Data Les Européens et la consommation de cannabis

La prison ne dissuade pas les consommateurs de cannabis en Europe

Le média hongrois indépendant EUrologus a démontré comment la consommation de cannabis varie selon qu’elle est passible ou non d’une peine de prison. Bien que tous les États membres de l’UE adoptent des législations afin de réguler la consommation de cannabis, leurs modalités et leurs finalités varient d’un pays à l’autre.

Publié le 29 septembre 2021 à 15:39

De plus en plus d’Etats membres de l’UE reconnaissent que sanctionner la consommation de cannabis mène à une impasse. Dépenser les ressources de la police, de la sécurité sociale et de la santé publique afin de réguler cette consommation revient à combattre un ennemi invisible et coûteux. Plutôt que de penser à sanctionner les consommateurs, les Etats devraient concentrer leurs efforts sur le lancement de campagnes de sensibilisation, surtout auprès des plus jeunes, tout en donnant un libre accès au cannabis thérapeutique.

Les consommateurs ne représentent pas une minorité : en moyenne, au sein de l’UE, 27,2 % d’individus ont déjà consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie. Autrement dit, plus d’1 personne sur 4 est susceptible d’avoir fumé de l’herbe dans un pays où il est interdit de le faire. 

Ces cinquante dernières années, bien que la consommation de cannabis ait été passible d’une peine de prison, elle n’a pas diminué et ne diminuera probablement pas à l’avenir. Parmi la population adulte européenne, 7,6 % (soit 25, 2 millions d’individus) ont consommé du cannabis l’année dernière. La part des 15-34 ans représente environ 15 %, voire 22 % dans certains États membres. En d’autres termes, 1 adulte sur 5 dans un pays donné a risqué, en principe, d’avoir des déboires avec la justice. De plus, des chiffres récents montrent que la consommation d’herbe a connu un rebond après les mesures de confinement et de distanciation sociale prises au début de l’épidémie de Covid-19

Bien entendu, la réalité est plus nuancée. Pendant des années, dans de nombreux pays européens, la police n’a pas cherché à sévir contre les consommateurs de cannabis. Néanmoins, la poursuite des contrevenants à la loi n’a pas été abandonnée. En effet, même aux Pays-Bas, où la politique en matière de drogues est réputée pour être laxiste, la possession de cannabis est passible d’une peine de prison. De même, en Autriche, où les amendes pour consommation de cannabis ont été abolies en 2016, des peines de prison sont prévues pour les cas extrêmes.

EUrologus a établi le graphiqueci-dessous, qui montre les pays où la consommation de cannabis est passible ou non d’une peine de prison. Le graphique indique le pourcentage d’adultes fumant de l’herbe dans chaque État membre. Cependant, l’exemple des Pays-Bas le montre bien, la menace de sanctions pénales n’est pas un indicateur fiable. Par conséquent, EUrologus a introduit un indicateur plus complexe mais quelque peu subjectif, basé sur la tolérance réelle des autorités dans le pays étudié, sur la disponibilité du cannabis thérapeutique, sur l’octroi de licences aux Cannabis Clubs ainsi que sur l’existence d’alternatives légales à l’emprisonnement.

Dans les pays qui figurent sur le graphique, la politique en matière de drogues pourrait se résumer à : ”vous pourriez aller en prison”. Bien souvent, cette approche est simplement due au fait que les gouvernements n’ont pas pour priorité politique de s’entendre sur une réforme qui permettrait d’adopter une loi plus réaliste. Parmi eux, citons ceux de la Bulgarie, de la Grèce, de la Pologne, de la Roumanie et (avec des taux plus élevés) de l’Estonie, de la Hongrie et de la Slovaquie. Dans ces pays, le fait que la consommation de cannabis soit passible d’une peine de prison ne dissuade pas les consommateurs pour autant : le veulent pour preuve les chiffres élevés de l’Estonie et de la Finlande.

Le graphique montre aussi les pays dont le code pénal mentionne la possession ou la consommation de cannabis. 

Il est important de souligner qu’un assouplissement de la législation sur le cannabis ne se traduit pas forcément par une proportion plus élevée de consommateurs chez les adultes.

On peut ainsi distinguer deux grands groupes de pays dans lesquels la consommation de cannabis n’est pas passible d’une peine de prison : ceux qui ont adopté une politique permissive pour s’adapter à la réalité, et ceux qui continuent dans une lignée plus laxiste, conformément au principe de liberté individuelle. Dans le premier groupe, on retrouve la Belgique, l’Espagne, l’Irlande, le Luxembourg, le Portugal, la République tchèque et la Slovénie. Par rapport à ces deux groupes, la législation à Chypre, en Italie, en Lettonie et en Lituanie est moins laxiste.

Il convient de mentionner tout particulièrement l’Irlande et les pays nordiques, où des politiques strictes en matière de drogues ont été progressivement abandonnes ces dernières années. La Norvège, pays voisin de l’UE, a pris un tournant historique en annonçant son intention de “dépénaliser la consommation de drogues, ainsi que l’acquisition et la possession d’une faible quantité de stupéfiants destinée à une consommation personnelle”. 

Enfin, dans certains pays de l’UE, les consommateurs sont nombreux et les peines de prison ne sont appliquées qu’en dernier recours. Poursuivre les consommateurs n’est donc pas la priorité de la police et des procureurs. On compte parmi ces pays l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark et les Pays-Bas, où plusieurs tentatives de légalisation du cannabis ont été, sans toutefois aboutir à la mise en œuvre de réformes profondes.

Enfin, les pays qui rencontrent un grave problème lié à la consommation de cannabis, tels que l’Estonie et la France, n’ont encore pas opté pour la dépénalisation. Bien au contraire : certains hauts responsables français ont rappelé à plusieurs reprises qu’ils étaient favorables à un renforcement des politiques contre la production et la consommation de cannabis.

Hors Europe, 16 Etats fédéraux américains ainsi que Washington D.C., le Canada et l’Uruguay peuvent désormais tous, à des degrés divers en fonction de leur expérience, rendre compte de l’impact de la légalisation du cannabis. De manière générale, celle-ci s’est traduite par une réduction des trafics et du nombre de crimes qui y sont liés, par un meilleur accès au cannabis thérapeutique, par un accès réduit pour les moins de 18 ans et par une première consommation plus tardive.

👉 L'article original sur EUrologus


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