Rassemblement de l'opposition, Minsk, 19 décembre 2010

Laissons tomber Loukachenko, pas son peuple

Le président biélorusse devrait entamer un quatrième mandat après des élections a priori truquées. L'Occident ne devrait cependant pas tourner le dos à ce pays de l'Est, écrit le quotidien polonais Rzeczpospolita.

Publié le 20 décembre 2010 à 16:54
Rassemblement de l'opposition, Minsk, 19 décembre 2010

Et donc, une fois de plus, une élection biélorusse pose problème à l’Occident. Des adversaires du président passés à tabac par la police, des manifestants antigouvernementaux matraqués, des chefs de l’opposition interpellés — tout cela n’encourage guère à l’ouverture envers la Biélorussie de Loukachenko. Au contraire, on se croirait revenu à la triste époque où Alexandre Loukachenko était surnommé le “dernier dictateur d’Europe”.

Le résultat du vote de dimanche (79,67 % des voix en faveur du président sortant) est remis en cause à Minsk, des sources proches de l’opposition estimant que les chiffres de Loukachenko seraient en réalité inférieurs de moitié à ceux rapportés par les sondages de sortie des urnes orchestrés par les autorités.

Quelle devrait alors être notre réaction face aux résultats officiels ? Devrions-nous réimposer des sanctions au régime biélorusse, de nouveau interdire à ses représentants de se rendre à l’Ouest, priver Loukachenko des pentes alpines et de raouts avec Berlusconi ? Il est plus facile de dire quelle devrait être notre réaction face aux brutalités dont Vladimir Nekaïev, le candidat de l’opposition, a été victime : des critiques et une indignation sans faille.

L'Occident ne voit rien de mal à négocier avec d'autres démocraties suspectes

Nous devrions cependant nous abstenir de toute décision prise sous le coup de l’émotion. Je ne suggère pas que nous devrions faire comme s’il ne s’était rien passé. Il s’est passé bien des choses, et nous devrions le clamer haut et fort. Il faut exiger des explications quant au décompte des voix et aux agressions policières contre les chefs de l’opposition.

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Cela dit, l'Occident ne doit pas hésiter entre les sanctions et les promesses. Il ne doit pas, tel jour, brandir le bâton contre le régime pour lui proposer une carotte dès le lendemain. Ceux qui lui ont proposé une botte de carottes avant les élections s'attendaient-il vraiment à ce qu'il respecte les règles du jeu démocratique ? S'attendaient-ils par exemple à ce que la mentalité des fonctionnaires des bureaux de vote change du jour au lendemain ?

La Biélorussie n'est pas le seul pays à l'est de l'UE où les élections soient pour le moins douteuses. Or l'Occident ne voit rien de mal à négocier avec les autres leaders régionaux et à faire des affaires avec eux. Il y a un certain pays à l'est de l'UE qui s'appelle la Russie, où la police s'en prend à une vieille dame de 82 ans, sans que cela entraîne la moindre détérioration des relations avec l'Occident.

M. Loukachenko a de nombreux péchés sur la conscience et un jour son propre peuple l'obligera sans doute à rendre des comptes. Mais sous son règne, la Biélorussie a renforcé sa souveraineté. Elle n'est pas un partenaire facile et ce n'est pas près de changer.

L'Ouest devrait réfléchir sérieusement à l'éventualité de rompre ses liens avec Loukachenko, à condition bien sûr de ne pas tourner le dos aux Biélorusses. La Biélorussie n'est pas encore irrévocablement perdue pour l'Occident.

Vu de Moscou

Merci à l'Europe et la Russie

"Sa principale victoire, Alexandre Loukachenko l’a arrachée sur le terrain de la politique étrangère, constate Gazeta.ru. Pourtant, il y a encore 3 ou 4 mois, il lui aurait été difficile d'en espérer autant." : "L'Occident lui demandait de libéraliser sa politique intérieure et la Russie sapait son économie". Mais, "au lieu de recevoir une pluie de menaces, la Biélorussie a été l’objet d’une cour intense", raconte le journal en ligne russe. "Des responsables européens se sont rendus à Minsk avec des offres de coopération, puis la Russie reprit ses livraisons de pétrole détaxé, en échange de l'accord biélorusse à la création d'un Espace économique unifié. Côté européen, on a évoqué des aides financières de 3 milliards d'euros, côté russe, le coût de la mesure a été évalué à 2 milliards de dollars par an." "La démonstration faite par Loukachenko qu'il était capable d’entraîner son pays en direction de l'Europe a contraint le Kremlin de trouver les moyens de récupérer son ‘allié stratégique’, remarque Gazeta.ru. La situation de l'Europe est beaucoup plus simple. Elle a besoin d'un processus plus que d'un résultat, ce qui peut s'obtenir avec Loukachenko à la tête de l'Etat, et qui d'ailleurs se produit déjà."

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