Revue de presse Cap Nord-Ouest

En matière de climat, l’optimisme est aussi permis

Optimisme rafraîchissant de la part de la scientifique Hannah Ritchie concernant le climat, lancement du plan français de réduction des émissions et déclin des moules perlières d'eau douce irlandaises, protégées mais menacées : notre revue de presse de l’actualité du nord-ouest de l'Europe.

Publié le 16 janvier 2024 à 20:01

Le premier livre de Hannah Ritchie, Not The End Of The World : How We Can Be the First Generation to Build a Sustainable Planet (“Pas la fin du monde : comment nous pouvons être la première génération à construire une planète durable”, non traduit en français, ndlr.), avait été annoncé en mars 2022 sous un titre différent : The First Generation (“La première génération”, ndlr.). Tous ceux qui ont suivi l'évolution de l'activisme climatique reconnaîtront le premier titre comme une douce riposte au fatalisme des groupes tels que le Soulèvement de la dernière génération, un mouvement dont Thomas Schnee a parlé dans Voxeurop et dans Alternatives Economiques en janvier 2023. Ritchie, scientifique écossaise spécialisée dans l’analyse des données et directrice de recherche pour la publication en ligne Our World in Data, affirme que certaines statistiques soutiennent une perspective optimiste en matière d'action climatique. Le Guardian a publié un long extrait du livre de Ritchie, ainsi qu'un entretien de la scientifique avec la journaliste Killian Fox.   

Dans celui-ci, Ritchie explique son mécontentement face aux "prédictions apocalyptiques" de certains scientifiques et activistes du climat bien intentionnés. "Nous devons faire entendre un certain sentiment d'urgence, car les enjeux sont considérables", reconnaît-elle. "Mais on entend souvent ce message selon lequel nous ne pouvons rien faire : il est trop tard, nous sommes condamnés, alors profitons de la vie. C'est un message très préjudiciable, parce qu'il n'est pas vrai et qu'il ne peut pas pousser à l'action”, explique la scientifique. “Par ailleurs, les prédictions catastrophistes sont idéales pour les négationnistes du climat, qui exploitent les mauvaises prévisions et disent : ‘Vous ne pouvez pas faire confiance aux scientifiques, ils se sont déjà trompés, pourquoi devrions-nous les écouter aujourd'hui ?’”

Dans l'extrait de son livre, Ritchie décrit son passage du pessimisme à l'optimisme. Curieusement, la perspective d'abord sombre de l’autrice a été alimentée par l'augmentation progressive de la disponibilité des informations. "Mon obsession pour les sciences de l'environnement grandissait parallèlement à l'augmentation de la fréquence des reportages. Plus j'étais déterminée à rester informée, plus les articles me parvenaient rapidement, souvent accompagnés d’un flux de vidéos", relate-t-elle. Le processus est commun à l'ensemble du spectre social et politique : sans accès aux données appropriées, il est facile de prendre l'augmentation du nombre de reportages sur un phénomène pour un signe de l’augmentation de celui-ci.


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Comme c'est souvent le cas, le point de vue de Ritchie a changé lorsqu'elle s’est penchée sur les données. L’autrice mentionne le Climate Action Tracker, qui suit les politiques, les objectifs et les engagements de chaque pays en matière de climat, comme une source d'inspiration particulière. Si elle admet que les politiques actuelles conduiront à un réchauffement "terrible" de 2,5 °C à 2,9 °C, les engagements récents – s’ils sont tenus – devraient ramener cette estimation à 2,1 °C d'ici à 2100. 

Hannah Ritchie met également en avant une raison économique d'être optimiste : le coût de plus en plus abordable des sources d'énergie renouvelables. "En l'espace d'une décennie, entre 2009 et 2019, l'énergie solaire photovoltaïque et l'énergie éolienne sont passées du statut de source [d’énergie] la plus chère à celui de source la moins chère. Le prix de l'électricité solaire a baissé de 89 % et celui de l'éolien terrestre de 70 %. Ils sont désormais moins chers que le charbon”, reconnaît-elle. “Les dirigeants n'ont plus à faire le choix difficile entre l'action climatique et la fourniture d'énergie à leur population. Le choix d'une énergie à faible teneur en carbone est soudain devenu l’option économique. La rapidité avec laquelle ce changement s'est produit est stupéfiante.”

Si l'optimisme de Ritchie est salutaire, il n'y a pas lieu de se reposer sur ses lauriers. Céline Schoen, pour le média belge Alter Echos, fait état de la dérive vers la droite du plus grand groupe politique du Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE, droite), en particulier en ce qui concerne la politique climatique. Schoen commence son analyse par le vote très serré du 12 juillet 2023 sur la loi concernant la restauration de la nature, qui obligera les Etats membres à régénérer un cinquième de leurs écosystèmes naturels sur terre et en mer. Le PPE s'était allié aux groupes politiques situés à sa droite, les Conservateurs et réformistes européens (CRE, droite à extrême droite) et Identité et Démocratie (ID, droite à extrême droite), pour s'opposer à cette loi, au motif contesté qu'elle nuirait aux agriculteurs et à la sécurité alimentaire. 

Si le déni du réchauffement climatique peut être attendu de la part de petits groupes politiques au sein du Parlement européen, voir le PPE flirter avec pareilles idées a de quoi troubler, compte tenu de la taille de la famille conservatrice. 


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Planification écologique : l’heure de vérité pour le gouvernement

Antoine de Ravignan | Alternatives Economiques | 2 janvier | FR

En France, 2024 marque le début du plan gouvernemental visant à réduire d'un tiers les émissions de gaz à effet de serre du pays d'ici 2030. Ce plan, comme l'explique Antoine de Ravignan, consiste à achever au cours des sept prochaines années la même réduction des émissions qu’au cours des trente dernières années, et à maintenir ce rythme par la suite. Pas une mince affaire.

Parmi les (nombreux) autres objectifs, 15 % des voitures devront être 100 % électriques d'ici 2030, contre 1 % en 2022. Le réseau de pistes cyclables passera de 57 000 à 150 000 kilomètres. La part des résidences principales chauffées au fioul passera de 9,5 à 3,6 %, et les exploitations agricoles biologiques devront doubler en taille, passant de 11 à 21 % de la surface agricole totale. 

Le journaliste s'entretient avec des experts sur les perspectives du plan et constate que tout n'est pas parfait : difficultés liées au déploiement des installations éoliennes et solaires, doutes quant à l'augmentation de la production d'énergie nucléaire et au sous-investissement dans le chauffage renouvelable, le biométhane et les biocarburants de deuxième génération sont quelques-uns des problèmes qui pourraient amener le plan à ne pas atteindre son ambitieux objectif.

Les moules perlières d'eau douce d'Irlande, menacées d'extinction, bénéficient d'une protection totale de la part de l'UE, mais cela ne leur a pas été bénéfique

Ella McSweeney | The Irish Times | 16 décembre | EN

Les moules perlières d'eau douce sont considérées comme un indicateur du bien-être de l'environnement local, car elles permettent de comprendre l'état de la qualité de l'eau. Le cycle de vie de ces animaux nécessite en effet des eaux propres et bien oxygénées dans des rivières saines et au débit stable. Cependant, des facteurs tels que le drainage des terres, l'intensification de l'agriculture, l'envasement, la pollution de l'eau et les changements dans les écosystèmes des tourbières d'altitude ont entraîné un déclin de 90 % du nombre de moules dans toute l'Europe depuis les années 1980. "En Irlande”, écrit Ella McSweeney, “leur population est maintenant en chute libre.

Malgré la protection juridique de ces moules en vertu du droit irlandais et européen, les efforts de conservation se heurtent à des obstacles. Les plans élaborés en 2009 pour les zones spéciales de conservation n'ont toujours pas été signés, et une évaluation de la situation générale de l'espèce en Irlande en 2020, assortie de recommandations d'actions immédiates, n'a pas encore été publiée. McSweeney souligne également le procès perdu par le pays dans une affaire de juin 2023 devant la Cour de justice de l'Union européenne, pour n'avoir pas mis en œuvre les lois sur les habitats protégés. Si le gouvernement ne présente pas de plans pour remédier à la situation, le pays devra s'acquitter d’astreintes journalières.

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