Dans le monde d'aujourd'hui, il est primordial de gérer une entreprise de manière durable en respectant les droits humains et l'environnement. Et cela va au-delà de la simple garantie d'un traitement équitable de ses propres employés ; cela englobe l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement et les communautés affectées par les activités des entreprises. Bien qu'il existe des cadres internationaux pour orienter les activités des entreprises dans la bonne direction, leur mise en œuvre demeure partielle, perpétuant les violations des droits humains.
C'est pourquoi des lois sont indispensables. Les entreprises de toutes tailles et intervenant tout le long de la chaîne de valeur mondiale devraient ainsi être obligées d'évaluer leur responsabilité à l'égard des principaux problèmes systémiques, tels que la pauvreté, la déforestation, le travail forcé, la pollution et la sécurité des travailleurs. Les entreprises doivent également agir pour prévenir, atténuer et remédier à leurs impacts.
Comment renforcer la responsabilité des entreprises en matière de droits humains et environnementaux ? Cette question fondamentale est actuellement examinée par le Parlement européen, les Etats membres de l'UE et la Commission européenne dans le cadre des négociations du trilogue sur la Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDD).
Chez Fairtrade, nous saluons la position adoptée par le Parlement européen. Elle va le plus loin en s'alignant sur les lignes directrices internationales sur les droits humains et la vigilance environnementale (HREDD) (UNGPs et lignes directrices de l'OCDE) et fixe ainsi le plus haut niveau d'ambition parmi ces trois institutions.
Les décideurs de l'UE ont un choix clair : la HREDD peut créer une révolution en matière de progrès des droits des agriculteurs et des travailleurs et de durabilité environnementale. Ou bien elle peut devenir un texte législatif qui impose aux producteurs des exigences supplémentaires, en cascade depuis les grandes marques et les distributeurs, sans partage équitable des coûts ni prise en compte des points de vue et des besoins des petits exploitants agricoles. La conséquence serait une législation qui risque de détériorer les moyens de subsistance des petits producteurs et donc de ne pas s'attaquer aux causes profondes des violations des droits humains et de la dégradation de l'environnement.
Eléments essentiels de la législation sur le devoir de vigilance
La HREDD n'est pas un processus à taille unique. Il varie en fonction de la taille et de la nature des entreprises, qu'il s'agisse d'une petite organisation de producteurs de café ou d'un grand détaillant avec des milliers de chaînes d'approvisionnement. La HREDD est axée sur l'amélioration continue, la transparence, la collaboration, le dialogue, le respect et le partage équitable des coûts. Ces principes fondamentaux doivent être incorporés dans la DDVED, conformément à la position du Parlement européen.
L'engagement ferme des parties prenantes est un élément central du devoir de vigilance, et le groupe de parties prenantes le plus important est celui des personnes dont les droits peuvent être affectés par la manière dont les entreprises exercent leurs activités. Les entreprises doivent faire un véritable effort pour écouter les points de vue des ayants-droits à chaque étape du processus HREDD.
En outre, l'évaluation des risques des entreprises doit inclure une analyse approfondie de l'impact de leurs pratiques d'achat sur les fournisseurs. Les pratiques d'achat déloyales, telles que les délais courts, les changements de commande de dernière minute et les pressions sur les prix, ont des conséquences importantes sur la capacité des fournisseurs à garantir des conditions de travail sûres, des salaires équitables et des pratiques de production durables.
Les entreprises doivent assumer la responsabilité de contribuer à un niveau de vie adéquat tout au long de leur chaîne de valeur. Cela signifie un salaire décent pour les employés et un revenu décent pour les petits exploitants et les travailleurs indépendants. Le salaire et le revenu de subsistance sont des droits humains, comme le soulignent le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (articles 7 et 11) et la Déclaration universelle des droits de l'homme (articles 23 et 25).
Le coût du devoir de vigilance ne doit pas être répercuté sur les partenaires commerciaux en position de faiblesse. Le devoir de vigilance ne doit pas consister en des exigences imposées du haut vers le bas qui font peser les coûts uniquement sur les producteurs.
Enfin, les règles relatives à la manière de mettre fin à une relation commerciale doivent prendre en compte les impacts sur les ayants-droits. Le désengagement ne doit être envisagé qu'en dernier recours après que l'entreprise a fait tous les efforts en son pouvoir pour prévenir et atténuer les impacts négatifs.
Soutien additionnel à la mise en œuvre
Si une législation HREDD rigoureuse est essentielle, il est tout aussi important d'apporter un soutien aux entreprises sur les aspects pratiques de la mise en œuvre.
La législation finale doit présenter les mesures d'accompagnement qui peuvent aider les acteurs de la chaîne de valeur dans le processus de mise en œuvre, telles que la formation, les ressources disponibles en ligne, le soutien financier et les partenariats. Lors de la conception de ces mesures d'accompagnement, il est primordial d'intégrer la voix des ayant-droits.
C'est pourquoi il est indispensable de recueillir beaucoup plus d'informations sur les défis, les besoins et les coûts que la mise en place d'un processus HREDD requiert de la part des producteurs. Le réseau Fairtrade des petits producteurs et travailleurs équitables d’Amérique Latine et des Caraïbes (CLAC) mène actuellement des projets pilotes avec quatre organisations de producteurs en Amérique latine afin de rassembler ces données.
Le rôle de Fairtrade dans la promotion de HREDD
Les organisations multipartites telles que Fairtrade jouent un rôle essentiel en soutenant les efforts de vigilance des entreprises, mais elles ne peuvent pas se substituer à leur propre HREDD.
À travers nos standards, nous attendons des organisations certifiées Fairtrade qu'elles mettent en œuvre des mesures de vigilance, y compris des évaluations de risques, des politiques et des mesures correctives. Nous fournissons également des conseils, des formations et un soutien permanent aux agriculteurs, aux travailleurs, aux mineurs et à la direction des plantations et des usines. Nos outils pour ce travail comprennent la Fairtrade Risk Map.
De plus, nous avons développé des guides complets et des ressources pour les différentes parties prenantes de la chaîne de valeur, offrant des outils pratiques et du contenu pour faciliter le développement d'un processus HREDD efficace.
Récemment, nous avons publié un ensemble de nouveaux services de conseil HREDD pour les entreprises afin de les soutenir dans leur démarche de devoir de diligence. Nous pouvons notamment soutenir la prévention et l'atténuation des risques, ainsi qu'un engagement significatif entre les entreprises et les personnes affectées.
En conclusion, pour parvenir à une gestion responsable des entreprises, il faut une législation rigoureuse et une collaboration entre celles-ci, les gouvernements et la société civile. Les négociations en cours dans le cadre du trilogue sur la HREDD sont l'occasion de fixer le bon niveau d'ambition et d'ouvrir la voie à des avancées révolutionnaires en matière de protection des droits humains et de l'environnement.
Nous avons un rôle à jouer, mais tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement aussi. Et les gouvernements.
Fairtrade appelle les Etats membres de l'UE à faire preuve de leur engagement et à s'assurer que nous disposons d'une loi DHVE efficace au niveau de l'UE, qui ait un impact positif sur les petits exploitants agricoles et les travailleurs des chaînes de valeur.
Cet article vous intéresse ?
Il est en accès libre grâce au soutien de notre communauté. Publier et traduire nos articles à un coût. Pour continuer à vous informer en toute indépendance, nous avons besoin de votre soutien.
Depuis les années 1980 et la financiarisation de l’économie, les acteurs de la finance nous ont appris que toute faille dans la loi cache une opportunité de gain à court terme. Les journalistes récompensés Stefano Valentino et Giorgio Michalopoulos décortiquent pour Voxeurop les dessous de la finance verte.
Voir l’évènement