Actualité Crise de la zone euro

Faire enfin payer les riches

Pour faire face à leurs dettes, les gouvernements taxent les classes moyennes. Pourtant, ce sont les mauvais investissements — banques, immobilier, dette publique — réalisés par les plus aisés qui sont à l’origine de la crise actuelle. D’où l’idée, défendue par le libéral Tagesspiegel, de faire passer les grosses fortunes à la caisse.

Publié le 17 août 2012 à 16:05

Cette année encore, le chef des Sociaux-démocrates allemands Sigmar Gabriel s’est associé avec les syndicats pour demander une hausse des impôts pour les plus riches dans le but de répartir plus équitablement le poids de la crise. Pour lui, il s’agit de “patriotisme social”. De l’autre côté du spectre politique, les Chrétiens-démocrates et les Libéraux se sont empressés de monter au créneau pour protéger les catégories les plus aisées, l’accusant de resservir un vieux refrain usé du socialisme.

Aussi, le débat prend-il des airs lassants de vieille guéguerre électorale. Mais l’impression est trompeuse. Il y a longtemps que les disparités dans la répartition des revenus et des richesses, qui s’accentuent depuis des années, ne sont plus qu’une simple question d’égalité. Car en réalité, ces disparités sont une des causes essentielles de la crise actuelle.

Des projets d’équipements aberrants

Avec une richesse de plus en plus importante qui se concentre dans les mains d’une petite minorité, une proportion de plus en plus considérable du revenu national alimente une demande en investissements financiers, et non plus en biens et en services.

La population aisée d’Europe place son argent dans des obligations de banques, de sociétés immobilières et d’Etats, lesquelles sont émises en Irlande, au Portugal, en Grèce et en Espagne, et sont assorties de juteux taux d'intérêt. Ainsi a-t-elle financé de gigantesques mauvais investissements – construction de logements et d’autoroutes qui restent vides, projets d’équipements aberrants – que ces pays n’auraient jamais pu mettre sur pied tout seuls.

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Fondamentalement, les prêts-relais des fonds de secours de la zone euro servent uniquement à aider ces Etats et leurs banques à rester solvables pour pouvoir s’acquitter de leur dette auprès des mauvais investisseurs. Ce ne sont pas les Allemands (ou les Hollandais, les Finlandais, etc.) qui sauvent les Grecs, les Irlandais ou les Espagnols, mais les contribuables des classes moyennes européennes qui sauvent le patrimoine des riches d’Europe.

Lutter contre ces dysfonctionnements

Au demeurant, ces derniers ne contribuent guère au financement des budgets nationaux. Les pays de la zone euro ont certes créé une union monétaire, mais jamais ils n’ont mis sur pied une politique fiscale commune. Au lieu de cela, ils se livrent à une course à la baisse d’impôts pour attirer le capital. Résultat : les impôts sur les revenus du capital sont descendus à leur niveau le plus bas, tandis qu’à l’échelle de l’Europe, les fortunes des particuliers ont progressé pour atteindre des niveaux équivalents à deux, voire trois fois ceux des dettes nationales.

En conséquence, on demande aux plus riches de contribuer à payer le prix des mauvais investissements. Mais cette question est beaucoup trop importante pour être traitée dans le cadre d’une campagne électorale nationale. Il faut enfin demander à ce que la politique de “sauvetage” actuelle, qui n’est pas bonne, soit changée.

Jusqu’à présent, les agents de recouvrement de l’UE n’exigent des pays en crise qu’une réduction des prestations sociales et une hausse des impôts aux dépens des classes moyennes. Pendant ce temps, les armateurs grecs, les magnats irlandais de l’immobilier et les super-riches espagnols ne paient presque pas d’impôts et placent leur argent dans des paradis fiscaux.

La priorité de ceux qui veulent sauver l’euro devrait être de lutter contre ces dysfonctionnements. Ainsi, les représentants de l’impopulaire “troïka” européenne pourraient malgré tout devenir des héros.

Impôts

Sale temps pour les riches

Ce n’est jamais bon signe quand les politiques commencent à faire appel au ‘patriotisme’ des contribuables”, écrit Gideon Rachman dans le Financial Times, au lendemain de l’annonce par le gouvernement français qu’il allait porter à 75% le taux maximal d’imposition sur le revenu.

C’est une erreur que de dépeindrele gouvernement de François Hollande comme des dinosaures socialistes. La vérité, c’est que le nouveau gouvernement français est le fer de lance d’une tendance globale : un retour de bâton au niveau international contre les nantis qui est en train de redessiner les contours de la politique, de l’Europe aux Etats-Unis en passant par la Chine. […] Le président des Etats-Unis Barack Obama gagne des pointsen vue de la présidentielle de novembre en demandant que l’on taxe “les millionnaires et les milliardaires”, tout en accusant son rival républicain Mitt Romney de représenter l’élite qui badine avec le fisc. […] Ce genre de changement est capable d’engendrer des changements politiques. Les responsables politiques occidentaux, de Barack Obama à François Hollande tentent de s’approprier et de guider ce nouvel état d’esprit…Ce dernier se durcit, il peut représenter la fin de la période de faible imposition, de dérèglementation et d’inégalités croissantes qui a commencé à la fin des années 1970, avec l’essor de Margaret Thatcher et Ronald Reagan en Occident et de Deng Xiaoping en Chine.

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