue pour soutenir des projets de développement durable, la finance verte ne l’est pas toujours autant que ses acteurs essaient de le faire croire. Parfois, un projet certifié “écologique“ peut avoir contribué à détruire la forêt tropicale et ainsi duper ses investisseurs éco-responsables. Après une enquête au long cours, Voxeurop lève le voile sur une vaste opération de greenwashing menée en Indonésie par Michelin, le numéro un mondial des pneumatiques.

Publié le 9 novembre 2022 à 15:35
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Introduction

La ruée vers l’or vert

Dans la lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences, la finance verte et durable apparaît comme un formidable levier. Investir dans des projets respectueux de l’environnement plutôt que dans les énergies fossiles ; voilà une opportunité qui répond aux demandes de plus en plus pressantes de l’opinion publique et de certains investisseurs. 

Il n’est ainsi pas surprenant qu’un nombre croissant d’entreprises y ait recours pour développer leur activité, animées par une réelle démarche éthique et écologique et/ou soucieuses de la brandir dans leur communication.  


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Développée dans les années 2010 et officialisée par l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat en 2015 (la date est importante, et nous y reviendrons), la finance verte regroupe un grand nombre d’outils, d’instruments et d’acteurs, à grand renfort d'acronymes et de mécanismes plus ou moins clairs, ou obscurs, c’est selon. 

Si nous nous sommes appliqués à rendre accessibles et compréhensibles les informations qui vont suivre, le sujet demeure exigeant. Bonne nouvelle : quand vous serez au bout de cette histoire, vos perspectives sur la finance verte devraient être aussi dégagées que celles d’une forêt primaire passée par le fil des tronçonneuses.

Venons-en à Michelin. Parmi les entreprises européennes qui se targuent d’avoir mis en place une politique “durable”, le géant du pneumatique met en avant son engagement pour une “gestion responsable et durable de la filière hévéicole (culture d’hévéas) […] son ambition ‘zéro déforestation’ et son engagement pour la protection de la biodiversité”. Ainsi, le groupe peut-il affirmer à ses actionnaires et à ses clients que ses pneus en caoutchouc naturel sont plus éco-compatibles que ceux de ses concurrents. 

Fleuron de cette politique environnementale en matière de caoutchouc naturel durable, le projet Royal Lestari Utama (RLU) en Indonésie – une joint-venture entre Michelin et son partenaire local Barito Pacific créée en 2015 – est présenté à grand renfort de vidéos commerciales comme la success story ultime : planter des hévéas pour reforester des zones dévastées par l’exploitation illégale de bois, créer de l’emploi local, protéger la flore, la faune, les éléphants, les orangs-outans et les bébés tigres. Le tout avec l’implication du World Wildlife Fund (WWF), le parrainage du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et le soutien de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) qui l’ont présenté comme un modèle de chaîne de valeur durable.

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